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Poésie

Posts Tagged ‘rigoureux’

Les Amours de Marie (Pierre de Ronsard)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2023




    
Les Amours de Marie
(II)
Marie, vous avez la joue aussi vermeille
Qu’une rose de mai, vous avez les cheveux
De couleur de châtaigne, entrefrisés de noeuds,
Gentement tortillés tout autour de l’oreille.

Quand vous étiez petite, une mignarde abeille
Dans vos lèvres forma son doux miel savoureux,
Amour laissa ses traits dans vos yeux rigoureux,
Pithon vous fit la voix à nulle autre pareille.

Vous avez les tétins comme deux monts de lait,
Qui pommellent ainsi qu’au printemps nouvelet
Pommellent deux boutons que leur châsse environne.

De Junon sont vos bras, des Grâces votre sein,
Vous avez de l’Aurore et le front, et la main,
Mais vous avez le coeur d’une fière lionne.

(Pierre de Ronsard)

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« Si je n’ai une autre voix… » (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2022



Illustration: Chantal Dufour
    
« Si je n’ai une autre voix… »

Si je n’ai une autre voix qui me dédouble Ce
silence en échos d’autres sons,
C’est parler, parler encore, jusqu’à dévoiler La
parole cachée de ce que je pense.

C’est, brisé, la dire entre des détours
De flèche qui elle-même s’envenime,
Ou mer haute coagulée de navires Où
le bras noyé nous fait signe.

C’est forcer vers le fond une racine Quand
la pierre rigoureuse coupe le chemin, C’est
lancer vers le haut tout ce qu’on dit Car
plus arbre est le tronc le plus seul.

Elle dira, parole découverte,
Les dits de l’habitude de vivre :
Cette heure qui serre et desserre,
Le non voir, le non avoir, le presque être.

***

«Se nao tenho outra voz…»

Se não tenho outra voz que me desdobre Em
ecos doutros sons este silêncio,
É falar, ir falando, até que sobre A
palavra escondida do que penso.

É dizê-la, quebrado, entre desvios De
flecha que a si mesura se envenena,
Ou mar alto coalhado de navios Onde
o braço afogado nos acena.

É forçar para o fundo urna raiz
Quando a pedra cabal corta caminho,
É lançar para cima quanto diz
Que mais árvore é o tronco mais sozinho.

Ela dirá, palavra descoberta, Os
ditos do costume de viver: Esta
hora que aperta e desaperta,
É não ver, o não ter, o quase ser.

(José Saramago)

 

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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Art poétique (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2022




    
Art poétique

D’où vient le poème ? A quoi sert
De tracer à l’équerre la semence :
Fleur ou herbe, forêt et fruit.
Mais avancer un pied n’est pas voyager,
Comme ne sera peinture la couleur qui ne s’inscrit
Avec tact rigoureux et harmonie.
Amour, s’il y a, de peu se contente
Si, pour les loisirs d’une âme accompagnée,
Du corps lui suffit la prescience.

Le poème ne s’oublie pas, ne s’ajourne pas,
Si le corps du mot est moulé
Avec rythme, assurance et conscience.

***

Arte poética

Vem de quê o poema? De quanto serve
A traçar a esquadria da semente:
Flor ou erva, floresta e fruto.
Mas avançar um pé não é fazer jornada,
Nem pintura será a cor que não se inscreve
Em acerto rigoroso harmonia.
Amor, se o há, com pouco se conforma
Se, por lazeres de alma acompanhada,
Do corpo lhe bastar a presciência.

Não se esquece o poema, não se adia,
Se o corpo da palavra for moldado
Em ritmo, segurança e consciência.

(José Saramago)

 

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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UN PEU DE LOGIQUE IDIOTE (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2020




    
(Recueil Pages d’écriture)
UN PEU DE LOGIQUE IDIOTE

Avez-vous regardé, à l’horizon, les arbres qui garnissent,
avec une impeccable régularité, le bord d’une route et se
détachent sur le ciel ?
La distance les fait paraître petits, pas plus grands que
la taille humaine, et comme ils sont plantés à intervalles
égaux, ils font penser à une file de soldats en marche.
Droits et nets au long des grands labours, ils sont debout pour
« se faire voir », car enfin, s’ils étaient absents, on ne pourrait
les regarder et, s’ils sont là, c’est pour être à la place
de quelque chose d’absent.

