Au coeur de la nuit,
parmi ses feux, ses silences,
laisse aller le message,
la mémoire vive frémir…
Laisse venir à toi
ces espaces frangés d’or
ces saveurs, ces inflexions,
les mots, les rythmes,
l’eau et le sang,
l’intime écoulement d’azur
des écrits et des contes…
Page après page,
l’oreille écoute
au-dehors,
au-dedans,
l’écoulement
de la vie
pour croire
encore
à plus grand
que soi…
(Bernard Perroy)
Recueil: Une gorgée d’azur
Traduction:
Editions: Al Manar
Je ne sais pas beaucoup de choses, il est vrai.
Je ne dis rien d’autre que ce que j’ai vu.
Et j’ai vu:
que l’on berce le berceau de l’homme avec des contes
que l’on étouffe les cris d’angoisse de l’homme avec des contes
que l’on éponge les larmes de l’homme avec des contes
que l’on enterre les os de l’homme avec des contes
et que la peur de l’homme…
a inventé tous les contes.
Je sais très peu de choses, il est vrai,
mais on m’a endormi avec tous ces contes…
Je connais tous les contes.
***
Sé Todos los Cuentos
Yo no sé muchas cosas, es verdad.
Digo tan sólo lo que he visto.
Y he visto :
Que la cuna del hombre la mecen con cuentos,
Que los gritos de angustia del hombre los ahogan con cuentos
Que el llanto del hombre lo taponan con cuentos
Que los huesos del hombre los entierran con cuentos
Y que el miedo del hombre…
Ha inventado todos los cuentos.
Yo sé muy pocas cosas, es verdad,
Pero me han dormido con todos los cuentos…
Y sé todos los cuentos.
(León Felipe)
Traduction: Jean-Michel Maulpois
Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers
Je veux un amour plein de sanglots et de pleurs,
Un amour au front pâle orné d’une couronne
De roses dont la pluie a terni les couleurs,
Je veux un amour plein de sanglots et de pleurs.
Je veux un amour triste ainsi qu’un ciel d’automne,
Un amour qui serait comme un bois planté d’ifs
Où dans la nuit le cor mélancolique sonne ;
Je veux un amour triste ainsi qu’un ciel d’automne,
Fait de remords très lents et de baisers furtifs.
Miettes pour un rouge-gorge
Bravo, Mathys!
à Raphaël Segura, peintre
Raphaël dit à Mathys,
son petit-fils de huit ans:
«Puisque tu es en vacances
et qu’il fait beau, ce matin,
nous pourrions aller au zoo,
mais j’ai mieux à te proposer.
Nous irons rendre visite
dans son mas, à la campagne,
au vieux poète Jean Joubert.
Il a écrit des romans,
des contes, des poèmes,
des albums pour les enfants,
des haïkus sur des galets,
il a parlé de ma peinture.
il te montrera des livres,
il te lira des histoires,
il t’écrira un poème.
— Non, dit Mathys résolument,
j’aime mieux aller voir les singes ! »
(Jean Joubert)
Recueil: Longtemps j’ai courtisé la nuit
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Ils font la guerre, ils font la fête,
ils se libèrent et lavent leurs chaînes avec le sang.
Les autres se taisent ou bien ils hurlent.
Le conte dit :
sur la montagne, à mi-hauteur, le sage peint.
Quand passait un oiseau ou la musique du vent,
je les appelais à l’aide pour nourrir ton enfance
et t’écrire une chanson.
L’ombre d’un voyageur,
la barbe d’un passant,
une gouttelette de rosée,
un couple d’amoureux non encore marqué
par la vanité des querelles,
un air qu’une inconnue sifflotait dans une rue,
tout me servait de point de départ
pour te confectionner un conte.
(Lyonel Trouillot)
Recueil: Le doux parfum des temps à venir
Traduction:
Editions: Actes Sud
On glisse dans la paix d’une chambre aussi bien
Que dans l’eau d’un étang, toutes deux sont sans fond.
Passé, futur, quel vent te prend soudain
Par les cheveux, te force à t’enfoncer plus loin ?
L’ombre du souvenir est un ciel étoilé
Reflété dans l’abîme. Attends au fond de l’eau
Que le matin revienne et comme le chasseur
D’un conte merveilleux prends ton arc à deux courbes.
Arrête avec ta flèche un rêve que le ciel
Du matin trop étroit ne pourrait contenir.
Ménilmontant mais oui madame
C´est là que j´ai laissé mon cœur
C´est là que je viens retrouver mon âme
Toute ma flamme
Tout mon bonheur…
Quand je revois ma petite église
Où les mariages allaient gaiement
Quand je revois ma vieille maison grise
Où même la brise
Parle d´antan
Elles me racontent
Comme autrefois
De jolis contes
Beaux jours passés je vous revois
Un rendez-vous
Une musique
Des yeux rêveurs tout un roman
Tout un roman d´amour poétique et pathétique
Ménilmontant!
Quand midi sonne
La vie s´éveille à nouveau
Tout résonne
De mille échos
La midinette fait sa dînette au bistro
La pipelette
Lit ses journaux
Voici la grille verte
Voici la porte ouverte
Qui grince un peu pour dire « Bonjour bonjour
Alors te v´là de retour? »
Ménilmontant mais oui madame
C´est là que j´ai laissé mon cœur
C´est là que je viens retrouver mon âme
Toute ma flamme
Tout mon bonheur…
Quand je revois ma petite gare
Où chaque train passait joyeux
J´entends encor dans le tintamarre
Des mots bizarres
Des mots d´adieux
Je suis pas poète
Mais je suis ému,
Et dans ma tête
Y a des souvenirs jamais perdus
Un soir d´hiver
Une musique
Des yeux très doux les tiens maman
Quel beau roman d´amour poétique
Et pathétique
Ménilmontant!