« Une touffe de fleurs où trembleraient des larmes. »
(SAMAIN).
L’ondée a fait rentrer les enfants en déroute,
La nuit vient lente et fraîche au silence des routes,
Et mon cœur au jardin s’épanche goutte à goutte
Si discret, maintenant, et si pur… qu’à l’aimer
On pourrait se risquer – Oh ! Belle qui viendrez,
Vous ouvrirez la grille un soir mouillé de mai.
Timidement, avec des doigts qui se méfient,
Et qui tremblent… un peu, vous ouvrirez, ravie
D’amour et de fraîcheur et de frayeur… un peu.
Les lilas aux barreaux sont encore lourds de pluie…
Qui sait si les lilas, inclinés, lourds d’aveux,
Vont pas pleurer sur vos cheveux !…
Vous irez, doucement, tout le long des bordures,
Chercher des fleurs pour vous les mettre à la ceinture
Mes pensées frissonnantes pour en faire un bouquet
Gardez-vous bien, surtout, de passer aux sentiers
Où les herbes, ce soir, ont d’étranges allures,
Où les herbes sont folles et meurent de rêver !…
Si vous alliez mouiller vos petits pieds !…
Les rondes folles se sont tues,
Les herbes folles vont dormir.
L’allée embaume à en mourir…
Tu peux venir, ma bienvenue !
Tout le soir, sagement, tu descendras l’allée
Tiède d’amour, de pétales et de rosée.
Tu viendras t’accouder au ruisseau de mon cœur
Y délier ta cueillette, y délier fleur à fleur
La candeur des jasmins et l’orgueil des pensées.
Et tout le soir, dans l’ombre humide et parfumée,
Débordant de printemps, de pluie et de bonheur,
Les larges eaux de paix, les eaux fleurdelisées
Rouleront vers la Nuit des branches et des fleurs…
Toi qui vas revoir ma campagne
toi qui vas revoir ma maison
mon village et son horizon,
toutes mes pensées t’accompagnent…
c’est à toi que le paysage
sourira ce soir … Et demain,
tous les grands arbres du chemin
chuchoteront sur ton passage…
Mais si les gens, dans la grand’rue
semblent te toiser du regard,
dis-leur que tu viens de ma part…
et tu seras la bienvenue.
Salue pour moi monsieur le Maire
salue l’église… et le facteur,
et fais aussi, quand le jour meurt
une visite au cimetière…
Et puis quand – trop tôt à ta guise –
sonnera l’heure du retour
sur les côteaux va faire un tour,
et rapporte dans ta valise…
… la douce odeur des bois, l’odeur des foins humides,
ramène dans ton coeur la chanson des genêts,
ramène dans tes yeux le bleu ciel limpide…
… Mais ramène surtout du beurre… et des oeufs frais
Humblement, Il est venu
On ne l´a pas reconnu
Il était mal habillé
Il n´avait pas de souliers
Parce qu´Il était pieds nus
On ne l´a pas reconnu
Humblement, Il est venu
Comme s´Il tombait des nues
Il disait des mots très doux
On ne comprenait pas tout
Mais personne n´y a cru
De ceux qui l´ont entendu
Humblement, Il est venu
Demander la bienvenue
Demander du pain, du vin
Et un lit jusqu´au matin
Il ne voulait rien de plus
Il n´a pourtant rien reçu
Humblement, Il est venu
Humblement, a disparu
Ce n´était qu´un étranger
Que pouvait-Il bien chercher?
Ce n´était qu´un inconnu
On ne l´a pas retenu
Ça fait deux mille ans ou plus
Qu´il n´est jamais reparu
Mais on s´en souvient pourtant
Et tout le monde l´attend
Les filles pour le recevoir
Se font belles chaque soir
Les enfants parlent de Lui
Comme on parle d´un ami
Les hommes, eux, ne disent rien
Mais lui gardent un verre de vin
Il viendra le boire un jour
À la joie et à l´amour
Le temps viendra
où, avec allégresse,
tu t’accueilleras toi-même, arrivant
à ta propre porte
et chacun sourira et souhaitera la bienvenue à l’autre
et dira, assieds-toi là. Mange.
Tu aimeras à nouveau l’étranger que tu étais.
Donne du vin. Donne du pain. Redonne ton coeur
à toi-même, à l’étranger qui t’a aimé
toute ta vie, que tu as ignoré
qui te connaît par coeur.
Assieds-toi, Fais-toi une fête de ta vie.
La fumée des cigares
la chaleur des maisons
la lumière des océans et des rivières
sont nos chers compagnons
Et pourtant notre ingratitude est sans bornes
comme nos regards comme notre voix
Nous passons avec notre rire
pour mieux voir les bonheurs des dames
et les paradis des enfants
Nous ne savons pas qu’il existe quelque part
une île
un désert
pour les petits
Aujourd’hui et demain
comme deux mains croisées
supportent malgré tout la chaleur des années
Nous pouvons courir
et nous pouvons mourir
la pluie sera pour nous la chère bienvenue
son visage sanglant et ses mains croisées
supportent elles aussi la chaleur des années
En rentrant cette nuit
Je vous ai trouvée dans mon lit.
Je ne sais qui vous êtes
Mais mon logis est tout en fête
Depuis que je vous vois ici.
Refrain
Je tombe des nues
Qui êtes-vous belle inconnue
Rêveuse et nue
Et menue
Chez moi soyez la bienvenue.
Je tombe des nues
Par où êtes-vous venue
Belle inconnue
Ingénue
Par la cave ou par l’avenue?
Mais j’y pense
Sans offense
Seriez-vous ange au paradis
Ou sorcière
Sur terre
De son balai tombée ici ?
Vous tombez des nues
Par moi vous êtes retenue
Et maintenue
Obtenue
Chez moi soyez la bienvenue.
Bienvenue
c’est un jour soleilleux
que l’on attend l’étranger.
Vêtu de drap noir et fin
et coiffé du chapeau haut
il va pousser la barrière
et dire amis me voici.
L’âne broutant le chardon bleu
la jument en robe sombre
le porc buveur de lait maigre
le chien au front étoilé
le chat sensible aux orages
devant lui seront les mêmes
qu’en la dure Antiquité.
Bienvenue sois-tu comète intime
lumière de l’âme
pluie
cascade d’eau rêveuse
collier de musique et de silence
ta matière d’un autre monde
lavera mon visage
mes mains deviennent nids
pour recevoir ton souffle
rosée de la nuit
brisée par notre étreinte