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Ils m’ont précipité dans la vie (Mihai Beniuc)

Posted by arbrealettres sur 19 juin 2020




    
Ils m’ont précipité dans la vie, avec des milliers d’autres,
Comme, dans les crématoires d’Auschwitz,
Les nazis jetaient les cadavres.
Mais nous, le feu nous a rendus incandescents
Comme des barres de métal,
Comme de rouges lianes
Jaillies des laminoirs,
Comme des gerbes de flammes
Giclant hors du volcan,
Embrassant l’azur avec quelle ardeur !
Nous avons lapidé de mots déflagrants notre époque,
Abattant le bois desséché, vermoulu,
Et nous avons comblé plus d’un marais nauséabond.
Souvent aussi nous avons fait naufrage
Dans de bien tristes solitudes,
Enserrés dans les frontières du Cosmos,
Mais la vie de nouveau et toujours nous accueille
A bras ouverts :
« Vous, les miens, venez à moi ! »

(Mihai Beniuc)

 

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Jadis c’était la couleur du dire (Dylan Thomas)

Posted by arbrealettres sur 27 juin 2019



Illustration: Margaret Brohan
    
Jadis c’était la couleur du dire
Qui inondait ma table sur le versant le plus laid d’une colline
Avec un champ chaviré où une école se tenait, tranquille
Et un carré noir et blanc de filles s’y répandait en jeux ;
Les doux glissoires du dire je les dois détruire
Pour que les noyés enchanteurs se relèvent pour chanter comme coq et tuer.
Quand je sifflais avec des gamins joueurs à travers le parc du réservoir
Où la nuit nous lapidions les froids, les niais
Amants dans la boue de leur lit de feuilles,
L’ombre de leurs arbres était mot à plusieurs obscurités
Et lampe d’un éclair pour les pauvres dans la nuit ;
Maintenant mon dire doit me détruire,
Et je déviderai chaque pierre comme un moulinet.

(Dylan Thomas)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Recueil: Vision et Prière (et autres poèmes)
Traduction: Alain Suied
Editions: Gallimard

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Comme ils disent (Charles Aznavour)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2018




    
Comme ils disent

J’habite seul avec maman
Dans un très vieil appartement
Rue Sarasate
J’ai pour me tenir compagnie
Une tortue, deux canaris
Et une chatte

Pour laisser maman reposer
Très souvent je fais le marché
Et la cuisine
Je range, je lave, j’essuie
À l’occasion je pique aussi
À la machine

Le travail ne me fait pas peur
Je suis un peu décorateur
Un peu styliste
Mais mon vrai métier
C’est la nuit
Où je l’exerce travesti
Je suis artiste

J’ai un numéro très spécial
Qui finit a nu intégral
Après strip-tease
Et dans la salle je vois que
Les mâles n’en croient pas leurs yeux
Je suis un homme, oh!
Comme ils disent

Vers les trois heures du matin
On va manger entre copains
De tous les sexes
Dans un quelconque bar-tabac
Et là, on s’en donne a cœur joie
Et sans complexes
On déballe des vérités
Sur des gens qu’on a dans le nez
On les lapide
Mais on le fait avec humour
Enrobé dans des calembours
Mouillés d’acide

On rencontre des attardés
Qui pour épater leur tablée
Marchent et ondulent
Singeant ce qu’ils croient être nous
Et se couvrent, les pauvres fous
De ridicule

Ça gesticule et parle fort
Ça joue les divas, les ténors
De la bêtise
Moi, les lazzis, les quolibets
Me laissent froid, puisque c’est vrai
Je suis un homme, oh!
Comme ils disent

À l’heure où naît un jour nouveau
Je rentre retrouver mon lot
De solitude
J’ôte mes cils et mes cheveux
Comme un pauvre clown malheureux
De lassitude