Cette logique rigoureuse donne le coup de poing de la vérité.
Une file d’arbres à l’horizon, c’est une file d’êtres venus là pour
« témoigner » par leur présence, donc pour figurer quelque chose
qui se cache derrière eux ce sont des figurants — d’immobiles
figurants qui défilent dans un douloureux silence.

Or, de cet horizon qui les déguise en soldats, je reviens
vers moi-même et mon regard rencontre en chemin mille petits
obstacles qui sont tous là, eux aussi, pour masquer la nudité
de l’étendue, pour habiter le néant. Tous viennent également
« figurer », comblant leur présence, remplaçant leur absence.
L’un figure un ruisseau, l’autre un oiseau, l’autre une charrue,
un mur, un toit, un chou, une boîte de conserve abandonnée…

Et moi-même, je vous le demande, que suis-je ?
Que suis-je, bon sang ? Que suis-je ? Que sommes-nous ?
De quelle armée en marche sommes-nous les avant-postes ?
De quel gouvernement sommes-nous les délégués ? De quel
opéra sommes-nous les figurants ? Permettez : j’interroge,
rien de plus. Je ne suis d’ailleurs pas le premier.

Adieu, arbres de l’horizon. Piétinez le sol en cadence et
chantez sans bouger : « Partons ! Partons ! Partons ! » La question
reste et vous ne m’avez pas répondu.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: Jean Tardieu Un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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UN JARDIN (Norge)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2018



UN JARDIN

Nous sommes en présence d’un jardin assez rigoureux.
Quelques statues, une allée taillée, des buis, peu de fleurs ;
des fleurs précises. L’ombre est opulente,
une fontaine blanche montre une eau figée.
Oui, la lune, mais sa lumière n’est pas très naturelle.
On sent que le principal personnage n’est pas encore là
et que ce sera une femme nue.

(Norge)


Illustration: Paul Delvaux

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A … (Alexandre Pouchkine)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2018




A …

Non, non je ne dois pas, je n’ose, je ne peux
Au trouble de l’amour céder avec folie.
Pour ménager ma paix, je suis très rigoureux
Et j’épargne à mon coeur qu’il brûle et qu’il s’oublie.
Aimer, c’est bien fini! Mais, par moments, pourquoi
N’accueillerais-je pas ce rêve qui ne dure
Que l’instant, par hasard, où passe devant moi
Une céleste, jeune et pure créature?…
Qui passe et disparaît,.. Vraiment ne puis-je pas
L’admirer en mêlant plaisir avec tristesse
Et suivre du regard en silence ses pas,
La bénir pour ma joie et pour mon allégresse,
Lui souhaiter un bien conforme à ses désirs,
Des loisirs sans soucis, paix et gaieté de l’âme,
Tout, même le bonheur pour qui va la choisir,
Aimable jeune fille, et la nommer sa femme?

(Alexandre Pouchkine)

 

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Arbre du sacrifice (Anne Goyen)

Posted by arbrealettres sur 22 avril 2018



Illustration: Carmen Meyer
    
Arbre du sacrifice

Pointant
Vers le silence extrême
Tu fus la plaie
Et le couteau
Arbre du sacrifice

Au vif d’une croissance intime
Poursuis
Parmi les fibres
Le rêve rigoureux
Jusqu’aux ténèbres
De ta chair.

Voici poindre une lueur
Derniers bourgeons offerts
A la haine
Qui te meurtrit.

En pure perte.

(Anne Goyen)

 

Recueil: Arbres, soyez
Traduction:
Editions: Ad Solem

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Poème (Werner Lambersy)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2018



Poème
comme si c’était venir
d’ailleurs

Pour rien
pour répéter l’inutile

L’écho
que la montagne ramène

Qu’on écoute
avant de reconnaître

Comme un pas
que personne n’attendait
plus

Ame à cette râpe dure
de l’excès
à cette nudité de trame
à cette absence de formes

Et rien à la place
qu’un rigoureux affûtage
d’infinis

(Werner Lambersy)

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Garde la plume (Zbigniew Herbert)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2017



garde la plume elle a les couleurs
de la peur l’amour du désespoir
avec elle tu créeras peut-être un poème
sur le sort des oiseaux en des temps rigoureux

(Zbigniew Herbert)

Illustration

 

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