Ceci sera un poème triste. Je ne sais pas très bien
pourquoi je crache ce secret, mais depuis environ
trois mois je crois de plus en plus que la poésie
n’est pas une forme de charité. Plutôt une maladie
que l’on partage avec une poignée d’idiots sans espoir,
une plainte raffinée qui surtout ennuie les autres,
et la nuit – ce n’est pas un art de guérir.
La chambre reste une chambre, le lit un lit.
Ma vie est gâtée par la poésie et même
si je savais mieux avant, je ne me fais aucune illusion
quand, avec ce petit tas d’imprimés, je tracasse
soixante-quatre lecteurs ou, pire, abats deux arbres.
***
MISVERSTAND
Dit wordt een droef gedicht. Ik weet niet goed
waarom ik dit geheim ophoest, maar sinds een maand
of drie geloof ik meer en meer dat poëzie
geen vorm van naastenliefde is. Eerder een ziekte
die je met een handvol hopeloze idioten deelt,
een uitgekookte klacht die anderen vooral verveelt
en ‘s nachts — een heelkunst is het niet.
De kamer blijft een kamer, het bed een bed.
Mijn leven is door poésie verpest en ook
al wist ik vroeger beter, ik verbeeld me niets
wanneer ik met dit hoopje drukwerk vierenzesti g
lezers kwel of, erger nog, twee bomen vel.
(Menno Wigman)
Recueil: L’affliction des copyrettes
Traduction: Pierre Gallissaires et Jan H. Mysjkin
Editions: Cheyne
Redoutant la banalité,
je garde pour moi des poèmes.
Ils ne sont souvent imprimés
que dans mon coeur ; et je les aime,
enfouis en moi, ces chants cachés.
Ô pure, unique liberté
du plaisir et de la jeunesse !
O des sens neuve et douce ivresse !
Je crains que des vers sans noblesse
souillent vos divines beautés.
(Constantin Cavàfis)
Recueil: Tous les poèmes
Traduction: Michel Volkovitch
Editions: Le miel des Anges
Les lambeaux de notre amour mitigé
Accrochés aux poutres de mes souvenirs
Imprimés en moi éternellement.
Ce savant mélange, ce savant désordre
Cette passion étonnée, détonnée
Cet étrange amalgame de souvenirs
Ce synchronisme parfait, cet élan
Ce lien spirituel, primitif, basique
Donnent à ma vie du relief.
Vie sacralisée, saturée, colorée.
Oui, je t’aime. Oh! Que je t’aime!
Les fibres de mon corps, tendues
Vers un seul être, une seule âme.
Mon grand amour, mon tout amour.
Pourtant, je te confesse:
L’obésité de mon amour pour toi,
Me bloque la respiration. Asphyxie.
Criw, craw, criw, craw!
Gorge raclée, souffle court!
Cet amour cataclysme m’anéantira
Cet amour volcan me consumera.
Si je dois t’aimer, je ne dois exister.
Je ne puis me résoudre à disparaître.
Je t’aimerai de loin, plus fort encore