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Poésie

Posts Tagged ‘enfui’

Le temps nous use (Richard Rognet)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2024




    
Le temps nous use, il faut partir vers d’autres horizons.
Les rosiers défleuris gomment le jour,
une tristesse presque douce pend aux arbres immobiles,

un chat descend d’un mur sans savoir où aller,
quelqu’un, derrière sa fenêtre, tente de réunir les ombres que sa solitude,
sa lente et lourde solitude, a jetées n’importe où,
comme des mots de trop, des gestes vains; des linges sales.

Elles portaient, ces ombres, en leur légèreté,
le souvenir des roses et des amours enfuies.
Il nous use, le temps.
Les autres horizons ne sont que les regards de ceux qu’on délaissa.

(Richard Rognet)

Recueil: Élégies pour le temps de vivre suivi de Dans les méandres des saisons
Editions: Gallimard

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RÉPONSE À LA TERRE (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2024



Illustration: William Blake
    
RÉPONSE À LA TERRE

Terre leva la tête
Au-dessus de l’obscurité redoutable et lamentable.
Sa lumière enfuie
Cruelle lugubre
Et les cheveux couverts d’un gris désespoir.

Moi, prisonnière des eaux,
La rivalité des étoiles emprisonne mon antre
Dans un gel blanc ;
En gémissant
J’entends le père des hommes antiques.
Père égoïste des hommes,

Cruel, jaloux, égoïste Effroi,
La joie peut-elle,
Enchaînée dans la nuit.
Enfanter les vierges de la jeunesse et du matin ?

Le printemps cache-t-il sa joie,
Quand éclatent les bourgeons et les fleurs ?
Le semeur
Sème-t-il pendant la nuit ?
Le laboureur laboure-t-il dans l’obscurité ?

Romps cette lourde chaîne
Qui glace mes os.
Égoïste, vaine,
Éternelle malédiction,
Qui réduit le libre amour en esclavage.

***

EARTH’S ANSWER

Earth raised up her head
From the darkness dread and drear,
Her light fled,
Stony, dread,
And her locks covered with grey despair.

Prisoned on watery shore,
Starry jealousy does keep my den
Cold and hoar;
Weeping o’er,
I hear the father of the ancient men.

Selfish father of men!
Cruel, jealous, selfish fear!
Can delight,
Chained in night,
The virgins of youth and morning bear.

Does spring hide its joy,
When buds and blossoms grow?
Does the sower
Sow by night,
Or the ploughman in darkness plough?

Break this heavy chain,
That does freeze my bones around!
Selfish, vain,
Eternal bane,
That free love with bondage bound.

(William Blake)

Recueil: Chants d’Innocence et d’Expérience
Traduction: traduction de l’anglais par Marie-Louise et Philippe Soupault
Editions: Les belles lettres

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Attente incertaine de la pluie (Paul Nougé)

Posted by arbrealettres sur 27 septembre 2022



Attente incertaine de la pluie
puis l’outre noire épanche
ses larmes violentes.

Angle des toits
et les rues enfuies et tournantes
les rues, encore,
ville née d’un éclair et morte avec lui.

(Paul Nougé)

 

 

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Que seront milliers d’amours vives (Lord Byron)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2020


 


 

Atsushi Suwa - (23)

Que seront milliers d’amours vives

Préserve encor cette amour entière,
Ou brise la poitrine qui te presse.
Le Temps faiblit l’amour, mais ne la prive
De l’espoir enfui, qui la fait plus forte:
Oh! que seront milliers d’amours vives
Pour qui ne peut délaisser l’amour morte?

(Lord Byron)

Illustration: Atsushi Suwa

 

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La jeune Muse était fidèle (Vassili Joukovski)

Posted by arbrealettres sur 16 août 2018



Illustration: Rafal Olbinski
    
La jeune Muse était fidèle
Et me suivait de lieu en lieu.
L’inspiration, toujours nouvelle,
Volait à moi du haut des cieux.
Elle animait de sa lumière
Tous les visages de la vie,
Je lui vouais ma vie entière :
Vivre était vivre en poésie.

Or, aujourd’hui je sens l’absence
De l’être qui m’offrait ces chants,
La harpe dort dans le silence,
Le cœur est lourd et somnolent.
De moi espoir et de mon aide
Saurai-je attendre le retour ;
Ma perte est-elle sans remède,
La voix éteinte pour toujours?

Pourtant, ce que des temps magiques
J’ai su garder jusqu’aujourd’hui,
Les clairs, les sombres, les uniques
Instants vivants des jours enfuis,
Les heurs des songes solitaires,
Sublimes de fragilité,
Je te les offre et te vénère,
O pur génie de la beauté !

Je ne sais pas pour quelle aurore
Peut revenir la poésie,
Mais ton étoile brille encore,
Je te connais, ô pur génie!
Tant que mon âme s’ illumine
De l’approche que je pressens,
Le charme vit, l’heure est divine,
Et le passé est le présent.

