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Poésie

Posts Tagged ‘addition’

Être berger (Vénus Khoury-Ghata)

Posted by arbrealettres sur 16 avril 2024



Illustration: Castanheira Amilcar
    
Être berger nécessite une parenté de sang avec un loup
des liens avec un brin d’orge ou de luzerne
on échange un fromage contre un bâton
un ballot de laine contre un calendrier
une brebis pleine contre une fille vierge
on apprend l’ignorance aux plantes savantes
l’addition au chien
et au feu de ne pas ronfler en présence des visiteurs

(Vénus Khoury-Ghata)

Recueil: Les mots étaient des loups Poèmes choisis
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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DIALOGUE AVEC JALÂL UD DÎM RUMI (I) (Serge Pey)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2020



Emilia Castaneda  (12)

 

DIALOGUE AVEC JALÂL UD DÎM RUMI (I)

Un plus un égale un
car deux est la séparation

La plus haute addition
soustrait car elle unit

Le nombre ne calcule pas
son unité
Il se renverse jusqu’à ne plus
se compter

(Serge Pey)

Illustration: Emilia Castaneda

 

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LE POSEUR DE QUESTIONS (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 29 juin 2020




    
LE POSEUR DE QUESTIONS

Très loin, dans le dedans de mon écorce chaude,
dans le noir embrouillé des veines et du sang,
le poseur de questions tourne en rond, tourne et rôde
il veut savoir pourquoi tous ces gens ces passants ?

Le mort que je serai s’étonne d’être en vie,
du chat sur ses genoux qui ronronne pour rien,
du grand ciel sans raison, du gros vent malappris
qui bouscule l’ormeau et se calme pour rien.

Un cheval roux pourquoi ? Pourquoi un sapin vert ?
Et pourquoi ce monsieur qui fait une addition,
qui compte : un soleil, deux chiens, trois piverts,
qui compte sur ses doigts pleins de suppositions ?

Il compte sur ses doigts, mais perd dans ses calculs
sa raison de compter, sa raison de rêver,
sa raison d’être là, tout pesant de scrupules,
et d’être homme vivant sans qu’on l’ait invité.

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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SOUVENT J’OUBLIAIS (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 15 juin 2019




    
SOUVENT J’OUBLIAIS

Souvent j’oubliais le sens des actes les plus simples.

Par exemple, devant l’employé du métro qui poinçonne les billets :
« Bonjour! ça va? » disais-je en lui tendant la main et en soulevant mon chapeau.
Mais l’autre hausse les épaules : « Vous fichez pas du monde! Vot’ billet! »

Un soir, rentrant chez moi, j’ai comme un vague souvenir
qu’il me faut crier quelque chose dans l’allée de l’immeuble.
Mais quoi? Misère, je ne le sais plus, je l’ai oublié.
Je murmure d’abord « Bonne nuit! » puis, élevant peu à peu la voix :
« L’addition!… Un hareng de la Baltique, un!… Les jeux sont faits!… Waterloo!… Vade retro… »
La concierge, furieuse, se lève en papillotes et m’insulte.

Je prends congé de mes amis Z… qui habitent au septième étage, sans ascenseur.
On m’accompagne sur le seuil de l’appartement.
Soudain, apercevant l’escalier, je suis pris de panique et pense, dans un éclair :
« C’est quelque chose qui sert à monter, non à descendre! » je ne vois plus les marches,
mais l’espace vertical qu’elles découpent de haut en bas :
une falaise abrupte, une faille, un précipice affreux!

Affolé, étourdi par le vertige, je crie : « Non! Non! Retenez-moi! »
Je supplie mes amis de me garder chez eux pour la nuit. En vain.
Pas de pitié : on me pousse, en plaisantant, vers l’abîme.
Mais moi, hurlant comme un homme qu’on assassine, je résiste,
je m’arc-boute, — finalement je cède, perds l’équilibre,
manque la première marche, tombe et me casse une jambe.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: La part de l’ombre
Traduction:
Editions: Gallimard

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Connaissez-vous l’Addition ? (Lewis Carroll)

Posted by arbrealettres sur 28 juin 2018



Illustration
    
Connaissez-vous l’Addition ? demanda la Reine Blanche.
Combien font un et un et un et un et un et un et un et un et un et un ?

Je ne sais pas, dit Alice, j’ai perdu le compte.

Elle ne connaît pas l’Addition, trancha la Reine Rouge.

