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Posts Tagged ‘déraciné’

Le Chêne et le Roseau (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 12 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
Le Chêne et le Roseau.

Un arbre reprochait au roseau sa faiblesse :
Il vient au prompt orage ; un vent souffle sans cesse :
L’arbre tombe plutôt que de s’humilier,
Et le roseau subsiste à force de plier.

Le chêne par les vents tombe déraciné,
Quand le roseau soutient leur courroux mutiné.
Hélas ! s’il est ainsi, que les grands sont à plaindre,
Plus on est élevé, plus on a lieu de craindre.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Editions:

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À visage déraciné (Béatrice Douvre)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2018



Illustration
    
À visage déraciné

Pour que s’éprenne l’eau de ton visage
L’eau
De peu de soleil

(Béatrice Douvre)

 

Recueil: Oeuvre poétique
Traduction:
Editions: Voix d’Encre

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Le Verbe Être (André Breton)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2017



Le Verbe Être

Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.
Le désespoir n’a pas d’ailes,
il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse,
le soir, au bord de la mer.

C’est le désespoir et ce n’est pas le retour d’une quantité de petits faits
comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre.
Ce n’est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire.

C’est un bateau criblé de neige, si vous voulez, comme les oiseaux qui tombent
et leur sang n’a pas la moindre épaisseur.
Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.

Une forme très petite, délimitée par un bijou de cheveux.
C’est le désespoir.
Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir
et dont l’existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir.
Le reste, nous n’en parlons pas.

Nous n’avons pas fini de désespérer, si nous commençons.
Moi je désespère de l’abat-jour vers quatre heures,
je désespère de l’éventail vers minuit,
je désespère de la cigarette des condamnés.
Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.

Le désespoir n’a pas de coeur,
la main reste toujours au désespoir hors d’haleine,
au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s’il est mort.
Je vis de ce désespoir qui m’enchante.

J’aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l’heure où les étoiles chantonnent.
Je connais dans ses grandes lignes le désespoir
aux longs étonnements grêles,
le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère.

Je me lève chaque jour comme tout le monde
et je détends les bras sur un papier à fleurs,
je ne me souviens de rien,
et c’est toujours avec désespoir
que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit.

L’air de la chambre est beau comme des baguettes de tambour.
Il fait un temps de temps.
Je connais le désespoir dans ses grandes lignes.

C’est comme le vent du rideau qui me tend la perche.
A-t-on idée d’un désespoir pareil!
Au feu! Ah! ils vont encore venir…

Et les annonces de journal, et les réclames lumineuses le long du canal.
Tas de sable, espèce de tas de sable!
Dans ses grandes lignes le désespoir n’a pas d’importance.

C’est une corvée d’arbres qui va encore faire une forêt,
c’est une corvée d’étoiles qui va encore faire un jour de moins,
c’est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie.

(André Breton)


Illustration: Patrice Murciano

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LES FRUITS DU CORPS (Abdellatif Laâbi)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2017



LES FRUITS DU CORPS
(extraits)

Le lit constellé
vogue par à-coups
Partant du nombril
la Grande Ourse
et juste au-dessus de la hanche
l’étoile du berger

*

Par vagues insensées
tu te découvres
Je sens mes cheveux pousser
L’île est en vue
J’écarte les touffes de la toison
et m’accorde du miel
le subtil rayon

*

Je n’imagine rien
Je n’invente rien
Je crois sur-le-champ
Je vois et touche
l’objet de ma croyance
ce divin pubis

*

Comme un lierre fou
je m’enroule
autour de tes branches
Ton écorce s’attendrit
et s’ouvre
Goutte à goutte
je reçois ta sève
Un moment
et je commence à bourgeonner

*

Au fond des iris
lestes et radieux
on dirait la vulve
réjouie de sa soif

*

Arbre de chair
savant de volupté
Il s’étire
vers la cime
et l’abîme
Coupe l’infini
en deux

*

Celui qui n’a jamais
goûté à l’interdit
qu’il me jette
la première pomme

*

Misérables hypocrites
qui montez au lit
du pied droit
et invoquez le nom de Dieu
avant de copuler
De la porte
donnant sur le plaisir
vous ne connaîtrez
que le trou aveugle
de la serrure

*

Que restera-t-il de la collision
Après l’embrasement
que lira-t-on dans les cendres?
La chair
s’est détachée de la chair
Arbre déraciné
l’homme gît
auprès de la femme

(Abdellatif Laâbi)

Illustration: Takahiro Hara

 

 

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VEINES (Marie-Anne Bruch)

Posted by arbrealettres sur 5 janvier 2017



 

VEINES

L’arbre de sang qui me traverse est gris comme un
Ciel d’automne, comme un treillage en fil de fer,
Et ses rameaux, ses noeuds mauves bordés de vert
Placent des éventails en relief sur ma main.

Sans feuille, sans oiseau – pauvre buisson humain,
Je crois qu’il ne connaît des saisons que l’hiver
Et qu’il se remémore à quel point j’ai souffert
Dans les flux et reflux de sa sève carmin.

