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Lettre à l’inconnue d’en face (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 5 mars 2024



    

Lettre à l’inconnue d’en face

1
Rideaux, tentures, voilages, non rien, Madame,
pour dérober à votre oeil de cyclope
dans l’ombre qui m’épie ce long corps nu
de faux gisant recru d’intempérances,
et qui se pâme aussi devant votre balcon
où sèche toute une lingerie de nonne aux abois —
fleurs vénéneuses pour le solitaire
que la mort affole dresse démoelle dans la nuit,
rivé à vos blanches cuisses.

2
Si peu de lumière sur ma table,
si peu que les mots comme fleurs rabougrissent
— et ma chair, si vous n’y portez remède par saoules salives,
si votre ventre fougueusement ne l’enroule,
ma chair vive et veuve livrée nue chaque nuit à votre délectation
s’en ira elle aussi pétale à pétale avant que nous n’ayons trouvé,
belle inconnue, cette bête qui voyage beaucoup.

3
Reconnaissez Madame
que mourir hors du dérèglement de tous les sens
est triste et sans aucun profit
(présent gâché que la vertu, la nuit vient vite
et la plus belle rose est du fumier).
Ouvrez vos ombres votre giron vos lèvres :
le clou du spectacle est en bas dans la rue où,
preste comme une main sous les robes,
le vent réveille les beaux orages qui nous étaient promis.

(Guy Goffette)

Recueil: Un manteau de fourrures suivi de L’adieu aux lisières et de Tombeau du Capricorne
Editions: POINTS

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Face à l’enjeu (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2023




    
Face à l’enjeu

J’ai défait la solitude.
Il n’y a pas de chevet où je ne puisse m’asseoir,
Reconnaître en chacun le gisant superbe
Qui outrepasse les tombes et confond nos mémoires

Les ténèbres de l’autre sont nos propres ténèbres,
C’est notre oeil qui rompt la durée.

Nous créons des sentences,
Nous nous livrons aux pièges,
Quand l’épreuve est d’entendre :
Car tout nous est dicté.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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DORMANTE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 22 septembre 2023



Illustration: Pierre Brault
    
DORMANTE

Toi ma dormeuse mon ombreuse ma rêveuse
ma gisante aux pieds nus sur le sable mouillé
toi ma songeuse mon heureuse ma nageuse
ma lointaine aux yeux clos mon sommeillant œillet

distraite comme nuage et fraîche comme pluie
trompeuse comme l’eau légère comme vent
toi ma berceuse mon souci mon jour ma nuit
toi que j’attends toi qui te perds et me surprends

la vague en chuchotant glisse dans ton sommeil
te flaire et vient lécher tes jambes étonnées
ton corps abandonné respire le soleil
couleur de tes cheveux ruisselants et dénoués

Mon oublieuse ma paresseuse ma dormeuse
toi qui me trompes avec le vent avec la mer
avec le sable et le matin ma capricieuse
ma brûlante aux bras frais mon étoile légère

je t’attends je t’attends je guette ton retour
et le premier regard où je vois émerger
Eurydice aux pieds nus à la clarté du jour
dans cette enfant qui dort sur la plage allongée.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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ÉLÉGIE (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
ÉLÉGIE

Jamais comme près de toi je ne fus autant pierre.

Moi qui me rêvais nuage, eau,
vent sur les feuilles,
feu de mille flammes changeantes,
je ne sus qu’être gisante
et peser, exactement comme la pierre
au cou du noyé.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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UN ARBRE EMPOISONNÉ (William Blake)

Posted by arbrealettres sur 21 juillet 2022




UN ARBRE EMPOISONNÉ

Contre mon ami j’étais en colère,
Je dis ma colère, et elle prit fin.
L’étant aussi contre mon ennemi,
Je n’en dis rien, ma colère poussa.

Et je l’arrosai, elle et ses alarmes,
Matin et soir la baignai de mes larmes,
Je l’exposai au soleil de sourires,
La réchauffai de simagrées douceâtres.

Et elle poussa, poussa jour et nuit,
Jusqu’à porter une pomme splendide —
Et mon ennemi la vit qui brillait.
Et il savait qu’elle m’appartenait,

Et donc, quand la nuit eut voilé le pôle,
Il se faufila dedans mon jardin.
Et j’ai la joie de trouver, au matin,
Mon ennemi dessous l’arbre gisant.

