De quelles soies se sont faits tes doigts,
De quel marbre tes cuisses lisses,
De quelles hauteurs est parvenue à ta démarche
La grâce de chamois avec laquelle tu chemines.
De quelles mûres matures s’est extrait
Le goût acidulé de ton sein,
De quelles Indes le bambou de ta taille,
L’or de tes yeux, d’où est-il venu
A quel balancement de vague vas-tu chercher
La ligne serpentine de tes hanches,
Où naît la fraîcheur de cette fontaine
Qui sort de ta bouche quand tu ris
De quels bois marins s’est détachée
La feuille de corail de tes portes,
Quel parfum t’annonce quand tu viens
M’encercler de désir aux heures mortes.
***
Inventário
De que sedas se fizeram os teus dedos,
De que marfim as tuas coxal lisas
De que alturas chegou ao teu andar
A graça de camurça com que pisas.
De que amoras maduras se espremeu
O gosto acidulado do teu seio,
De que indias o bambu da tua cinta,
O oiro dos teus olhos, donde veio.
A que balanço de onda vais buscar
A linha serpentina dos quadris,
Onde nasce a frescura dessa fonte
Que sai da tua boca quando ris
De que bosques marinhos se soltou
A folha de coral das tuas portas,
Que perfume te anuncia quando yens
Cercar-me de desejo a horas mortas
(José Saramago)
Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond
QUEL vent fou pavoisant un jour de mi-carême
mêle aux fils de tramway des bouts de serpentins
Le printemps au salon l’hiver sur le jardin
il y a bal masqué dans les villes que j’aime
Un jaquemart de fer ayant jeté son coeur
pour laisser le temps mort rouiller sous son armure
éclabousse de sang parmi les épluchures
des chapeaux de conscrits aux rubans de couleur
Mon rêve se déplume au delà des baraques
c’est le garde sommeil qui s’est battu pour moi
comme la neige tombe à la fin du tournoi
sur l’arbre de Noël où couve un oeuf de Pâques
Frankie Laine chantait « Jezebel »
J’ai épinglé une Croix de Fer à mon revers
je suis allé vers la fille
la plus grande, la plus blonde
J’ai dit « Ecoute, tu ne me connais pas encore
mais ça ne saurait tarder;
alors veux-tu que je te voie
veux-tu que je te voie
veux-tu que je te voie toute nue ? »
Elle a dit « Danse avec moi
vers le coin sombre du lycée
Il se peut
que je te laisse faire presque tout
Je sais que tu as faim
j’entends ça dans ta voix
et l’on peut me toucher à beaucoup d’endroits
à toi de choisir.
Mais tu ne peux pas me voir
non, tu ne peux pas me voir
non, tu ne peux pas me voir toute nue. »
Nous dansons serrés
l’orchestre joue « Stardust »
Des ballons et des serpentins
tombent sur nous
Elle dit « Il te reste une minute
pour tomber amoureux. »
Dans des instants aussi solennels
J’ai mis ma confiance
et ma foi pour la voir,
ma foi pour la voir
ma foi pour la voir toute nue.
***
Memories
Frankie Lane, he was singing Jezebel
I pinned an Iron Cross to my lapel
I walked up to the tallest and the blondest girl
I said, Look, you don’t know me now but very soon you will
So won’t you let me see
I said « won’t you let me see »
I said « won’t you let me see
Your naked body? »
Just dance me to the dark side of the gym
Chances are I’ll let you do most anything
I know you’re hungry, I can hear it in your voice
And there are many parts of me to touch, you have your choice
Ah but no you cannot see
She said « no you cannot see »
She said « no you cannot see
My naked body »
So We’re dancing close, the band is playing Stardust
Balloons and paper streamers floating down on us
She says, You’ve got a minute left to fall in love
In solemn moments such as this I have put my trust
And all my faith to see
I said all my faith to see
I said all my faith to see
Her naked body
Fils d’argent, tourbillonnez,
Petits glaçons d’étoiles, voguez,
Tourbillons neigeux, soufflez!
Dans le coeur — soucis légers,
Dans le ciel — chemins d’étoiles
Et palais de neige-argent.
Songes des vents clair-serpentins,
Chants des tourbillons clair-ondulés,
Des yeux de vierge enchanteresse.
Deux ou trois chagrins
Lointains,
Les obscures tables de lois
De la Terre.
Et des navires abandonnés
Au loin.
Et au-delà du cap,
Des voiles.
Et par-dessus la mer,
Des voix.
Et se répand entre les mondes,
Sur les festins oubliés —
La coupe de la nuit ardente,
La coupe pleine de vin sombre
(Alexandre Blok)
Recueil: Le Monde terrible
Traduction:Pierre Léon
Editions: Gallimard