Connaissez-vous la Soustraction ? Retirez neuf de huit.

Huit moins neuf, je ne sais pas faire, répondit aussitôt Alice, mais…

Elle ne connaît pas la Soustraction, conclut la Reine Blanche.

Connaissez-vous la Division ?
Un pain divisé par un couteau, quelle est la réponse à ça ?

Je suppose…, commença Alice.

Mais la Reine Rouge termina à sa place.
Un pain divisé par un couteau égale une tartine de beurre, bien sûr !
Essayons une autre Soustraction.
Sur un chien je prends un os, que reste-t-il ?

Alice réfléchit :
Pas l’os, bien sûr, puisque je le retiens.
Le chien ne resterait pas, il viendrait me mordre.
Et dans ce cas, je suis sûre que je ne resterais pas non plus !

Alors vous pensez qu’il ne resterait rien ? demanda la Reine Rouge.

Oui, je crois que c’est la réponse.

Faux, comme d’habitude, dit la Reine Rouge.
Il reste le calme du chien.

Mais je ne vois pas comment…

Ecoutez donc un peu ! cria la Reine Rouge.
Le chien perdait son calme, n’est-ce pas ?

Peut être bien, répondit prudemment Alice.

Alors si le chien s’en allait, il resterait son calme !
s’exclama la Reine triomphante.
Le calme pourrait s’en aller dans une autre direction,
dit Alice, aussi gravement que possible. […]

Elle est incapable de faire la moindre opération !
déclarèrent en même temps les Reines,
avec beaucoup de conviction.

(Lewis Carroll)

 

Recueil: Alice au Pays des Merveilles / De l’autre côté du Miroir
Traduction:
Editions: Folio

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La Clef des Songes (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2018



Illustration: Nathalie Ragoust
    
La Clef des Songes

1
Cuisinière ou poétesse
Buss’nessman ou charpentier
Tout l’ monde aime la paresse
Le loisir, le sommeil et rêver
Car le rêve est un spectacle
C’est un billet de faveur
Dont la nuit fait cadeau au rêveur
Fortune qui nous est due
C’est un quotidien miracle
Une nuit sans rêver
Sans aimer
Est perdue.

Refrain 1
La Clef des Songes m’a dit
Rêver d’eau claire
Et de soleil qui resplendit
Ou qu’on perd une molaire
C’est bon signe
Voir un cygne
C’est bon signe
Voir des vignes
C’est bon signe
C’est l’amour le bonheur qui la nuit
Sont venus visiter votre lit
Écoutez la Clef des Songes
Même si c’est des mensonges
Rêvez en dormant
Car le jour on n’a pas le temps.

2
L’autre jour ma p’tite amie
Avec un gros va-nu-pieds
M’a trompé quelle infamie
Je l’ai su, je l’ai épiée
Et le soir dans ma colère
J’achetais un revolver
À six coups, bien en main, pour gangster
Méditant crime et suicide
J’hésitais sur la manière
Dont j’allais me venger
Et juger
La perfide.

Refrain 2
La Clef des Songes m’a dit
Dans son langage
Le lendemain après un’ nuit
De cauch’mars et de carnages
Bon présage
— L’encornage
Bon présage
— Rêver d’cage
Bon présage
Oui l’amour le bonheur cette nuit
Sont venus te bercer dans ton lit
Écoute la Clef des Songes
Et pardonne les mensonges
Pardonne à l’instant.
Car demain il n’ serait plus temps.

3
Au dernier tour de lot’rie
Je n’ai pas gagné un clou
Et j’ai juré sur ma vie
De ne plus risquer un sou
Dans un’ belle tirelire
J’aurais caché en secret
Mes gros sous, mon argent, mes billets
J’aurais amassé fortune
Pour ach’ter ce que j’ désire
Un’ maison un château
Une auto
Ou la lune.

Refrain 3
La Clef des Songes m’a dit
Dans son langage
Le lendemain après un’ nuit
D’additions et de mirage
Bon présage
Héritage
Bon présage
Bon présage
Prends courage
La chance et la fortun’ cette nuit
Sont venues t’inspirer dans ton lit
Écoute la Clef des Songes
Car ce n’est pas un mensonge
Prends l’ billet gagnant
Car demain il n’ sera plus temps.

