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Poésie

Posts Tagged ‘se raidir’

Je voudrais parvenir au coeur des choses (Boris Pasternak)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2024




    
Je voudrais parvenir au coeur
Des choses, en toutes :
Dans l’oeuvre, les remous du coeur,
Cherchant ma route.

A l’essence des jours passés,
Leur origine,
Jusqu’à la moelle, jusqu’au pied,
A la racine.

Des faits, des êtres sans arrêt
Saisir le fil,
Vivre, penser, sentir, aimer
Et découvrir.

Ô, le pourrais-je, je ferais,
Fût-ce en fraction,
Huit vers pour peindre les grands traits
De la passion :

Ses injustices, ses péchés,
Fugues, poursuites,
Coudes et paumes, imprévus
A la va-vite.

Et je déduirais ses raisons
Et sa formule,
Je répéterais de son nom
Les majuscules

En vers tracés comme un jardin
Vibrant des veines
Des tilleuls fleuris un à un
En file indienne.

J’y mettrais la senteur des roses
Et de la menthe,
Les prés, la fenaison, l’orage
Au loin qui gronde.

Tel des fermes, bois et jardins
Et sépultures
Le miracle enclos par Chopin
Dans ses études.

Le jeu du triomphe accompli
Et son tourment,
C’est la corde qui se raidit
Quand l’arc se tend.

(Boris Pasternak)

 

Recueil: Ma soeur la vie et autres poèmes
Traduction: sous la direction d’Hélène Henry
Editions: Gallimard

    

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Ceci (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2023




    
Ceci

« Ceci était mon fils ma fille
mon père ma mère

Cette chose mon aimé
mon aïeul mon enfant ! »

La femme vêtue de noir
agglutinée aux mouches
tournoie dans une houle d’amour
et d’aversion

Tournoie et se déchire
autour d’un tas de chair
qui suinte sous le jour

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

Ce sang dilapidé sur le bitume
s’ordonnait, hier encore, dans un réseau de veines
retissait, hier encore, la loi de l’existence

Ce coeur-sentinelle
s’est raidi sous le plomb

Ce sac-à-vermine
abritait des entrailles
où s’ouvrait le plaisir
où germinait la vie

Un rictus a drainé toute la pulpe de ces lèvres
Ces orbites-à-fourmis logeaient oeil et regards

Ceci fut un vivant

Cette chose fut une personne

L’esprit travaillait cette motte d’indifférence

La parole soulevait cette forme interrompue

La femme vêtue de noir
tremble sous la tourmente
hurle dans le chaos

s’agglutine aimantée

à ce profil d’écorce
à cette main qui stagne
à ce marécage d’humeurs
à ce baluchon putride

à ce « Toi que j’appelle
et qui ne seras plus ! »

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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La Femme de Loth (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2019



Illustration: Marvin Haye

La Femme de Loth

La femme de Loth regarda en arrière,
et elle devint une statue de sel
Genèse 19, 2.6

Et le Juste marchait derrière l’ange de Dieu
Immense et lumineux sur la montagne noire
Mais la détresse parlait fort à sa femme:
Non, il n’est pas trop tard, tu peux encore la voir
Ta Sodome natale, ses tours rouges,
La place où tu chantais, la cour où tu filais,
Et les fenêtres vides de la haute maison
Où tu as donné des enfants à ton mari bien aimé.
Elle se retourne — frappés soudain d’une douleur mortelle,
Ses yeux déjà s’aveuglent,
Et son corps se raidit, sel transparent,
Et ses jambes rapides dans la terre s’enracinent.

Qui pleurera cette femme ?
Quelle importance a-t-elle ?
Mais mon coeur, lui, jamais n’oubliera
Celle qui, pour un regard, donna sa vie.

(Anna Akhmatova)

Titre: L’églantier fleurit et autres poèmes
Traduction: Marion Graf et José-Flore Tappy
Editions: La Dogana

 

 

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L’AMOUR (Pierre Louÿs)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2018



Illustration: Yuri Pysar
    
L’AMOUR

Hélas ! si je pense à elle, ma gorge se dessèche, ma tête retombe,
mes seins durcissent et me font mal, je frissonne et je pleure en marchant.

Si je la vois, mon coeur s’arrête, mes mains tremblent, mes pieds se glacent,
une rougeur de feu monte à mes joues, mes tempes battent douloureusement.

Si je la touche, je deviens folle, mes bras se raidissent, mes genoux défaillent.
Je tombe devant elle, et je me couche comme une femme qui va mourir .

De tout ce qu’elle me dit je me sens blessée.
Son amour est une torture et les passants entendent mes plaintes…
Hélas ! Comment puis-je l’appeler Bien-Aimée ?

(Pierre Louÿs)

 

Recueil: Les chansons de Bilitis
Traduction:
Editions: Gallimard

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C’était tiède – au début – (Emily Dickinson)

Posted by arbrealettres sur 26 Mai 2018



C’était tiède – au début – comme Nous —
Puis peu à peu s’y déposa
Une Froideur – de givre sur la Vitre –
La scène entière – s’effaça.

Le Front imita la pierre –
Les Doigts s’engourdirent –
Et comme un Ruisseau sous les Glissades –
Les yeux alertes – se figèrent –

Il se raidit – et ce fut tout –
Entassa Froid sur Froid –
Multiplia l’indifférence –
Fort de son seul Orgueil –

Et même lorsque avec des Cordes –
On le descendit, tel un Poids –
Sans un Signe, sans une hésitation,
Comme un Roc il s’abîma.

***

‘Twas warm – at first – like Us –
Until there crept opon
A Chill – like frost opon a Glass –
Till all the scene – be gone.

The Forehead copied stone –
The Fingers grew too cold
To ache – and like a Skater’s Brook –
The busy eyes – congealed –

It straightened – that was all –
It crowded Cold to Cold –
It multiplied indifference –
As Pride were all it could –

And even when with Cords –
‘Twas lowered, like a Weight –
It made no Signal, nor demurred,
But dropped like Adamant.

(Emily Dickinson)


Illustration: Egon Schiele

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PARTIE PERDUE (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 6 février 2018




    
PARTIE PERDUE

Rien ne sert de partir
Il faut vivre
Etre là
Au bord du feu-berger qui ramène les doigts
Dans la main du soleil où bourdonne midi
A la pointe du coeur où glisse le souci
Sous le chaud de l’averse
Quand le corps se raidit
Quand le jour se renverse
Quand la dernière lampe éparpille la nuit

On recoupe un visage
En quel état je suis
Ces paumes défleuries
Roseaux de mon courage
Et le mur à lui seul est tout un paysage

(René Guy Cadou)

 

Recueil: Poésie la vie entière
Traduction:
Editions: Seghers

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GEL (Jacques Basse)

Posted by arbrealettres sur 30 juillet 2017



    

GEL

elle s’est raidie
lorsque la gelée la nuit
est venue la saisir
si triste à en mourir

reste belle la rose
isolée sur sa tige
prisonnière du givre
morte d’une overdose

on sait déjà
que jamais plus elle ne vivra
un jour en rose
ici bas

(Jacques Basse)

 

Recueil: Le temps des Résonances
Editions: Rafaël de Surtis

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L’apparition de la mort (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 22 mars 2017




Le corps de la Pensée se raidit
à l’apparition de la mort.
… une mort qu’elle n’aura pas eu le loisir de penser.

(Edmond Jabès)

Illustration: Jean-Louis David

 

 

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