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LA MORT MONSTRUEUSE DE L’ÊTRE AIMÉ (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 16 novembre 2023



Illustration: Louis Charles Auguste Couder  
    
LA MORT MONSTRUEUSE DE L’ÊTRE AIMÉ

1

Tircis, berger de ce hameau
Que maman me donna en mariage
Et mit déjà dedans le tombeau
Quoiqu’ à la fleur de son âge ,
Quel malheur pour moi, quelle douleur.
L’on me ravit ce trésor précieux
Je perds hélas l’objet de tous mes vœux.

2

Depuis que je le connaissais
En lui je remarquais un cœur sincère
Il est bien vrai que je l’aime,
Mais il avait l’art de me plaire.
C’en est fait, oui oui je le suivrai.
C’en est donc fait je te perds cher amant.
A qui pourrais-je exprimer mon tourment ?

3

Quand je pense à ce doux moment,
Que nous étions tous les deux sur l’herbette,
Quand je songe à ces flatteurs accents
De sa ravissante musette,
Je frémis et je m’évanouis,
Je me livre au plus cruel désespoir
N’espérant plus à l’attendre ni le voir.

4

Vous, plaisir de nos vallons,
Doux rossignol, cessez votre ramage,
Et qu’en nos divers cantons
Ecoutez mon triste langage.
Mes moutons dépouillez vos toisons
Que tous les amants s’affligent avec moi.
De tous les bergers j’ai perdu le roi.

5

Toi plus dure que ce terrain,
Mort barbare et l’auteur de mon supplice,
Toi qui frappe le plus digne des humains,
Achève sur moi ta malice !
Ta fureur doit me percer le cœur.
Ah, si tu me fais plus longtemps souffrir,
Monstre, sans toi je saurai bien mourir.

(Chansons du XVIIIè)

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Maman a planté des arbres (Tekachand)

Posted by arbrealettres sur 6 juillet 2021



    

Maman a planté des arbres

Maman souhaitait
Que j’aille dans une bonne école
Que je quitte le village
Que j’aille à l’école du canton
Un jour m’ayant pris avec elle Maman partit
Pour la toute nouvelle école ouverte dans le canton
« Tu connais bien l’agriculture?»
Demanda le professeur de mathématiques, calculateur
« Oui, dans la pépinière avec la binette… »
« Plante ici aussi quelques arbres
Nous ferons l’inscription.»
Le même jour enthousiasmée
Maman s’est attelée
À creuser des trous profonds jusqu’à la taille
Le long du mur de l’école
Pendant plusieurs jours Maman
A planté des arbres avec assiduité
Comme si elle m’implantait à l’école
«Maintenant que tous les arbres sont plantés
Inscrivez-le»
Dit un jour Maman
« Le principal refuse»
Répondit le Monsieur Gupta des mathématiques
Ce fut comme un choc pour Maman
Comme si toute la végétation avait pris feu
Le temps a passé
Aujourd’hui ces plantes sont devenues des arbres
Ondulant dans la brise avec insouciance
Moi aussi en les voyant je me déploie
Ainsi que Maman l’avait voulu
Pareil aux arbres je deviens.

(Tekachand)

 

Recueil: Pour une poignée de ciel Poèmes au nom des femmes dalit (Intouchable)
Traduction: Traduit du Hindi par Jiliane Cardey
Editions: Bruno Doucey

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LES BOEUFS (Pierre Dupont)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2020




    
LES BOEUFS

J’ai deux grands boeufs dans mon étable,
Deux grands boeufs blancs marqués de roux ;
La charrue est en bois d’érable,
L’aiguillon en branche de houx.
C’est par leur soin qu’on voit la plaine
Verte l’hiver, jaune l’été ;
Ils gagnent dans une semaine
Plus d’argent qu’ils n’en ont coûté.

S’il me fallait les vendre,
J’aimerais mieux me pendre ;
J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes boeufs.

Les voyez-vous, les belles bêtes,
Creuser profond et tracer droit,
Bravant la pluie et les tempêtes
Qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid.
Lorsque je fais halte pour boire,
Un brouillard sort de leurs naseaux,
Et je vois sur leur corne noire
Se poser les petits oiseaux.

S’il me fallait les vendre,
J’aimerais mieux me pendre ;
J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes boeufs.

Ils sont forts comme un pressoir d’huile,
Ils sont doux comme des moutons ;
Tous les ans, on vient de la ville
Les marchander dans nos cantons,
Pour les mener aux Tuileries,
Au mardi gras devant le roi,
Et puis les vendre aux boucheries ;
Je ne veux pas, ils sont à moi.

S’il me fallait les vendre,
J’aimerais mieux me pendre ;
J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes boeufs.

Quand notre fille sera grande,
Si le fils de notre régent
En mariage la demande,
Je lui promets tout mon argent ;
Mais si pour dot il veut qu’on donne
Les grands boeufs blancs marqués de roux ;
Ma fille, laissons la couronne
Et ramenons les boeufs chez nous.

S’il me fallait les vendre,
J’aimerais mieux me pendre ;
J’aime Jeanne ma femme, eh bien ! j’aimerais mieux
La voir mourir, que voir mourir mes boeufs.