Je me couche mais ne dors pas
Je pense à mes amours sans joie
Si dérisoires
À ce garçon beau comme un dieu
Qui sans rien faire a mis le feu
À ma mémoire
Ma bouche n’osera jamais
Lui avouer mon doux secret
Mon tendre drame
Car l’objet de tous mes tourments
Passe le plus clair de son temps
Au lits des femmes

Nul n’a le droit en vérité
De me blâmer, de me juger
Et je précise
Que c’est bien la nature qui
Est seule responsable si
Je suis un homme, oh!
Comme ils disent

(Charles Aznavour)

 

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Quand trouverai-je la réponse (Sylvie Fagre G.)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2018




    
Quand trouverai-je la réponse,
l’intimité d’une réponse au vide torturant qui m’entoure ?
Et comment survivre aux défaillances et aux peurs,
replis et troubles, ciels et pentes où l’esprit s’égare ?

Sans suite et sans retour, pourtant j’avance,
je ne peux m’arrêter sur ce chemin
où le mal me ressemble aussi,
où la vie perd sa substance,
où je deviens cet effacement progressif d’un moi
qui est figure dérisoire de souffrance.

Et c’est à la lisière des nuits que m’arrive le brin de connaissance,
le plus fragile des biens que mon coeur ait conquis par tant de peine.
Fermée aux larmes, lèvres serrées, et soulevant la tête,
j’entends ce cri semé de météores,
ce cri fort d’espérance qui lapide l’obscur.

Je me penche et reçois le reflet de sa lumière.

(Sylvie Fagre G.)

 

Recueil: Frère humain
Traduction:
Editions: L’AMOURIER

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Nocturne visiteuse (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2018



Nocturne visiteuse un jour je me coucherai dans un linceul comme dans une mer.
Tes regards sont des rayons d’étoile
les rubans de ta robe des routes vers l’infini.
Viens dans un ballon léger semblable à un coeur
malgré l’aimant, arc de triomphe quant à la forme.
Les giroflées du parterre deviennent les mains les plus belles d’Haarlem.
Les siècles de notre vie durent à peine des secondes.
A peine les secondes durent-elles quelques amours.
A chaque tournant il y a un angle droit qui ressemble à un vieillard.
Le loup à pas de nuit s’introduit dans ma couche.
Visiteuse! Visiteuse! tes boucliers sont des seins!
Dans l’atelier se dressent aussi sournoises que des langues les vipères.
Et les étaux de fer comme les giroflées sont devenus des mains.
Avec les fronts de qui lapiderez-vous les cailloux?
Quel lion te suit plus grondant qu’un orage?
Voici venir les cauchemars des fantômes.

(Robert Desnos)


Illustration: Anne-François-Louis Janmot

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Chansons d’amant (Gustave Kahn)

Posted by arbrealettres sur 29 décembre 2015



 

Chansons d’amant

Brèves sont les douces terres
lentes sont les mers
l’amer passé délétère
gît à mon diaphragme amer

Brève est la colline
si lente est la plaine
brève est la clairière
si lente la lapide

Par delà la colline et par delà la plaine
pas sur pas, coupe sur coupe, dans l’infini de ton haleine
je vais ma marche prisonnière

Mon bon cheval des luttes est mort le long des grèves
ma compagne mémoire s’est assoupie de rêve sans trêve
mon glaive s’est brisé contre Vécu du chevalier-frère
mon bouclier je l’ai laissé aux chanteuses de la taverne
ah ! des sources méconnues pour en onder mon front malade
et des seins portraits des siens pour que ma lèvre hiverne
Vers des cloches argentines
Vers des lèvres matutines …

Porche inconnu peut-être asile de celle qu’on destine
au misérable fils inéluctable des héros
peut-être ayant vaincu la menace de tes créneaux
verrai-je un sourire épanouir la fête de mourir
au pèlerin des morts d’aimer, -opposez vos haches et vos carreaux

(Gustave Kahn)

Illustration: Georges Antoine Rochegrosse

 

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