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Posts Tagged ‘soliloque’

Chemin (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 23 septembre 2022



Chemin

Je saute dans la barque que m’offrent les mouvements rêveurs de la nostalgie
et je m’en vais vers mon enfance couronnée des gouttes de rosée de l’accueil.
Serait-ce donc une seconde aurore ?
Non.
C’est une veillée funèbre d’automne où un cercueil
— je sais qu’il est fait de souvenirs – me cherche comme une proie.

O forêts vierges de senteurs pures et d’yeux piqués
comme des étendards sur l’arête molle des insouciances,

O Eden où fleurit la neige de nos cris et de nos rires
et qui répètes dans ton soliloque désespéré les échos de noms doux comme des étoiles.

Je vous ai à peine traversés tant mes pieds étaient pleins d’air
et tant je réclamais le bâillon de l’adolescence !

(Lucien Becker)

Illustration: Lisa Lea Bemish

 

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SOLILOQUES (Gérard Noiret)

Posted by arbrealettres sur 15 octobre 2021




SOLILOQUES

Ils disent des mots
Ceux qui leur viennent
Et conduisent des bêtes
Inventées de toutes pièces
Au gré de transhumances
Qui recouvrent
De poussière
Nos maigres itinéraires
Et nous laissent
Jaloux de l’émotion
Qui transfigure
Quand au bout du chemin
On ose
Un premier pas sur le plateau

(Gérard Noiret)

Illustration: Gilbert Garcin

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Huitième soliloque (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2020




Huitième soliloque

J’ai été larme dans les yeux de Marilyn
j’ai été eau vive étoile filante
j’ai été infrarouge ultraviolet
caresse au bord de l’abîme

j’ai été cœur battant
parmi les météores
baptisé par trois gouttes d’arc-en-ciel
pris à la gorge par une rose écorchée

j’ai été collectionneur d’éclipses
j’ai été où les arbres savent écrire
j’ai été toute une journée sans toi
j’ai été avec toi pour toujours

j’ai été toupie d’absolu
j’ai été la clé de mille alphabets
j’ai été allumeur de constellations

(Zéno Bianu)

 

 

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Missives (Michel Leiris)

Posted by arbrealettres sur 4 mars 2020



Rien à surgir
sinon des pleins et des déliés
de la feuille sans nuances ni aspérités
où je cherche à sculpter tes ombres,
tes lumières
et tes dénivellations de créature vivante.

Vaine magie à quoi ne répondra
qu’un autre pauvre soliloque
où tu t’incarneras pourtant
comme je m’incarne en mes mots décharnés.

(Michel Leiris)

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Un testament d’équinoxe (Edouard J. Maunick)

Posted by arbrealettres sur 27 novembre 2019



Illustration: Raymond Douillet
    

Un testament d’équinoxe

… si parler le poème
est une manière de vivre /
alors / j’ai bien vécu
le temps de tous les mots
sédentaires et nomades
dont j’ai forgé le sens
jusqu’au dire infini
du pain et de la boue /
des arbres et des grands vents /
des noces à jamais vives
des îles et de l’ailleurs /
à ma passion rebelle
à tout agenouillement /
mes bruyants soliloques
au nom des petites terres
et de la mienne en propre /
j’ai joint le tressaillement
des choses de la vie /
mais aussi de la mort /
si Dieu est une question /
peu importe la réponse /
l’éternité s’épelle /
elle ne s’écrit que peu.

(Edouard J. Maunick)

 

Recueil: Bris de vers Les émeutiers du XXè siècle
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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IMPOSSIBLE ESSOR (Maurice Fombeure)

Posted by arbrealettres sur 25 juin 2017



 

IMPOSSIBLE ESSOR

Vers une pureté
Impossible et secrète,
J’ai beau chercher ma route
Dans un désert d’orgueil.
La terre me retient
Par ses boues, par ses lampes,
Par ses femmes trop lourdes,
Et fracasse mon vol.
Quand je m’élance en vain
Sur ces routes sans ombre,
La fraîcheur d’une voix,
L’humide d’un regard,
M’enlèvent tout espoir.
Je redeviens les autres
Tout parqués dans le soir,
Soliloque bétail…
Ah! seins et lèvres moites,
Vous ne saurez jamais
Ce que vous m’avez fait,
Pièges de la douceur.

