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Posts Tagged ‘(Dominique Sampiero)’

La hache de l’évidence (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 21 mars 2023



Quelque chose dénoue le guetteur, le rend friable à la gorge.
La hache de l’évidence précède les ruisseaux, aux portes des rivières,
entre les mains des enfants.
Alors nous savons mourir, être la proie des roseaux,
et dans leur bec, rejoindre la vase, le lichen, le goémon.

(Dominique Sampiero)

Illustration

 

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Chaque matin, je me prépare à exister (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 18 juin 2018



Chaque matin,
je me prépare à exister
et je n’arrive
qu’à cette pauvre présence
d’arbre foudroyé,
de flaque plus ou moins vivante
selon les averses.

Dieu n’est rien,
rien d’autre que Dieu,
le dire est un supplice.
L’essence du miracle est sa durée
et la forme qu’il manifeste
dans l’insignifiant.

(Dominique Sampiero)

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Le premier pas (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 8 Mai 2018



Tu dis «je vais à ta rencontre»
et tu marches vers toi-même.
Tu coules à pic dans le matin,
tentes un premier pas.
La fin du jour est tienne.

Semence cachée,
tu entres dans le désordre de ton village.
Tu ne reconnais plus ta nudité,
ni ce qui chuchote en toi.
Tu demeures là et tu pleures,
sans royaume, sans frontière,
dans le prodige de la nuit et du renoncement.

C’est cela le premier mot,
un endroit d’herbes longues,
de vipères, de coupures sur la peau.

Rien devant toi.
Le premier pas.

(Dominique Sampiero)


Illustration: John William Godward

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La main (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 18 janvier 2018



La main est le berger de l’ombre.
L’ombre des mots. L’ombre de rien.
Elle rassemble.

Une île entre le visible et l’invisible.
C’est par là qu’elle touche les morts,
qu’elle les caresse et leur parle;
ils posent leur front glacé entre nos doigts :
c’est la mémoire des outils, des courbatures,
des gestes vers la terre.

Et l’on se surprend à tracer dans l’air
des arabesques de semailles,
à abattre des arbres de verre,
à détourner des rivières muettes.

La main sait tout.
Le mouvement du pain.
Les poutres sur l’épaule.
Conduire les troupeaux.
Cueillir, toucher, ouvrir.

Quand trop de lumière aveugle,
la main couvre, incline et l’espace se referme.

Est-ce la pierre
qui a façonné la paume,
la rivière, l’arbre ?
Est-ce le ciel,
la montagne ou la crevasse ?

La main a les odeurs du monde en son ventre,
elle ruisselle,
elle pleure de toutes ses eaux,
et les pluies gémissent entre ses doigts.

Elle est une jeune fille
sortie de l’eau du corps,
du bleu liquide de la nuit,
elle embrasse le soleil
au plus haut de ses lèvres,
et son rire gicle sur le dos des bêtes.

Elle est l’autre côté,
elle connaît le début, la fin, et pire.

Écrire pour elle,
c’est coucher tout cela
sur la poitrine très large du livre,
se rassasier des bonnes odeurs
que fait la langue dans ses veines.

La main hurle debout, quitte le sol,
ses nœuds et ses griffes s’enchevêtrent,
on entend encore son souffle
dans le plus petit mot.
Son halètement, ses peurs.

La main est le fruit d’un soupir,
un geste de l’âme vers le corps
pour marquer une entente.
Un rire sur le dos du monde qui se gratte.
Une fête de première fois.

Elle est cette vieille idée sur le visage de Dieu
pour raconter à l’homme
comment lui-même s’est ouvert en deux.

La main nous console de tout ce sang séparé,
elle s’accouple sans cesse
et sa robe rouge couche dans ses coutures
la grâce violente des retrouvailles.

Elle est la très vieille mémoire du quatre pattes,
la terre sous le sexe, le ciel sur le dos,
ce qui sans cesse nous bouscule entre le chien et le dieu.

Elle étrangle, elle arrache
et dresse tous ses muscles
à bâtir le corps qui n’est plus le corps.
La main sèche les larmes
quand sont venus les étourneaux de nos douleurs
et qu’ils nous crèvent les yeux jusqu’à les picorer.

La main ferme les plaies comme des fleurs.

Ce serait si beau d’être porté ainsi par elle,
page à page, dans la mémoire rude,
raviver les feux, les aciers,
retrouver les mains du père
et du grand-père dans les siennes,
les agiter comme des tisonniers devant l’adversaire,
ou simplement les ouvrir à celui qui passe.