***

A POISON TREE

I was angry with my friend:
I told my wrath, my wrath did end.
I was angry with my foe;
I told it not, my wrath did grow.

And I watered it in fears,
Night and morning with my tears;
And I sunned it with smiles,
And with soft deceitful wiles.

And it grew both day and night
Till it bore an apple bright—
And my foe beheld it shine.
And he knew that it was mine,

And into my garden stole,
When the night had veiled the pole.
In the morning glad I see
My foe outstretched beneath the tree.

(William Blake)

Illustration: Sophie Ainardi

 

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LES DEUX GISANTS (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2021




LES DEUX GISANTS

Ils descendaient au fil de l’eau
les deux gisants les deux amants
dans le sourire de la mort
et la lumière de l’amour
était leur seule barque.

Entre l’espace qui les porte
et le temps qu’ils ont dépassé
ils avançaient sans avenir
et les gestes de la rivière
étaient leurs seuls mouvements.

O morts enfermés dans la vie
emportant la terre et le ciel
dans vos yeux grands ouverts,
ô figures inaltérables
d’un instant sans retour!

Unis apaisés et semblables
au fond de moi ils passent sans bouger
Je les contiens puisque je suis le fleuve
je les comprends puisque je suis la nuit
dans mon silence j’ensevelis
un rire un soleil éclatants.

(Jean Tardieu)

Illustration

 

 

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Le gris (Martine Broda)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2020



 

Misha Gordin crowd42 [1280x768]

le gris

explosant immobile. sans mémoire ni.

le gris trouve
un récit. perd sa main
dans le sommeil des pierres pourvu qu’il se taise
encombré d’os blanchis.

qu’il soit lourd et gisant.

(Martine Broda)

Illustration: Misha Gordin

 

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An ollzent (Anthony Lhéritier)

Posted by arbrealettres sur 1 novembre 2019



An ollzent

C’est la Toussaint de ma jeunesse
Mes petits morts, dormez en paix
Dans le caveau de ma paresse
Morts à peu près, pas tout à fait.

Dormez, mes rêves de fortune
Point n’est besoin d’un tas d’écus
Je n’ai pas décroché la lune
Pauvre naquis, pauvre vécus.

Amour, qui peu me fis la guerre
Et toutefois me déconfis
Fais ton bon somme de grand-père
Garde bien clos tes yeux rougis.

Or vous qui tentez de revivre
A me poignarder toujours prêts
Beaux gisants que la nuit délivre
Dormez aussi, vous, mes regrets.

(Anthony Lhéritier)

 

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RUTILE (Jacques Lacarrière)

Posted by arbrealettres sur 8 septembre 2018



RUTILE

Sang séché. Fièvre figée du feu.
Gisant des clairs filons où ton destin s’éploie.
Oui. Gisant aux mains jointes des ères.
Toi, le glas du soleil, le tocsin des calcaires.

(Jacques Lacarrière)


Illustration

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COMME UN REMORDS (Françoise Coulmin)

Posted by arbrealettres sur 22 juillet 2018



Illustration
    
COMME UN REMORDS

Avec des espérances et des envies
des petits gestes
en beaux lieux
étangs et peupleraies
prairies séracs chemins profonds

Des stimuli
pour partager petits secrets et lassitudes
non pas dans la futilité la vilenie
ou l’honneur

Si j’avais su à temps
ne rien voir, rien entendre
rien aimer ne rien dire
dans l’impossibilité de changer les choses

Sans cavale
pour chevaucher rêves et mirages
en ces chemins perdus si difficiles

Ne m’attachant qu’aux mots
et côtoyant tous les doutes oubliés
le bien
le mal

Et maintenant
que mes poussières
mes pourritures
sont en terre ou dissoutes en la mer

Même aux gisants les interrogations demeurent.

(Françoise Coulmin)

In Vibrations en partage, anthologie,
Moments du théâtre d’Aurillac, Fr, 2014.

 

Recueil: FLORILÈGE, 30 ans de poésie : SANS ESPOIR JE CÈDE À L’ESPOIR (SEJCE)
Traduction:
Editions: La feuille de thé

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