Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘à contre-jour’

C’est vous quand vous êtes partie (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023




    

C’est vous quand vous êtes partie,
L’air peu à peu qui se referme
Mais toujours prêt à se rouvrir
Dans sa tremblante cicatrice

Et c’est mon âme à contre-jour
Si profondément étourdie
De ce brusque manque d’amour
Qu’elle n’en trouve plus sa forme

Entre la douleur et l’oubli.

Et c’est mon coeur mal protégé
Par un peu de chair et tant d’ombre
Qui se fait au goût de la tombe

Dans ce rien de jour étouffé
Tombant des astres, goutte à goutte,
Miel secret de ce qui n’est plus

Qu’un peu de rêve révolu.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

C’est un bruissement à peine (Jacques Ancet)

Posted by arbrealettres sur 19 octobre 2022




    
C’est un bruissement à peine.
Une sorte de vibration fixe
venue de là-haut ou d’en bas,
on ne sait pas.

Avec un ciel de craie
et des visages noirs à contre-jour.
Et des cris soudain, des rires.

Et des phrases qui s’en vont,
qu’on n’a pas su comprendre.
Ou qu’on a mal entendues.
Qu’on a oubliées, déjà.

Seul est resté le silence
et, très loin,
comme au bord,
ce qui ne se tait pas.

***

Et puis, oui, on est au bord.
On ne voit rien, mais on y est.
Le passé vient par bouffées.
Comme poussé par un vent violent.
Tenir, dit-il, que faire d’autre ?
La main touche la main.
Elle y sent battre le coeur.

***

On poursuit comme on peut.
Le jour est froid, le futur une brume immobile.
Rien qui en sorte, sauf peut-être une ombre venue des yeux
et qui se déplace sans jamais prendre forme.
Quant au présent,
il tient comme en équilibre sur la pointe d’un pied.

***

En attendant, lève-toi.
Ouvre les mains.
Laisse tomber ce que tu portes.
Ne garde que ta vie.
Une brassée d’air.
Et rien.

(Jacques Ancet)

Recueil: L’âge du fragment
Traduction:
Editions: AENCRAGES

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »

POUR UNE FOIS QUELQUE CHOSE (Robert Frost)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2022



POUR UNE FOIS QUELQUE CHOSE

Certains me raillent : chaque fois que je regarde
Au fond d’un puits, je suis toujours à contre-jour
Et ne vois pas plus loin dedans que la surface,
Qui me renvoie une image resplendissante
De moi-même en jeune dieu sur un ciel d’été,
Nimbé de fougères et de nuages blancs.
Un jour pourtant, le menton sur une margelle,
J’ai aperçu, je crois, au-delà de l’image,
A travers l’image, quelque chose de blanc
Et de vague, venu des grandes profondeurs —
Et puis j’ai soudain perdu de vue cette chose.
De l’eau rageusement vint brouiller l’eau trop claire.
Une goutte tomba d’une fougère — et pfutt
Une ride agita ce qui était au fond,
Le brouilla, l’effaça. Qu’était cette blancheur ?
Vérité ou quartz ? Pour une fois quelque chose.

***

Others taunt me with having knelt at well-curbs
Always wrong to the light, so never seeing
Deeper down in the well than where the water
Gives me back in a shining surface picture
Me myself in the summer heaven godlike
Looking out of a wreath of fern and cloud puffs.
Once, when trying with chin against a well-curb,
I discerned, as I thought, beyond the picture,
Through the picture, a something white, uncertain,
Something more of the depths—and then I lost it.
Water came to rebuke the too clear water.
One drop fell from a fern, and lo, a ripple
Shook whatever it was lay there at bottom,
Blurred it, blotted it out. What was that whiteness?
Truth? A pebble of quartz? For once, then, something.

(Robert Frost)

 

 

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , | 2 Comments »

À l’improviste (Bruno Mabille)

Posted by arbrealettres sur 12 juillet 2018



    

À l’improviste
une inconnue ouvre la porte

me donnant son nom
en guise d’adresse

ni ange ni spectre
sinon qu’à contre-jour
je n’en devine
que le tremblement des lèvres
et des perles qui brillent.

(Bruno Mabille)

 

Recueil: A celle qui s’avance
Traduction:
Editions: Gallimard

Posted in poésie | Tagué: , , , , , , , , , , , , , , , | Leave a Comment »