La main qui tient l’outil est la plus belle.
Nous ne savons rien d’elle.
Elle est morte avec les hommes de terre,
enfouie en notre corps, comme une vierge noire,
ensevelie sous les livres, les images,
les gestes abstraits de notre savoir.
Par exemple la main du père, avec ses monticules de corne,
ses verrues, ses cicatrices de rabot.

Et comment elle ruisselle du bout des doigts vers le dedans,
par des veines, des rides,
le même mouvement que la sève dans l’aubier.
La main massive, charnue,
avec pour chaque outil un creux, une bosse.
Une paume à tuer les lapins,
d’un coup sec du tranchant derrière l’oreille.

Des ongles épais comme les voûtes des cathédrales :
c’est tout l’être qui semble tenir là
comme en la jointure des phalanges faites pour craquer.

Ces mains-là vont disparaître
et nous ne saurons plus qui nous sommes.
Elles vont blanchir, s’amincir comme des mains de fille,
des saumons à glisser entre les touches d’un clavier.

Que nous disent-elles d’un savoir à bras le corps,
d’un combat entre l’espace et le geste,
que nous disent-elles de ces hommes,
nos pères, aux âmes si bien trempées ?

La main qui écrit est-elle aussi pure,
aussi claire que la main du geste vers la terre ?

A-t-elle retrouvé en son sang les cris,
les mots rentrés, les rythmes du corps
dans la lumière ?

(Dominique Sampiero)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha

 

 

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La fraîche évidence (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2017



La fraîche évidence

Je range tes lettres comme des papillons
ou je ne sais quoi.
Comme des pages de lumière vivante
qui battent des ailes
avant qu’on repousse le tiroir.
Je les entends remuer la nuit, le jour.

Tu sais à quelle vitesse s’éteignent ces brasiers
qui nous font croire plus vivants.
Cette sorte d’amour.

On a beau tourner la page,
c’est encore la blancheur.
On n’entre jamais ici, on effleure.

(Dominique Sampiero)


Illustration: Auguste Toulmouche

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NUDITE DE LA BLESSURE (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2016



NUDITE DE LA BLESSURE

certains dimanches d’hiver, la pluie tombe
d’un coup avec la nuit sur la vitre
et tout ce que je ne sais pas cogne

par exemple écrire un poème un seul
capable de tenir le monde plus haut
dans la splendeur

alors j’ouvre la fenêtre pas celle devant moi
mais plutôt l’autre invisible qui donne
sur un jardin de velours noir

et tout ce que je ne sais pas fraîchit
me saisit à la gorge danse comme une femme
venue offrir ses seins à mes lèvres avides

(Dominique Sampiero)

Illustration: Alex Alemany

 

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Ne rien faire, ne rien être, ne rien dire (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 27 août 2016



Ne rien faire, ne rien
être, ne rien dire.
Quelque chose va
apparaître dans
ce creux?

(Dominique Sampiero)

 

 

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Prière (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 7 août 2016



Prière

Nuage en forme de sein, fin velours intact d’étoiles,
d’éternité, de petites morts
qui scintillent

Apporte-moi la peau
ce matin, une enveloppe plus désirable
que la mienne

Tisse mon regard en écho
au vieux pays où mes mains se joignent

Réveille mon corps à ciel ouvert, brèche
pour blesser le soleil, égorger l’argile des plaies
et les fleuves qui coulent au-dedans

*

Nuage, éternité captive du galop des forêts
Esprit des ténèbres et des frontières

Rite des naissances et des louanges

Cendres des âmes et de l’âge du souffle

Je sens ta pluie dormir en moi
Enfant du dieu sans nom

*

Nuage en forme de rien, de stupeur
Et de peut-être
Tremblement dispersé des rivières

Ouvré sur mon front le secret et sur mes lèvres
devient le maître

Prononce à ma place
le mouvement

(Dominique Sampiero)

 

 

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Etendre les pieds sous les sèves (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2016



Etendre les pieds sous les sèves
Ne plus marcher qu’au secret

(Dominique Sampiero)

 

 

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L’héritage est sur notre visage (Dominique Sampiero)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2016



l’héritage est sur notre visage ô presque rien
un soupir un sourire une sorte de neige

une inclination pour la horde
le consentement la ressemblance une fourrure
étouffée derrière le front les yeux les lèvres

la douceur de la souffrance rend supportable
l’incertain crédible la pensée de vivre

nous attendons l’incident la fin du jour

cette attente nous dépouille et nous guide
elle est le givre intact le partage

la surface de nos convulsions le lapsus
qui nous regarde et ne s’achève

cette pupille de la nuit qu’aucun voyageur
ne traverse

elle est le vocabulaire de la brèche
le verbe en soi pour amener hors du temps

l’intensité des réponses

(Dominique Sampiero)


Illustration: Anne-Marie Zilberman

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