(Maurice Fombeure)

Illustration: Arthur Hughes

 

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SOLILOQUE (Giuseppe Ungaretti)

Posted by arbrealettres sur 19 septembre 2016




SOLILOQUE

1

Longtemps je t’ai cherchée en moi,
Jamais je ne te trouvais,
Puis ce qu’est vivre et le monde
M’ont été en toi révélés.

Ce jour-là je fus heureux,
Mais la jubilation du coeur
Frémissant m’avertissait
Qu’elle jamais ne m’assouvit.

Ce ne fut qu’égarement bref,
Déjà tes doigts de sommeil,
Comble de compassion,
Me caressent les yeux.

Attentive, tu m’as donné
Alors cet immense calme
Envahissant après l’amour
Qui en a connu la fureur.

2

Le soleil refulgure en toi
Avec l’aube resurgie.

Pareille gaieté de la mer
Me ramènera-t-elle à croire?

C’est le leurre aujourd’hui de chair
Qui va dévastant mon coeur
Usé par le délire.

Toute visée le trompe,
Le miracle ne revient plus
Que factice, aveuglant.

3

L’amour que j’ai pour toi,
Amour, fait des miracles,
Et quand tu crois m’avoir fui,
Je te surprends, mon amour, qui te leurres,
La pureté revenue
M’illuminer les yeux.

(Giuseppe Ungaretti)

Illustration: Bec Winnel

 

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CORPS NOCTURNE (Elías Nandino)

Posted by arbrealettres sur 21 mars 2016



Nicole Helbig (1)

 

CORPS NOCTURNE

Quand, la nuit, seul, dans les ténèbres,
fatigué de je ne sais quel épuisement
mon corps s’effondre et s’accommode
à l’impassible surface obscure
qui lui sert d’appui et de linceul,
je m’étends aussi et je me limite
au contour désarmé qui me livre
à l’île de l’oubli où l’on se perd.
Séparé de lui et fondu en lui,
je me souviens que je le porte tout le jour
comme prison de fièvre qui m’opprime,
comme lèvres qui tiennent d’autres discours,
comme instinct qui se moque de mes désirs
ou actions déliées de ma force ;
mais à le regarder ainsi, sans le distinguer,
indifférent dans son attitude de pierre,
tigre de bronze, mare de silence,
colonne de cynisme abattue,
figure aveugle dans sa leçon de mort :
je le vois comme une chair intruse,
comme mal d’une plaie étrangère,
complice d’un destin que je ne comprends pas,
mutisme que n’atteint pas ma parole,
bourreau dans l’anesthésie séquestré.
Et pour cela à me sentir divisé de lui,
et à la fois de son moule prisonnier,
j’analyse, je doute, je réfléchis
que ses murs chétifs qui me cernent
sont flamme orpheline, terre spoliée,
eau assujettie à des veines submergées,
et humeur sans air arraché au vent ;
je suis prisonnier d’éléments
en combustion profonde qui cherchent
à fondre les maillons qui les unissent
afin de retrouver la pureté intacte
du lieu universel où ils étaient libres :
la terre demande son repos à la terre,
l’air, son acrobatie diaphane,
le feu, le délice de sa flamme,
et l’eau, la blancheur de son givre,
sa voie ou le prodige d’être nuage.

À son côté, ailé mais enraciné,
je le touche, je l’examine du dedans :
intérieur d’une église ensanglantée,
arcs gothiques, jungles musculaires,
pulsion entrelacée de lierres,
labyrinthe de clarté, de coquelicots,
entrailles de crypte où se dissimule
la numérique blancheur du squelette.
Et moi, en plein milieu, juge et coupable,
envahisseur rebelle et envahi,
voir qui découvre et se découvre,
unité qui contemple ses parties,
questionnement privé de réponse,
spectateur qui souffre en son propre sang,
usure corporelle de qui lui viennent
ses réserves croissantes d’agonie.

