J’aime te voir souffrir. Je suis douce pourtant.
Mais j’aime, sur ton front, la douleur qui ravage
Et j’aime, dans tes yeux, cette lueur sauvage
Comme un couteau brandi sur un sein palpiltant.
Je t’aime. Et d’un coeur sec, attentif, ínsistant,
Je verse la douleur, lent et brûlant breuvage,
Dans tes veines, afin d’y mettre un esclavage
Aussi fort que la joie et que l’amour constant.
Je t’aime. Mais l’amour porte une face double;
Il me faut ton bonheur et ton plus mauvais trouble,
Ton bonheur rayonnant, ton trouble qui l’éteint.
Il faut que l’un en l’autre et s’habite et s’obsède,
Pour que soient satisfaits, lorsque je te possède,
L’âme grande et suave et le cruel instinct.
(Jane Catulle-Mendès)
Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle
Au soir, douceur du monde sur la baie
— Il y a des jours où le monde ment, des jours où il dit vrai. Il dit vrai, ce soir —
et avec quelle insistante et triste beauté.
La vraie tendresse, on ne peut la confondre
Avec rien d’autre. Et elle est calme.
Tu prends soin d’entourer de fourrures
Mes épaules, ma poitrine. Tu as tort.
Tu as tort de prononcer des mots dociles,
De parler d’un premier amour.
Je connais bien ces regards,
Insistants, jamais repus, tes regards.
En Californie on peut venir voir des amis
et fumer des herbes très raffinées.
À Los Angeles on peut venir voir des anges
marcher sur les eaux du Pacifique
en fait ce sont des blonds sur des planches.
On peut visiter les studios majeurs d’Hollywood
et voir pour de vrai les stars de cinéma.
Moi, à Los Angeles j’ai surtout vu des murs.
Tout d’abord des graffitis,
beaux comme des peintures,
signés par des dizaines d’anonymes
sur des murs longs comme des serpents mythiques.
C’était le début d’une découverte pleine de plaisirs
et de surprises,
celle des murs peints.
On dit murals en américain,
je les ai appelés murals
Mural comme mur vivant,
mur vital, mur moral,
Mural comme mur parlant, mur murmurant.
Mural comme… un mur râle l’autre pas
mais …
mais mural comme non commercial :
ces murs-là n’ont rien à vendre.
Un billboard, grand panneau de réclame,
c’est bien placé, c’est efficace,
c’est souriant, c’est maquillé.
Un mural non.
Et c’est évident dès qu’on arrive.
D’aéropistes en autoroute,
on repère quelques fois un mural
grâce à un embouteillage.
C’est une image souvent mal placée, pas maquillée,
pas souriante.
C’est en pleine rue, en gros plan,
un visage au regard insistant.
Comment les nommer,
ces habitants des murs de Los Angeles ?
Les losangelots ?
Les losangeliques ?
ou alors
les losanges laids
ou les os en gelée
les losangelois ?
ou encore, les anglilosains comme on dirait à
Pont-à-Mousson.
En tout cas de visage en palmier
et de palmier en mural,
j’ai roulé 60 kilomètres de l’Est
où est Losangelest
à l’océan où est Losangelouest.
(Agnès Varda)
« Quelques » photos de Los Angeles et sa grande banlieue et aussi San Francisco où nous avons vu quelques beaux murs
De la couleur de l’ombre
Se peint le soir
Pour moi interminable
Loin de toi. Œil, cœur, âme aiguillonnent
Le désir insistant
Qui veut que je t’appelle.
II
D’une couleur d’ombre se voilent
Âme, regard et cœur
Égarés dans le soir
D’une attente interminable.
III
Ombre, telle est la couleur
Du cœur, de l’âme, des yeux
Dans l’attente sans fin perdus.
IV
Âme, cœur et regard,
Des ombres dans la nuit avancée
Qui attendent.
Je parle de l’inexistant
l’instant, de l’insistant
quêteur au front
ceint de lierre — mon père
dis-moi ton nom
que j’en couvre mes
livres, écrase-moi de
ton regard afin
qu’éclate en mon
cerveau, salutaire
la foudre