(Pierre Dupont)

 

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La Venoge (Jean Villard-Gilles)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2018




    
On a un bien joli canton :
des veaux, des vaches, des moutons,
du chamois, du brochet, du cygne ;
des lacs, des vergers, des forêts,
même un glacier, aux Diablerets ;
du tabac, du blé, de la vigne,
mais jaloux, un bon Genevois
m’a dit, d’un petit air narquois :
– Permettez qu’on vous interroge :
Où sont vos fleuves, franchement ?
Il oubliait tout simplement
la Venoge !

Un fleuve ? En tout cas, c’est de l’eau
qui coule à un joli niveau.
Bien sûr, c’est pas le fleuve Jaune
mais c’est à nous, c’est tout vaudois,
tandis que ces bons Genevois
n’ont qu’un tout petit bout du Rhône.
C’est comme : «Il est à nous le Rhin !»
ce chant d’un peuple souverain,
c’est tout faux ! car le Rhin déloge,
il file en France, aux Pays-Bas,
tandis qu’elle, elle reste là,
la Venoge !

Faut un rude effort entre nous
pour la suivre de bout en bout ;
tout de suite on se décourage,
car, au lieu de prendre au plus court,
elle fait de puissants détours,
loin des pintes, loin des villages.
Elle se plaît à traînasser,
à se gonfler, à s’élancer
– capricieuse comme une horloge –
elle offre même à ses badauds
des visions de Colorado !
la Venoge !

En plus modeste évidemment.
Elle offre aussi des coins charmants,
des replats, pour le pique-nique.
Et puis, la voilà tout à coup
qui se met à fair’ des remous
comme une folle entre deux criques,
rapport aux truites qu’un pêcheur
guette, attentif, dans la chaleur,
d’un œil noir comme un œil de doge.
Elle court avec des frissons.
Ça la chatouille, ces poissons,
la Venoge !

Elle est née au pied du Jura,
mais, en passant par La Sarraz,
elle a su, battant la campagne,
qu’un rien de plus, cré nom de sort !
elle était sur le versant nord !
grand départ pour les Allemagnes !
Elle a compris ! Elle a eu peur !
Quand elle a vu l’Orbe, sa sœur
– elle était aux premières loges –
filer tout droit sur Yverdon
vers Olten, elle a dit : «Pardon !»
la Venoge !

«Le Nord, c’est un peu froid pour moi.
J’aime mieux mon soleil vaudois
et puis, entre nous : je fréquente !»
La voilà qui prend son élan
en se tortillant joliment,
il n’y a qu’à suivre la pente,
mais la route est longue, elle a chaud.
Quand elle arrive, elle est en eau
– face aux pays des Allobroges –
pour se fondre amoureusement
entre les bras du bleu Léman,
la Venoge !

Pour conclure, il est évident
qu’elle est vaudoise cent pour cent !
Tranquille et pas bien décidée.
Elle tient le juste milieu,
elle dit : «Qui ne peut ne peut !»
mais elle fait à son idée.
Et certains, mettant dans leur vin
de l’eau, elle regrette bien
– c’est, ma foi, tout à son éloge –
que ce bon vieux canton de Vaud
n’ait pas mis du vin dans son eau…
la Venoge !

(Jean Villard-Gilles)

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LE CHARTIER EMBOURBÉ (Jean de la Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 24 Mai 2017



 

LE CHARTIER EMBOURBÉ

Le Phaéton d’une voiture à foin
Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin
De tout humain secours. C’était à la campagne
Près d’un certain canton de la basse Bretagne
Appelé Quimpercorentin.
On sait assez que le destin
Adresse là les gens quand il veut qu’on enrage.
Dieu nous préserve du voyage !
Pour venir au Chartier embourbé dans ces lieux,
Le voilà qui déteste et jure de son mieux.
Pestant en sa fureur extrême
Tantôt contre les trous, puis contre ses chevaux,
Contre son char, contre lui-même.
Il invoque à la fin le Dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde :
Hercule, lui dit-il, aide-moi ; si ton dos
A porté la machine ronde,
Ton bras peut me tirer d’ici.
Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi :
Hercule veut qu’on se remue,
Puis il aide les gens. Regarde d’où provient
L’achoppement qui te retient.
Ote d’autour de chaque roue
Ce malheureux mortier, cette maudite boue
Qui jusqu’à l’essieu les enduit.
Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit.
Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? – Oui, dit l’homme.
– Or bien je vas t’aider, dit la voix : prends ton fouet.
– Je l’ai pris. Qu’est ceci ? mon char marche à souhait.
Hercule en soit loué. Lors la voix : Tu vois comme
Tes chevaux aisément se sont tirés de là.

Aide-toi, le Ciel t’aidera.

(Jean de la Fontaine)

Illustration: Marc Chagall

 

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Voyez l’appétit féroce des comètes brochets (Jean-Pierre Luminet)

Posted by arbrealettres sur 21 décembre 2016



Voyez l’appétit féroce des comètes
brochets poursuivant le menu fretin
moustiques hallucinants tout parés de
trompes et d’aigrettes
vers fantastiques pareils à des noyaux de pêche
dont la queue s’orne d’une couronne
rayonnante de poils et s’étire jusqu’aux
cantons les plus disgraciés de la création.
Qui purgera les mers de leurs bitumes ?

(Jean-Pierre Luminet)

Illustration

 

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