Si je suis son maître, pourquoi me semble-t-il étrange au toucher ?
Détaché de moi, ombre d’un arbre,
écorce suffocante de mon angoisse,
pansement qui me dissimule, étaie fragile,
aimant qui me réunit et me diffuse,
matière que je porte et qui m’emporte.
Et je suis en lui, présent inévitable,
uni dans le monologue et l’attente,
grandi malgré lui et trahi
par ses mains, ses yeux, ses passions,
la brûlante angoisse de ses délires,
la brume de ses moments de naufrage
et les éclairs de son allégresse.

Du dedans au dehors, de la racine au faîte,
je m’appuie, je me soulève, je largue mes forces
pour creuser, pour terminer les murs
qui survivent de me garder prisonnier ;
las, un amour naît en moi et me retient,
un fanatisme du refuge vital
l’attachement de l’âme et des cellules,
l’intimité de la forme et du fond,
accouplant leurs aveugles surfaces ;
et je me résigne, paisible
dans la prison ajustée qui m’épouse
afin de continuer de former le noeud de fièvre
par lequel je sais qu’en vérité je suis.

Eau, terre, feu et air, en continuelle
aspersion de leurs cajoleries chimiques,
immergés dans la fougue de leurs appétits,
dans un enchaînement caché d’élans,
ordonnant et aspirant leurs limites,
faisant et défaisant ce qu’ils tracent,
se dévorant eux-mêmes, recréant
la seule valeur de leur structure
en oppositions, attirances et obstacles
parce qu’ils aiment, désirent, cherchent, bâtissent
l’agir persistant qui les rend
à leur forme d’origine.

Cette unité d’éléments, ce nid
de luttes physiques, d’incessantes
réactions, est mon seul appui,
la source tragique de la force
qui me soutient au fond de mes soliloques.

(Elías Nandino)

Illustration: Nicole Helbig

 

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Impossible essor (Maurice Fombeure)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2015


Matisse_Fall_Icarus

 

Vers une pureté
Impossible et secrète,
J’ai beau chercher ma route
Dans un désert d’orgueil.

La terre me retient
Par ses boues, par ses lampes,
Par ses femmes trop lourdes,
Et fracasse mon vol.

Quand je m’élance en vain
Sur ces routes sans ombre,
La fraîcheur d’une voix,
L’humide d’un regard,

M’enlèvent tout espoir
Je redeviens les autres
Tout parqués dans le soir,
Soliloque bétail…

Ah, seins et lèvres moites
Vous ne saurez jamais
Ce que vous m’avez fait,
Pièges de la douceur.

(Maurice Fombeure)

 

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NOCTURNE VIF (Maurice Fombeure)

Posted by arbrealettres sur 17 octobre 2015



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NOCTURNE VIF

L’enclume soliloque et les frissons des seigles
Aux villages cernés par la douceur des soirs,

Nous ne regagnerons le conjugal pavois
Qu’à l’heure où les oiseaux flûtiotent dans les bois,

Où le crapaud s’éteint au bord des mares noires
Où l’ultime follet danse dans la mémoire.

La lune resplendine essaye son essor
Et sur les champs ses rets sont arentelles d’or.

Le loup-garou charge le passant comme hotte
Ainsi l’homme succombe : il en a plein ses bottes !

Mais dans ces nuits maléficiées je suis à l’aise :
C’est la nuit que l’on boit, c’est la nuit que l’on baise

C’est la nuit que l’on vit, c’est la nuit que l’on ment
Le miroir à la belle et la rose à l’amant,

C’est la nuit que le vent soupire sous les portes
Au sommeil dis adieu son fantôme l’emporte.

Mais le village est sourd et blanc comme un squelette
Aux cerisiers pleurant sur leurs escarpolettes.

(Maurice Fombeure)

 

 

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