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J’ai su comment les visages se défont (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 23 Mai 2023




    
J’ai su comment les visages se défont,
Comment on voit la teneur sous les paupières,
Comment des pages d’écriture au poinçon
Font ressortir sur les joues la douleur,
Comment les boucles noires ou cendrées
Ressemblent soudain à du métal blanc.
Le sourire s’éteint sur les lèvres dociles
Et la peur tremble dans un petit rire sec.
Si je prie, ce n’est pas pour moi seule,
Mais pour tous ceux qui ont avec moi attendu
Dans le froid féroce, ou sous la canicule,
Au pied du mur rouge, du mur aveugle.

(Anna Akhmatova)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Jean-Louis Backès
Editions: Gallimard

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Quoi qu’il en soit (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 14 Mai 2022



Illustration: Amedeo Bocchi
    
Quoi qu’il en soit

Soit la nuit la plus noire, et plus profonde,
Et gelée, et sombre la mer des monstres:
Soit l’oeil de Dieu comme celui du serpent :
Une fente d’écailles dans une pierre.

Soit le centre de la terre feu ou cendres,
Et plus tortueuse et sulfureuse la cicatrice
Des incendies qui vont d’un côté à l’autre
De cette face mesquine, lamentable.

Soit la rue la plus longue et découverte,
Et à son extrémité le plus haut mur qui
De la suspension du pas fait commerce
D’étoffes ternes et d’ors sans poinçons.

Soit le fruit le plus pourri et trompeur,
Entre la main et le blé l’araignée noire.
Soit la chaleur du soleil autre fantasme
Dans la froideur de la grotte des spectres.

Soit le monde mordu et toute la chair
Par les mandibules difformes ou ventouses,
Ou des aiguilles mortelles de combien d’êtres
D’autres terres du ciel descendant sur celle-ci.

Peu importe quoi que ce soit, ou vienne à être,
Ou ait été de douleur et d’agonie,
De misère, épouvante et amertume,
Si ton ventre s’ouvre et me cherche.

***

Ainda que seja

Seja a noite mais negra, e mais profundo,
E gelado, e sombrio o mar dos monstros.
Seja o olho de Deus como o da cobra:
Urna fenda de escamas numa pedra.

Seja o centro da terra fogo ou cinzas,
E mais torta e sulfúrea a cicatriz
Dos incêndios que vão de lado a lado
Desta face mesquinha, lamentável.

Seja a rua mais longa e descoberta,
E mais alta a parede que ao fim dela
Da suspensão do passo faz comércio
De panos baços e ouros sem contraste.

Seja o fruto mais podre e enganoso,
Entre a mão e o trigo a aranha preta.
Seja o calor do sol outro fantasma
Na frieza da gruta dos espectros.

Seja o mundo mordido e toda a carne
Pelas mandíbulas disformes ou ventosas,
Ou agulhas mortais de quantos seres
Doutras terras do céu desçam a esta.

Seja là o que for, ou venha a ser,
Ou tenha sido em dor e agonia,
Em miséria, pavor e amargura,
Se o teu ventre se abre e me procura.

(José Saramago)

 

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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Je t’ai nommé l’indienne (Ernest Pépin)

Posted by arbrealettres sur 4 septembre 2018



    

Je t’ai nommé l’indienne
(Extrait)

1
Femme d’embruns brûlés
Et de bourgeons d’étoile
Qui crayonne les cyclones
La monture des marées
Et par ravine chaude où sommeille ta chaleur
Redonne au monde le bel incendie
La première étincelle
La parole inconsolée des mythes

2
Il fait toujours soleil
Dans la splendeur des songes
Et la roue de tes mains
Lavée du plus beau sang
Au nom du chant des mers disparues
Témoigne

3
Femme aux tempes de pierre polie
Aux temples couleur de jungle
Qui conjure un mauvais sort
Danse de couleuvres
Terre tremblée
Cri mouillé
Femme du fond des nuits
Qui sort les pagaies lumineuses
De sa révolte
Épouse des aurores boréales
Ruche zélée des moussons
Remuant les vagues du commencement

4
Femme
Plus tendre que le coeur du déluge
Un grand sillage phosphorescent
Ta liberté
Feu de l’amour libre
Qui nourrit le soleil
Ta liberté
Mémoire
Tressant
La gerbe des rosées
L’impossible poinçon rouge cousu au front
Des voyances

(Ernest Pépin)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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