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Mignonne, allons nous en dans un pays de songe (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2021



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Mignonne, allons nous en dans un pays de songe,
Joli, capricieux, absurde, comme vous,
Azuré d’impossible et fleuri de mensonges,
Où les arbres, les eaux et les ciels seront fous.

Regardez ! Le soleil sort de chez sa maîtresse
En galant négligé du matin, pâli, las,
Tandis qu’à l’horizon traînant sa noire tresse
Elle lui jette au nez des bouquets de lilas.

Lilas de l’aube, blancs lilas semés de perles !
Mettez à votre front ce nimbe gracieux.
La diane déjà chante au gosier des merles.
Les feuilles au réveil s’ouvrent comme des yeux.

Le ruisseau qui gazouille a pour vous des cascades
De diamant ou bien des miroirs de cristal.
Les cailloux du sentier roulent des noix de muscades,
Et l’écorce du bois est un bois de santal.

Le vent luxurieux sur vos lèvres dérobe
L’arôme des baisers et le vol des chansons,
Et le désir troublant qui dort sous votre robe
Fait courir un frisson d’amour dans les buissons.

Et sous vos pieds, vos mains, vos regards, votre haleine,
Tout va fleurir dans la foręt d’enchantement.
De fleurs aux mille noms pour que l’herbe soit pleine,
Ô fée, il vous suffit de m’aimer un moment.

L’héliotrope sombre embaumant la vanille,
L’aspérule aux relents de musc, le romarin,
La marjolaine en blanc qu’on nomme la gentille,
La sauge qui dans l’air met un souffle marin,

L’encens du basilic, la myrrhe des glycines,
L’oeillet qui sent le poivre et l’anis plein de miel,
La gueule ouverte rouge et or des capucines,
Le bleu myosotis, gouttelette de ciel,

La mauve, le muguet, les lis, les violettes,
Le chèvrefeuille avec ses coraux blancs-rosés,
La lavande, l’iris, le thym, ces cassolettes,
Tous les pois de senteur, ces papillons posés,

La jacinthe, l’arum, l’ache, les amarantes,
Les clochetons ambrés des pâles liserons,
Les roses, firmament d’aurores odorantes,
Tout va s’épanouir quand nous nous baiserons.

Au printemps de nos coeurs tout se mêle et s’enivre.
Étreintes de parfums, de formes, de couleurs !
Notre baiser d’aveu, comme un clairon de cuivre,
Sonne la charge en rut aux batailles des fleurs.

Mignonne, nous voici noyés dans cette foule.
Tu n’y peux échapper, c’est en vain que tu cours.
Les fleurs aiment encor sous ton pied qui les foule.
Sous nos corps enlacés les fleurs aiment toujours.

Leur sang coule embaumé du coeur de leurs calices,
Bu par les vents pareils à des chiens maraudeurs,
Qui traînent dans l’air chaud saturé des délices
Des lambeaux de couleurs, de formes et d’odeurs.

Elles meurent d’aimer. Elles meurent, qu’importe ?
Mort d’amour, ô le plus savoureux des trépas !
Et leur dernier soupir est un souffle qui porte
L’âpre besoin d’aimer ŕ ceux qui n’aiment pas.

O mignonne, mourrons comme ces fleurs qui s’aiment.
Donnons tout notre sang de désirs parfumé,
Et que les vents, grisés par nos baisers qu’ils sèment,
Aillent dire partout que nous avons aimé.

Qu’ils le disent au bois, au champ, à la ravine,
Le disent à la nuit et le disent au jour,
Qu’ils disent par sanglots notre extase divine
Au monde fatigué qui ne sait plus l’amour !

Qu’ils le disent au ciel, à la nature entière,
Qu’ils racontent que nous nous sommes épousés
Et que l’éternité de toute la matière
A fleuri ce jour-là dans un de nos baisers !

(Jean Richepin)

 Illustration: Dimitra Milan

 

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UNE LEÇON TARDIVE (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2020




    
UNE LEÇON TARDIVE

Ce n’est pas le jardin de ma mère
où, entre les plates-bandes de sarriette et basilic,
on m’apprenait à vivre dans mon sillon
pendant que je tenais les balances lourdes
de la liberté.

Le jardin, je l’ai porté de longues années
comme un foulard invisible
autour de mon cou
et plus avec les yeux qu’avec le cœur
j’aspirais l’odeur des autres jardins exotiques
mais je n’ai pas pu comprendre
les merveilles du monde.