(Vassili Joukovski)

 

Recueil: Le soleil d’Alexandre Le Cercle de Pouchkine
Traduction: André Markowicz
Editions: Actes Sud

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Été (Attila Jozsef)

Posted by arbrealettres sur 12 juin 2018



Été

Les soucis semés cousent d’or la plaine,
Les prés sont légers comme appel d’antan,
La gaîté d’argent des bouleaux déchaîne
Un frêle remous dans le ciel flottant.

La guêpe ronronne, atteint l’églantine
Après qu’en son vol elle m’a flairé,
Et la rose au sang coléreux s’incline.
Que svelte est l’été de rouge accoutré!

Un jaillissement plus tendre rayonne,
Le sang des fraisiers sur le sable coule,
La tête courbée, les épis frissonnent,
Dans les frondaisons l’orage est en boule.

Mon rapide été trop vite enfui,
Sur ton char Démon le vent me dérade,
Au ciel en éclats l’on voit, ébloui,
L’hiver bleu luisant qui déjà parade.

(Attila Jozsef)

Illustration: \ »Effroyablement\ » Indispensables Jardins

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On tire les volets pour la nuit (Jean-Pierre Chambon)

Posted by arbrealettres sur 2 mars 2018




    
On tire les volets pour la nuit
encore une journée enfuie
déjà emportée dissoute dans le fleuve du temps
tout un menu fretin d’événements insignifiants
d’émotions minuscules

(Jean-Pierre Chambon)

 

Recueil: Tout-venant
Traduction:
Editions: Héros-Limite

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Dans l’été de jadis (Georges-Emmanuel Clancier)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2018



Illustration
    
Dans l’été de jadis le loriot s’est tu.
Oh! chante oiseau d’enfance, chante si tu es
Encore vivant au nid de la mémoire trop
Sombre… La vie comme une femme serait tendre
Comme une soeur, une mère, une amante, et
Quelle lumière au long des jours aurait lui.
Mais sur l’oiseau de nos étés enfuis trop
D’hivers sont passés d’un silence amer et dur.

(Georges-Emmanuel Clancier)

 

Recueil: Le Poème Hanté
Traduction:
Editions: Gallimard

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Je marchais dans la nuit (Alexandre Blok)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2017



Illustration: Evaristo
    
Je marchais dans la nuit pluvieuse,
Et, à la fenêtre d’une vieille maison,
Je reconnus les yeux songeurs
De ma douleur. — En larmes, solitaire,
Elle fixait les horizons humides…
Je restais là, à l’admirer,
Comme si j’avais, sous ses traits,
Reconnu ma jeunesse enfuie.
Un regard. Et mon coeur se serre,
La lumière s’éteint — c’est l’aube.
Et le matin humide toque
À sa fenêtre abandonnée.

(Alexandre Blok)

 

Recueil: Le Monde terrible
Traduction:Pierre Léon
Editions: Gallimard

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Pur à présent décline le soir d’été (Emily Brontë)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2017



Pur à présent décline le soir d’été
Autour de ma maison, en splendeur adoucie
Le ciel sur son front sacré ne porte pas
Un seul nuage de mélancolie —

La vieille tour, enchâssée dans la lueur d’or,
Contemple d’en haut le soleil qui descend —
Si doucement le soir se fond dans la nuit
Qu’on peut à peine dire le jour fini —

Et c’est justement l’heure joyeuse
Où nous avions coutume de nous échapper
De secouer la tyrannie du labeur
Pour aller avec entrain jouer dehors —

Alors pourquoi tout est-il si triste et seul ?
Nul pas allègre dans l’escalier —
Nul rire — nul accent pour donner coeur
Mais partout un silence sans voix.

J’ai tourné sans fin dans notre jardin
Et il me semblait qu’à chaque tour
Des pas allaient venir à ma rencontre
Et des mots portés par les souffles

En vain — ils ne viendront pas aujourd’hui
Et le rayon du matin poindra aussi morne
Mais non, l’Espoir réprobateur assure
Qu’il est doux de pleurer les joies enfuies

Quand chaque orage voilant leur lumière
Prépare un plus divin retour.
Dites : sont-ils perdus à jamais, nos éclairs
De soleil dans les brumes du souci ?

***

Fair sinks the summer evening now
In softened glory round my home :
The sky upon its holy brow
Wears not a cloud that speaks of gloom —

The old tower, shrined in golden light,
Looks down on the descending sun —
So gently evening blends with night
You scarce can say that day is done —

And this is just the joyous hour
When we were wont to burst away,
To ‘scape from labour’s tyrant power
And cheerfully go out to play —

Then why is all so sad and lone ?
No merry footstep on the stair —
No laugh — no heart-awaking tone
But voiceless silence everywhere.

I’ve wandered round our garden-ground
And still it seemed at every turn
That I should greet approaching feet
And words upon the breezes borne

In vain — they will not come today
And morning’s beam will rise as drear
Ah no, reproving Hope doth say
Departed joys ’tis fond to mourn

When every storm that hides their ray
Prepares a more divine return
Then tell me — are they gone for aye
Our sun blinks through the mist of care ?

(Emily Brontë)

Illustration

 

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