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Poésie

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Les Quatre saisons (Charles Cros)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2020



Les Quatre saisons

I

Au printemps, c’est dans les bois nus
Qu’un jour nous nous sommes connus.

Les bourgeons poussaient, vapeur verte.
L’amour fut une découverte.

Grâce aux lilas, grâce aux muguets,
De rêveurs nous devînmes gais.

Sous la glycine et le cytise,
Tous deux seuls, que faut-il qu’on dise ?

Nous n’aurions rien dit, réséda,
Sans ton parfum qui nous aida.

II

En été les lis et les roses
Jalousaient ses tons et ses poses,

La nuit, par l’odeur des tilleuls
Nous nous en sommes allés seuls.

L’odeur de son corps, sur la mousse,
Est plus enivrante et plus douce.

En revenant le long des blés,
Nous étions tous deux bien troublés.

Comme les blés que le vent frôle,
Elle ployait sur mon épaule.

III

L’automne fait les bruits froissés
De nos tumultueux baisers.

Dans l’eau tombent les feuilles sèches
Et, sur ses yeux, les folles mèches.

Voici les pêches, les raisins,
J’aime mieux sa joue et ses seins.

Que me fait le soir triste et rouge,
Quand sa lèvre boudeuse bouge ?

Le vin qui coule des pressoirs
Est moins traître que ses yeux noirs.

IV

C’est l’hiver. Le charbon de terre
Flambe en ma chambre solitaire.

La neige tombe sur les toits,
Blanche ! Oh, ses beaux seins blancs et froids !

Même sillage aux cheminées
Qu’en ses tresses disséminées.

Au bal, chacun jette, poli,
Les mots féroces de l’oubli.

L’eau qui chantait s’est prise en glace.
Amour, quel ennui te remplace !

(Charles Cros)

Illustration: Sophie Vulliard

 

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ODE DE MES PEINES (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2018



ODE DE MES PEINES

Peut-être que quelqu’un, que quelques-uns
veulent savoir
quelque chose de moi.

Je m’interdis
de parler de mes peines.
Encore jeune, presque vieux
et suivant mon chemin
je ne puis
sans
épines
couronner
mon coeur
qui a tant
travaillé,
mes yeux
qui ont exploré la tristesse
et sont revenus sans pleurs
des embarcations
et des îles.

Je vais vous raconter comment
quand je suis né
les hommes, mes amis,
aimaient
la solitude, l’air
le plus lointain,
et la vague aux sirènes.

Je suis revenu
des
archipels,
je suis revenu des jasmins,
du désert,
pour être,
être,
être,
avec d’autres êtres,
et quand j’ai été,
non pas ombre ni évadé,
un humain, j’ai reçu les chargements
du coeur humain,
les perfides cailloux
de l’envie,
l’ingratitude servile de chaque jour.

Reviens, Monsieur, susurrent
de plus en plus lointaines les sirènes :
elles fouettent l’écume
et coupent de leur queue
argentée
la transparente
mer
des souvenirs.

Nacre et lumière mouillées
comme des fruits jumeaux
à la clarté de la lune enivrante.

Ah! et je ferme les yeux.

Le murmure du ciel dit adieu.
Je vais à ma porte recevoir des épines.

(Pablo Neruda)


Illustration

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Les amis (Georges Moustaki)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2017



 

Cunde Wang  (3)

Les amis

Je voudrais mes amis vous offrir à ma table
Les meilleurs vins, les meilleures nourritures,
Du tabac parfumé, des herbes délicates,
Et des liqueurs aux couleurs enivrantes.

{Refrain:}
Des filles qui seraient parmi nous, seraient belles,
Prêtes à offrir tout un lit de tendresse.

Je voudrais regarder briller vos yeux de grâce,
À votre bouche, surprendre un sourire.
Je voudrais chanter toutes les musiques,
Charmer vos coeurs en charmant vos oreilles.

{au Refrain}

Je voudrais allumer des bougies silencieuses
Qui danseraient des danses amoureuses
Et je me sentirais alors un peu des vôtres,
J´aurais moins froid et je serais moins seul.

{au Refrain} bis

(Georges Moustaki)

Illustration: Cunde Wang

 

 

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L’Etoile de Vénus (II) (José-Maria de Heredia)

Posted by arbrealettres sur 16 septembre 2016



Elle semblait plier dans ses cheveux châtains
Retombant mollement en cascade ondoyante,
Si beaux que l’on voudrait les prendre à pleines mains,
S’y plonger, respirer leur odeur enivrante.

De son robuste corps, la volupté puissante
S’exhalait; on voyait s’agiter sur ses seins,
Globe marmoréens, sa robe frémissante; –
– L’oeil ébloui tremblait sur ces contours divins.

Un souffle ardent gonflait ses mobiles narines,
Et l’on voudrait baiser sur ses lèvres mutines
La fraîcheur de son sang. Son oeil étincelant

Et noyé de langueur attirait comme l’onde;
Qu’il est doux de mirer dans cette mer profonde
Et mordre, ivre d’amour, à ce corail sanglant!

(José-Maria de Heredia)

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La magicienne (José-Maria de Hérédia)

Posted by arbrealettres sur 27 Mai 2016




En tous lieux, même au pied des autels que j’embrasse,
Je la vois qui m’appelle et m’ouvre ses bras blancs.
Ô père vénérable, ô mère dont les flancs
M’ont porté, suis-je né d’une exécrable race ?

L’Eumolpide vengeur n’a point dans Samothrace
Secoué vers le seuil les longs manteaux sanglants,
Et, malgré moi, je fuis, le coeur las, les pieds lents ;
J’entends les chiens sacrés qui hurlent sur ma trace.

Partout je sens, j’aspire, à moi-même odieux,
Les noirs enchantements et les sinistres charmes
Dont m’enveloppe encor la colère des Dieux ;

Car les grands Dieux ont fait d’irrésistibles armes
De sa bouche enivrante et de ses sombres yeux,
Pour armer contre moi ses baisers et ses larmes.

(José-Maria de Hérédia)

Illustration: Evelyn De Morgan

 

 

 

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