C’est un jardin à la fin de juin,
la fête est finie, la tasse de café
est à demi pleine sur la table,
une tortue essaie de monter les escaliers
depuis le matin et pendant qu’elle heurte
sa carcasse contre les pots de fleurs
au pied de la première marche,
elle m’apprend à m’affranchir
de mon sillon.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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CICATRICES… (Mihai Beniuc)

Posted by arbrealettres sur 9 juin 2020



Illustration
    
CICATRICES…

Dans le miroir, je me suis surpris
Avec sur ma face les baisers de qui ?
Cicatrices, cicatrices !
Au fond du coeur,
Comme au fond d’un verre vidé,
Rien que la lie amère.
Aucun souvenir.
Ni d’un effluve
De ses cheveux affolés,
Ni d’une lueur fugitive
Dans ses yeux égarés,
Ni d’une étreinte
Laissant le corps convalescent,
Ni d’un abîme
Où sur le bord j’aurais posé ma tête
Pour y plonger mes yeux.
Sur mes habits
Aucun cheveu d’autrui.
Quelle sorcière vient donc dans mon sommeil,
Outrage ma face
De sa bouche de feu ?
Rompez le charme,
Toi, basilic de mon jardin,
Toi, hirondelle nichée sous l’auvent de chez moi,
Et prie pour moi,
Ange papillon,
Sur l’autel de la rose-trémière.

(Mihai Beniuc)

 

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LE BASILIC (Jean-Pierre Schlunegger)

Posted by arbrealettres sur 24 juin 2018



LE BASILIC

Et la fermière aux mains de sel, dès l’aube
S’avance dans la cour, lavande et basilic
Au poing, parmi les poules noires
Baignant dans une aurore d’églantine…

Le monde est un feu de copeaux légers,
On dirait qu’un champagne éblouissant arrose
Les genêts d’or de la poitrine incandescente,
Et je vois dans le soleil bleu ce boulanger
Qui va sur les chemins de seigle et de farine
Vers la ferme lointaine où l’amour lui fait signe.

(Jean-Pierre Schlunegger)

Illustration

 

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Le citronnier suspend alangui (Antonio Machado)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2017



Le citronnier suspend alangui
une branche pâle et poussiéreuse
sur l’enchantement de la fontaine limpide,
et là-bas, tout au fond, rêvent
les fruits d’or…

C’est une claire après-midi,
quasi printanière,
tiède après-midi de mars
qui porte déjà le souffle d’avril;
et je suis seul, dans le patio silencieux,
recherchant une vieille et candide illusion :
quelque ombre sur le mur tout blanc,
quelque souvenir, dormant sur la margelle
en pierre de la fontaine, ou bien, dans l’air,
quelque errance de tunique légère.

Dans l’atmosphère de l’après-midi
flotte cet arôme d’absence
qui dit à l’âme lumineuse : jamais,
et au coeur : attends.

Cet arôme qui évoque les fantômes
des fragrances vierges et mortes.

Oh! oui, je me souviens de toi, après-midi joyeuse et claire,
quasi printanière,
après-midi sans fleurs, lorsque tu m’apportais
les bonnes senteurs de la verveine
et du basilic
que ma mère gardait dans des pots de terre.

Tu m’as vu plonger mes mains pures
dans l’eau sereine,
pour atteindre les fruits enchantés
qui rêvent aujourd’hui au fond de la fontaine…

Oh! oui, je te connais, après-midi joyeuse et claire,
quasi printanière.

(Antonio Machado)

 

 

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La surface d’un automne (Vénus Khoury-Ghata)

Posted by arbrealettres sur 22 août 2017



 

La surface d’un automne
est inversement proportionnelle à la hauteur de sa tristesse
le nuage interrogé multiplie sans difficulté le basilic par le safran.

Répète après moi :
la distance entre deux pluies se mesure par arpents de silence
et le périmètre d’un mois est divisible par son rayon de lune.
Cela va de soi.

(Vénus Khoury-Ghata)

Découvert chez Lara ici

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Depuis combien de temps (Frédéric Nietzsche)

Posted by arbrealettres sur 2 octobre 2015



009 - Personnage Assis - 1991 42 x 50 - Acrylique sur résine (fixé)

Depuis combien de temps es-tu déjà assis
sur ta mauvais fortune ?
Prends garde ! tu finiras par me couver
un œuf
un œuf de basilic,
avec ta longue désolation.

(Frédéric Nietzsche)

Illustration: Alain Chayer

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