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Poésie

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PAMPOÉSIE (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2022




    
PAMPOÉSIE

Poésie, patrimoine étoilé :
il fallut découvrir peu à peu ventre vide et sans guide
ton terrestre héritage,
la clarté lunaire et l’épi secret.

La clef, de la solitude à la foule,
se perdait dans les rues et dans les bois
et sous les pierres et dans les trains.

La condition obscure en est le premier sceau,
l’ivresse grave avec un simple verre d’eau,
le corps rassasié sans avoir mangé,
le coeur qui mendie avec son orgueil.

Et bien d’autres choses que taisent les livres
remplis d’une splendeur sans joie : il faut
entamer peu à peu la pierre qui écrase,
dissoudre peu à peu le minerai de l’âme
jusqu’à ce que tu sois celui qui lit,
jusqu’à ce que l’eau chante par ta bouche.

Ce qui est plus facile que la mer à boire
et plus difficile aussi que naître sans fin.
C’est un étrange office qui te cherche
et qui se cache quand on l’a cherché,
c’est une ombre au toit crevassé
mais où dans chaque trou il y a une étoile.

(Pablo Neruda)

Recueil: Mémorial de l’Île Noire
Traduction: Claude Gouffon
Editions: Gallimard

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Oh amour, rayon fou, oh menace de pourpre (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2019



Oh amour, rayon fou, oh menace de pourpre
tu viens me voir, grimpant par ton frais escalier
au château que le temps a couronné de brumes,
à mon coeur enfermé dans ses pâles murailles.
Personne ne saura que la seule douceur
fit peu à peu des cristaux durs comme des villes,
que le sang a ouvert d’infortunés tunnels
sans que sa monarchie ait surmonté l’hiver.
C’est pour cela, amour, que ta bouche, ta peau,
ta lumière et tes peines sont le patrimoine
vivant, dons sacrés de la pluie, de la nature
dont l’accueil fait lever la promesse du grain,
la tempête du vin secrète dans les caves,
le flamboiement souterrain de la céréale.

***

Oh amor, oh rayo loco y amenaza purpúrea,
me visitas y subes por tu fresca escalera
el castillo que el tiempo coronó de neblinas,
las pálidas paredes del corazón cerrado.
Nadie sabrá que sólo fue la delicadeza
construyendo cristales duros como ciudades
y que la sangre abría túneles desdichados
sin que su monarquía derribara el invierno.
Por eso, amor, tu boca, tu pie, tu luz, tus penas,
fueron el patrimonio de la vida, los dones
sagrados de la lluvia, de la naturaleza
que recibe y levanta la gravidez del grano,
la tempestad secreta del vino en las bodegas,
la llamarada del cereal en el suelo.

(Pablo Neruda)

Illustration: René Julien

 

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Lunes en détresse (Jules Laforgue)

Posted by arbrealettres sur 12 décembre 2016



Lunes en détresse

Vous voyez, la Lune chevauche
Les nuages noirs à tous crins,
Cependant que le vent embouche
Ses trente-six mille buccins!

Adieu, petits coeurs benjamins
Choyés comme Jésus en crèche,
Qui vous vantiez d’être orphelins
Pour avoir toute la brioche!

Partez dans le vent qui se fâche,
Sous la Lune sans lendemains,
Cherchez la pâtée et la niche
Et les douceurs d’un traversin.

Et vous, nuages à tous crins,
Rentrez ces profils de reproche,
C’est les trente-six mille buccins
Du vent qui m’ont rendu tout lâche.

D’autant que je ne suis pas riche,
Et que Ses yeux dans leurs écrins
Ont déjà fait de fortes brèches
Dans mon patrimoine enfantin.

Partez, partez, jusqu’au matin!
Ou, si ma misère vous touche,
Eh bien, cachez aux traversins
Vos têtes, naïves autruches,

Éternelles, chères embûches
Où la Chimère encor trébuche!

(Jules Laforgue)

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Le Plein et le Vide (Carlos Drummond de Andrade)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2016



Le Plein et le Vide

Oh si je me souviens et combien.
Et si je ne me souvenais pas?
Autre serait mon âme,
bien différent mon visage.

Oh comme j’oublie et combien.
Et si je n’oubliais pas?
Je serais l’homme-étonnement,
sans tête déambulant.

Oh comme j’oublie et me souviens,
comme je me souviens et oublie,
par flux égaux
et simultanés enlacements.
Mais comment puis-je, à la fin,
recomposer mes déguisements?

Quel coffret étrange recèle
en moi sa brume et ses cendres,
son patrimoine de flammes,
tandis que la vie confère
sa limite, et que chaque heure
est une heure dévolue
dans la balance de la mémoire
qui pleure et qui rit, partagée?

(Carlos Drummond de Andrade)

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Récompense (Odilon-Jean Périer)

Posted by arbrealettres sur 22 août 2016



Récompense

Ô corps tout secoué de prochaines musiques !
Lié contre la table où pèse ton sang noir,
laisse-toi transporter d’un rire dramatique
et de honteuse ardeur embellis ton espoir.

Fils indigne de l’or natal, apôtre étrange,
je désire la mer mon patrimoine bleu ;
j’épuise tous mes cris dans les ailes d’un ange,
je tente d’acquérir la sagesse du feu.

Ah ! que craindrait mon corps du printemps sur la terre ?
Je vendange ma vigne avec gloire et colère,
mon amour a repris la face de la nuit.

– Et dans le bruit mortel que fait l’aube criante
voici ! Je reconnais, généreuse et riante,
la Muse au coeur flambant, la porteuse de fruits !

(Odilon-Jean Périer)

Illustration: Andrzej Malinowski

 

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