Je vais bénir toujours ce jour heureux,
Quand je renaîtrai de nouveau,
Même si c’est le jour de ma mort.
Mais j’espère que je renaîtrai plus tôt.
Mon ombre ne va pas me poursuivre,
Quand je renaîtrai de nouveau,
Horrible et carbonisée, mon ombre noire:
Un arbre foudroyé dans la forêt.
Je vais dormir dans la nuit et non dans la journée,
Quand je renaîtrai de nouveau,
Mon sommeil sera clair et sans cauchemars
Et réveillé je ne vais pas moisir
J’irai en avant, très loin, sans me retourner,
Quand je renaîtrai de nouveau;
Je serai sourd et aveugle pour l’amour,
Et je vais cueillir des cerises dans le jardin.
Noir c’est mon nom quand je m’éveille
Noir le singe qui me tracasse
Qui grimace moule à manies
Devant le miroir de ma nuit
Noir c’est mon poids de déraison
C’est ma moitié froide pourrie
Noir où la flèche s’est plantée
Où le tison a prospéré
Noir le gentil corps foudroyé
Noir le coeur pur de mon amour
Noire la rage aux cheveux blancs
A la bouche basse et baveuse
Cette envie folle de hurler
Ne cessera qu’avec ma voix
Que sur les charmes de ma tombe
Où viendront pleurer mes complices
Tous ceux qui m’approuvaient d’aimer
Et qui voudraient fêter mon deuil
J’étais construit les mains ensemble
Doublé de deux mains dans les miennes
J’étais construit avec deux yeux
Qui se chargeaient des miens pour voir
Mais aujourd’hui je sens mes os
Se fendre sous le froid parfait
Je sens le monde disparaître
Rien ne demeure de nos rires
Ni de nos nuits ni de nos rêves
Et la rosée est charbonneuse
J’ai trop pleuré la coque est vide
Où ne nous pouvions qu’être deux
Écartez-vous de ma douleur
Elle vient droit de la poussière
Elle nie tous les sacrifices
La mort n’est jamais vertueuse
Écartez-vous si vous avez
Envie de vivre sans mourir
Sous vos paupières desséchées
Et dans la boue de vos désirs
Noir un zéro s’arrondirait
Zéro petit et très immense
Qui est capable de gagner
La souveraine part de l’homme
Eux, au regard incertain, à peine sortis
de l’ombre et déjà foudroyés.
On les croise en silence;
on fait semblant de parler du temps,
en laçant des souliers qui n’existent pas.
On souhaiterait tellement
un miracle dans la seconde.
Dans l’ombre de la montagne
sous les sapins foudroyés
ce mamelon d’aiguilles roses
grouille du lent tourbillon
des fourmis-hiéroglyphes
qui entrelacent et brouillent
un dessin dicté.
Un pas de plus et l’orage allait lui mordre les doigts.
il le fit, ce pas, il en fit deux.
il entra même tout entier dans la gueule du tonnerre.
Un grand vide. Pas brûlé, pas foudroyé.
Non, mais un grand vide.
Un grand vide charmeur qu’il ne voulut plus jamais quitter.
Je te comprends
quand tu lis dans mon dos
des B.D.
masochistes
pendant que moi j’écris
de quoi remplir ma nuit
d’une paix
relative.
Je te comprends
avec tes mots croisés
ma définition
reste à perdre…
Je te comprends
quand
la nuit a vrillé
et que mes mains se crispent
comme celles
d’un
foudroyé.
Je te comprends
quand tes urgences crient
sous l’assaut
de patients
ivres morts.
Je te comprends
car nous parlons
un dialecte
une langue secrète
naufragée…