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Poésie

Posts Tagged ‘ressenti’

Rage (Jean-Luc Raharimanana)

Posted by arbrealettres sur 26 janvier 2024



Illustration
    
Rage

Parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Parfois une bouffée de rage
Soudaine
Impérieuse
Qui ramène les entrailles à la surface
Qui ramène au ressenti ce qui n’a pas été vécu

Parfois une bouffée de rage
sur ce qui aurait dû s’achever
Les noeuds coulants du passé
qui auraient dû se défaire sur la danse du temps

Et je comprends que je suis corps-tombeau
de mes ancêtres sans sépultures
Leurs funérailles sont dans l’envol de mes seuls gestes
Et dans les tracés que je pose sur mes seuls déplacements
Le seul son de ma bouche est le chant qu’ils ont ravalé
au moment de la chaîne garrottant leurs cous

Mais je suis né dans le fleuve oubli
Le flux des événements qui se précipitent
et qui effacent tout autre regard
n’appartenant pas au jour prochain
J’ai oublié,

Mais parfois une bouffée de rage
Sans comprendre
Mais parfois une bouffée de rage
Qui submerge
Soudaine
Impérieuse

Les chants qui proviennent de mon ventre
réclament une bouche pour dire.

(Jean-Luc Raharimanana)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Editions: Bruno Doucey

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On ne doit plus peindre d’intérieurs (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
On ne doit plus peindre
d’intérieurs, de gens qui lisent
et de femmes qui tricotent
Ce doit être des personnes
vivantes qui respirent et
s’émeuvent, souffrent et aiment –
Je vais peindre une série
de tableaux de ce genre
Les gens en comprendront
la dimension sacrée
et ils enlèveront leur chapeau
comme à l’église

*

Mieux vaut peindre
un bon tableau inachevé
qu’un mauvais achevé –
Beaucoup croient
qu’un tableau est achevé
quand ils y ont mis
le plus de détails possible
Un trait peut être
une oeuvre d’art achevée
Ce que l’on peint doit
l’être avec volonté
et sentiment – Cela n’aide
en rien de l’exécuter
si c’est pour y mettre
des choses involontaires
et non ressenties

*

L’art est le contraire
de la nature. Une oeuvre
d’art ne peut surgir que
de l’intérieur de l’être humain.
— L’art est la forme que prend
l’image une fois passée
à travers les nerfs de l’être
humain — son coeur —
son cerveau — son oeil.
— L’art correspond chez
l’homme à son besoin
de cristallisation.
La nature est le royaume
éternellement vaste d’où
l’art tire sa nourriture.

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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Sentir respire (Martine Broda)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2020



 

Igor Morski  (39) [1280x768]

sentir respire encore
respire est ressenti.

(Martine Broda)

Illustration: Igor Morski

 

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Le mot sens (François Cheng)

Posted by arbrealettres sur 31 janvier 2020



sens

Le mot sens

Ce mot polysémique est un diamant du vocabulaire français.
Comprimé en une seule syllabe, il donne lieu à trois définitions,
à savoir: sensation, direction et signification.
Ces trois définitions marquent en réalité les trois étapes,
ou les trois étages, de notre existence.
Et c’est justement à la lumière de la beauté
que ces trois définitions acquièrent leurs sens plénier.

En effet, la beauté a le don de provoquer en nous les ressentis les plus forts et les plus immédiats,
des ressentis aussi bien charnels qu’émotionnels.
Imprégné des sensations nées de ses ressentis,
notre être se sent attiré par la présence de la beauté et d’instinct va vers elle.
Ce faisant, il s’oriente vers une certaine direction.
Or, dès que notre existence prend une direction, elle prend sens.
Et lorsque cette direction ouvre sur un état d’harmonie et de communion,
autrement dit un état d’amour, ce qui est le cas de la beauté,
notre existence atteint sa plus haute signification,
parce que c’est alors qu’elle fait signe à la vraie vie;
et la vraie vie, à son tour, lui fait signe.

