Un enfant noir, à la peau noire, aux yeux noirs,
aux cheveux crépus ou frisés, est un enfant.
Un enfant blanc, à la peau rose, aux yeux bleus ou verts
aux cheveux blonds ou raides est un enfant
L’un et l’autre, le noir et le blanc,
ont le même sourire quand une main leur caresse le visage,
quand on les regarde avec amour et leur parle avec tendresse.
Ils verseront les mêmes larmes si on les contrarie,
si on leur fait mal.
[…]
Il n’existe pas deux visages absolument identiques.
Chaque visage est un miracle.
Parce qu’il est unique.
Deux visages peuvent se ressembler,
ils ne seront jamais tout à fait les mêmes.
La vie est justement ce miracle, ce mouvement permanent et changeant
qui ne reproduit jamais le même visage.
[…]
Vivre ensemble est une aventure où l’amour, l’amitié est une belle rencontre
avec ce qui n’est pas moi, avec ce qui est toujours différent de moi et qui m’enrichit.
(Tahar Ben Jelloun)
Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey
Pourra-t-on jamais un jour compulser le dossier de la chaise?
Car il doit en connaître un rayon, le dossier, sur la chaise.
Il est sans doute là le faisceau d’indices,
peut-être même les preuves qui l’accusent.
Il faudrait pouvoir le consulter,
lire à travers les choses.
Que ne peut-on réunir les pièces à convictions
qui nous permettraient de juger de la chaise!
En attendant elle se tient là,
droite comme un i mobilier et la tête absente,
les pieds campés et les mains au barreau,
raide comme la justice, son dossier au secret.
Besoin d’être tenu
contenu,
que d’autres peaux, d’autres mains
soulagent le lointain
la béance
besoin que les bras
les claquements de langue
les gorges déployées
repoussent le froid,
le gris,
le raide.
Besoin d’une caresse.
(Cyril Dion)
Recueil: À l’orée du danger
Traduction:
Editions: Acte Sud
Besoin d’être tenu
contenu,
que d’autres peaux, d’autres mains
soulagent le lointain
la béance
besoin que les bras
les claquements de langue
les gorges déployées
repoussent le froid,
le gris,
le raide.
Besoin d’une caresse.
(Cyril Dion)
Recueil: A l’orée du danger
Traduction:
Editions: Actes Sud
Un désordre d’arbres noirs
et les rayons fumants de la lune.
Là où la chaumière a coulé
et semble être sans vie.
Jusqu’au murmure de la rosée matinale
quand un vieillard ouvre
– d’une main qui tremble –
la fenêtre pour lâcher un grand duc.
Et dans une autre aire du vent
la construction nouvelle fume
avec un papillon de draps lavés
qui volette à l’angle
au milieu d’une forêt moribonde
où la décomposition lit
dans ses lunettes de sève
le compte-rendu des coléoptères.
Été aux pluies de blé mûr
ou un seul nuage d’orage
Des voix affolées, des visages
volent dans les fils du téléphone
avec des ailes rapides mutilées
par-dessus les milles des marécages.
au-dessus d’un chien qui aboie.
Le grain rue dans la terre.
La maison sur une île du fleuve
qui couve ses premières pierres.
Une fumée constante – on brûle
les documents secrets de la forêt.
La pluie retourne dans le ciel.
La lumière serpente dans le fleuve.
Les maisons du précipice surveillent
les boeufs blancs de la cascade.
Automne avec une ligue d’étourneaux
qui tiennent l’aube en échec.
Les hommes ont la démarche raide
au théâtre de l’abat-jour.
Faites-leur toucher sans crainte
les ailes camouflées
et l’énergie de Dieu
enroulée dans l’obscurité.