Tu as réfléchi durant tout l’été mourant,
Tu as visité, chaque matin, notre table,
Baladin solitaire et célibataire,
Et tu t’es nourri de confiture
Si loin dans le pot que toutes tes forces parvenaient à peine
À t’extraire du trou sucré que tu avais creusé,
Toi et la terre, vous avez mûri maintenant
Et tes voies de passage ont ressenti le changement ;
Elles se sont refroidies ;
C’est étrange
Comme ces familières avenues de l’air
S’effritent désormais, s’effritent ; le bon air ne tiendra pas,
Toutes éclateront d’un bruit sec ; toutes périront sous le froid ;
Et déjà tu plonges dans le rien et dans le désespoir.
***
The Late Wasp
You that through all the dying summer
Came every morning to our breakfast table,
A lonely bachelor mummer,
And fed on the marmalade
So deeply, all your strength was scarcely able
To prise you from the sweet pit you had made —
You and the earth have now grown older,
And your blue thoroughfares have felt a change;
They have grown colder;
And it is strange
How the familiar avenues of the air
Crumble now, crumble; the good air will not hold,
All cracked and perished with the cold;
And down you dive through nothing and through despair.
Je me vois déjà,
en quelque siècle à venir,
pauvre baladin rescapé,
d’un temps de catastrophes,
ayant pignon sur rue,
parmi les flots bruyants de machines inhumaines –
et l’enseigne de ma petite échoppe,
comprimée tristement entre deux buildings
et fréquentée par quelques rares nostalgiques,
annonçant en lettres bleues
ces mots insolites, frondeurs :
Je suis le baladin qui danse sur la corde,
heureux de son vertige et de ses oripeaux,
Et je suis quelquefois l’innocent au berceau
Que le rêve exaspère et que la peur déborde.
À vous
clochards célestes
jetés un soir d’hiver
dans les fossés de la solitude.
À vous
handicapés de l’espoir
poursuivant les étoiles
sur un chariot de souffrances
À vous
clowns et baladins
aux costumes percés de larmes
Le temps n’a pas tout dit
mais cache sous ses grimaces
l’allégresse
du grand soir
Lorsque la nuit j’effeuille et mords les roses
C’est comme si je tenais entre mes dents
Le clair de lune des nuits transparentes,
L’éclat des après-midi lumineuses,
Le vent baladin du printemps,
La douceur amère des couchants
Et l’exaltation de toutes les attentes.
***
AS ROSAS
Quando à noite desfolho e trinco as rosas
É como se prendesse entre os meus dentes
Todo o luar das noites transparentes,
Todo o fulgor das tardes luminosas,
O vento bailador das Primaveras,
A doçura amarga dos poentes,
E a exaltaçáo de todas as esperas.
Voici venir les baladins
Regardez leurs sourires
Observez-les bondir tels des Indiens.
Regardez leurs mimiques
Avec quel aplomb
Ils gesticulent devant nous.
Mots perfides
Mots ricanent
Mots qui guident comme des cannes.
Semez-les ils croîtront
Observez-les osciller sous le vent.
Je serai toujours un homme de mots
Plus qu’un homme-oiseau.
Le bonheur est donné
C’est enfantin
Il faut s’aimer
J’ai descendu dans mon jardin
Il y faisait un clair de lune
Comme la lampe d’Aladin
Avec rime d’un baladin
J’y suis resté jusqu’au matin
Jusqu’à l’aube et ses tambourins
A réfléchir à nos destins
Qui furent danses d’Arlequin
Et clartés de bonne fortune
Nous vivons sur des strapontins
Mais tout le spectacle est divin
J’ai descendu dans mon jardin
Le bonheur est donné
C’est enfantin
Il faut s’aimer