L’arbre de sang qui me traverse a un seul fruit
Gluant d’obscurité – cerise de la nuit
Qui malaxe son jus convulsif, obstiné.

Bien qu’il soit protégé de la pluie et du vent,
Il se fait ballotter, emporter, en suivant
Mes mouvements … pauvre arbre humain, déraciné.

(Marie-Anne Bruch)

Découvert ici: Lucarne Poétique

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Toutes ces mains (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 31 juillet 2016




Toutes ces mains : les mains des morts enfin inertes
Qui tiennent droit un vieux crucifix comme une arme,
Ou bien parfois quelques violettes de Parme;
Et d’autres mains, les mains d’amants qui sont expertes

A manier la chevelure d’une amante,
A la bien partager en deux sur chaque épaule,
A l’agiter comme le feuillage d’un saule
Qui, dans le vent changeant, s’étrécit ou s’augmente.

Mains des fermes vendangeant les grappes du lait;
Mains des berceaux dépliant leurs roses trémières;
Et les mains des couvents en qui le chapelet
Est un silencieux écheveau de prières;

Toutes les mains s’évertuant vers des bonheurs,
Mains mystiques, mains guerrières, si variées :
Les mains, couleur de la lune, des mariées;
Les mains, couleur de grand soleil, des moissonneurs

Toutes : celles semant du grain ou des idées;
Accouchant le bloc de marbre, de la statue,
Ou la mère, de l’enfant qui la perpétue;
Toutes les mains, jeunes, vieilles, lisses, ridées,

Toutes ont pour tourment caché ces lignes fines,
Ces méandres de plis, cet enchevêtrement;
Or on dirait des cicatrices de racines,
Nos racines que nous portons, secrètement.

C’est là, nous le sentons, que gît l’essentiel;
Ces lignes sont vraiment les racines de l’être;
Et c’est par là, quand nous commençâmes de naître,
Que nous avons été déracinés du ciel.

La main en a gardé la preuve indélébile;
Et c’est pourquoi, malgré bonheurs, bijoux, baisers,
Elle souffre de tous ces fils entrecroisés
Qui font pleurer en elle une plaie immobile.

(Georges Rodenbach)

Illustration

 

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Visage entre tous les visages (Louis Emié)

Posted by arbrealettres sur 20 juin 2016



 

Alexandra Kirievskaya  r  [1280x768]

Visage entre tous les visages
Que je t’ai donnés pour te voir,
Avec eux c’est toi qui partages
Leur multiple et secret pouvoir.

Tu ne retournes sur la terre
Que par la grâce d’un vivant
Dont le nom, ce masque de verre,
T’enchaîne à tous ceux qu’il défend.

Visage entre tous les visages,
C’est le tien qui me fut donné
Pour que ce soit toi qui propages
L’étreinte qui m’a bâillonné.

Je m’égare sur cette route
Qui rejoint nos pas dans tous ceux
Que j’invente et que je redoute :
Sommes-nous si seuls d’être deux ?

Visage entre tous les visages,
Par le tien je suis condamné
A survivre à tous ces naufrages
Dans un grand corps déraciné.

Quand, chaque nuit, tu me visites,
Quel orageux enlacement
Livre à ces formes interdites
Celle où je te vois en dormant ?

Visage entre tous les visages,
Est-ce le tien que je dois fuir
Lorsque la mer où tu voyages
Me disperse et veut m’envahir?

Sur la blancheur de cette couche,
L’aube a la couleur du baiser
Qui ravit à la même bouche
Le vain désir de l’épuiser.

Visage entre tous les visages,
Que n’ai-je aboli dans le tien
L’éternité de ces images
Où ton corps se vouait au mien?

Je m’oublie en toi si je rêve
A ce qui fut et n’est en moi
Que le même jour qui se lève
Sur celui que j’attends de toi.

(Louis Emié)

Illustration: Alexandra Kirievskaya

 

 

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Voici le printemps qui revient (Hafiz)

Posted by arbrealettres sur 6 juin 2016



Voici le printemps qui revient
avec le charme des roses.
Regarde leurs joues fraîches,
et la plante amère de la tristesse
sera déracinée de ton cœur

(Hafiz)

Illustration

 

 

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Ah quelle fraîcheur! (Kô.u)

Posted by arbrealettres sur 17 décembre 2015


 

Sur un arbre déraciné
affalé en pleine rivière
ah quelle fraîcheur!

(Kô.u)

 

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Le mur (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2015


 


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Le mur
à Sophie Taeuber-Arp

Impatience violence arbre déraciné
Flèche devant l’oiseau les ailes arrachées

Les ailes arrachées la terre au fond de l’eau
Traîne comme mes mains amoureuses et pâles

La boue au fond de l’eau la vase nuageuse
La substance évidente dont je sortirai

Dont je m’échapperai car j’impose l’espace
Ce mur en tous sens qui compose ma mort

Ce jour fuyant des jours éternels ma demeure.

(Paul Eluard)

Illustration: Ernest Pignon-Ernest

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