(François Cheng)

 

 

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Artiste de l’Être (Amir Or)

Posted by arbrealettres sur 13 Mai 2019



 Illustration: Josephine Wall
    
Artiste de l’Être, fais de moi une musique.
Sans ton esprit qui touche mon esprit
sans ton regard qui voit à travers mes yeux,
je suis un tronçon d’arbre, sans ressenti ni conscience,
et mon existence ne souhaite que remède.
Viens peindre mon monde
à présent laisse-moi l’aimer sans peur,
croire en mon coeur que ce n’est pas en vain
que j’ai envoyé mes mots pour le toucher.

(Amir Or)

 

Recueil: Entre ici et là
Traduction: Michel Eckhard Elial
Editions: ÉRÈS

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Pour lui parler (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 1 août 2018




    
Pour lui parler, il faut utiliser peu de mots :
des mots simples, des mots essentiels, qui vont du cœur au cœur.
Des mots qui se glissent, petit à petit,
avec leurs consonnes, leurs voyelles, dans le corps et la pensée de Marie.

Des mots qui deviendront la matière de ce corps, le ferment de cette pensée,
des mots à lent parcours qui traverseront le conduit auditif,
atteindront la caisse du tympan, percuteront les osselets, ensuite le rocher;
des mots qui se frayeront lentement passage dans le labyrinthe de l’oreille.

Des mots aimés, des mots aimants, ressentis, agrippés à l’espérance.
Des mots vrais même s’ils mentent.
Des mots forgés d’amour et de promesse, même s’ils simulent.
Des mots réels et fictifs.
Des mots pour vivre et pour rêver.

(Andrée Chedid)

Découvert ici: https://jasminsurterre.wordpress.com/

 

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Je n’ai fait que jeter les miettes de pain dur (Gemma Tremblay)

Posted by arbrealettres sur 24 septembre 2017



Je n’ai fait,
que jeter les miettes de pain dur ressenties au plus intime de l’être
sans viser à l’oeuvre littéraire.
Je reviens d’une tournée du fond de moi-même.

(Gemma Tremblay)

Illustration: Aron Wiesenfeld

 

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Entre le murmuré et le ressenti (François Cheng)

Posted by arbrealettres sur 2 juillet 2017



Illustration: Pal Szinyei-Merse
    
Entre le murmuré
et le ressenti
rompant tout rivage
Calmement se propage
l’ombreux infini
au rythme révélé

Infini autre
Infini tien

Une source se libère
traverse l’aire de chair
se perd au plus loin
Où terre-ciel s’unit
au vol de l’alouette
re-née de son chant

Infini tien
Infini autre

(François Cheng)

 

Recueil: A l’orient de tout
Editions: Gallimard

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Conclusion (Carlos Drummond de Andrade)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2016



Conclusion

Les impacts de l’amour ne sont pas poésie
(ils ont tenté de l’être: aspiration nocturne).
Mémoire enfantine et pauvreté automnale
se déversent dans le vers de notre urne diurne.

Qu’est la poésie? le beau? Il n’est poésie,
et ce qui n’est poésie n’a pas la parole.
Le mystère en soi non plus que les mots anciens
ne sont pas poésie: cuisse, furie, cabale.

Alors vient le découragement. Adieu, tout!
La valise prête, notre corps détaché,
il nous reste la joie d’être seul, et muet.

De quoi nos poèmes se forment-ils? Où? Quel
rêvé empoisonné leur répond, si le poète
est un ressenti, et tout le reste, nuages?

(Carlos Drummond de Andrade)


Illustration: René Magritte

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Poème mon frère sauve ma misère (Mano Solo)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2016



Poème mon frère sauve ma misère
déroule l’horreur et en trois mots
rends-la belle
imprime ce cerveau de papier
avant qu’il ne brûle à jamais
poème mon air
emplis mes poumons
pour en chasser les miasmes du ressenti
poème mon eau
lave ma bouche pâteuse de dépit
apaise ma gorge raclée d’insultes
éteins ce feu-là dans la tripe au fond
poème ma musique
que dansent les cadavres sanguinolents
de mes espoirs d’enfant
poème ma voix
parle-lui tout bas
que s’évanouisse sa peur de mes bras
poème ma chaleur
enrobe mon corps de cette sueur
qui naît d’un désir assouvi
cent fois recommencé
poème mon fils
remplis ma paume de ta main fraîche
le jour durant droit devant
poème ma ville
que chaque trottoir soit au soleil
que j’y rencontre une étincelle.

(Mano Solo)

Illustration

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