(Robert Desnos)

 

Recueil: Les Voix intérieures
Traduction:
Editions: L’Arganier

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LE POSEUR DE QUESTIONS (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2018



 

Arnold Böcklin La Guerre

LE POSEUR DE QUESTIONS

Très loin, dans le dedans de mon écorce chaude,
dans le noir embrouillé des veines et du sang,
le poseur de questions tourne en rond, tourne et rôde
il veut savoir pourquoi tous ces gens ces passants ?

Le mort que je serai s’étonne d’être en vie,
du chat sur ses genoux qui ronronne pour rien,
du grand ciel sans raison, du gros vent malappris
qui bouscule l’ormeau et se calme pour rien.

Un cheval roux pourquoi ? Pourquoi un sapin vert ?
Et pourquoi ce monsieur qui fait une addition,
qui compte : un soleil, deux chiens, trois piverts,
qui compte sur ses doigts pleins de suppositions ?

Il compte sur ses doigts, mais perd dans ses calculs
sa raison de compter, sa raison de rêver,
sa raison d’être là, tout pesant de scrupules,
et d’être homme vivant sans qu’on l’ait invité.

Ainsi que le soleil ou sa flamme caresse
et blesse ou bien guérit le nageur incertain
ainsi de notre mort qui ralentit ou presse
le pas de nos destins

Il ne faut pas tromper les cavaliers du sort
et leurs chevaux légers comme l’écume au vent
Ne passez pas le temps à mentir à la mort
c’est un jeu décevant

Ne passez pas vos jours à vous passer de vie
Ne passez pas l’amour à vous passer de temps
Ne passez pas le temps à attendre la nuit
ni les neiges d’antan

Car votre mort en vous se moque de vos pièges
et se glisse au serré du plus tendre baiser
remonte à la surface et plus vive que liège
plus souple que l’osier

s’empare de ce coeur qui se croyait léger
l’alourdit le surprend le presse et le défait
et fait de ce vivant de vivre soulagé
un mort très stupéfait.

(Claude Roy)

Illustration: Arnold Böcklin

 

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LES YEUX (Tennessee Williams)

Posted by arbrealettres sur 3 juin 2017



Illustration: David Sarenco  
    

LES YEUX

Les yeux sont les derniers à s’en aller.
Ils restent longtemps après que le visage a disparu hélas
dans les chairs dont il est fait.
La langue dit au revoir quand les yeux s’attardent en silence,
car ils sont les derniers chercheurs à renoncer à leur quête,
ceux qui restent là où les noyés sont rejetés sur le rivage,
après le départ des lanternes, sans un au-revoir…

Les yeux n’ont foi dans ce langage trop accessible.
Pour eux pas d’occasion assez simple pour qu’un mot la justifie.
L’existence dans le temps, pas seulement la leur, mais ancestrale,
enferme tous les instants entre quatre murs de miroirs.

Fermés, ils attendent. Ouverts, ils attendent aussi.
Ils sont connus,
mais ils ont oublié le nom de qui les connaît
La jeunesse est leur oiseau inquiet, et des ombres plus claires
que la lumière
les traversent de temps à autre

Car les eaux ne sont pas plus changeantes sous les cieux
ni les pierres sous les rapides.

Les yeux peuvent être fixes avec ce regard athénien
qui répond avec calme à la terreur, ou rapides
étant tout entiers sous le charme. Presque toujours
les yeux s’accrochent à une image
de quelqu’un parti récemment ou il y a longtemps
ou seulement espéré…

Les yeux ne sont pas chanceux.
Ils semblent désespérément enclins à s’attarder.

Ils font des additions qui ne donnent aucun résultat.
Il est très difficile de dire si leur ombre est pire que leur lumière,
leurs découvertes meilleures ou pires que de ne pas savoir.

Mais ils sont les derniers à s’en aller
et leur départ survient toujours quand ils sont levés.

***

THE EYES

The eyes are last to go out.
They remain long after the face has disappeared regretfully
into the tissue that it is made of
The tongue says good by when the eyes have a lingering silence,
for they are the searchers last to abandon the search,
the ones that remain where the drowned have been washed ashore,
after the lanterns staying not saying good-by…

The eyes have no faith in that too accessible language,
For them no occasion is simple enough for a word to justify it.
Existence in time, not only their own but ancestral,
encloses all moments in four walls of mirrors.

Closed, they are waiting. Open, they’re also waiting.
They are acquainted,
but they have forgotten the name of their acquaintance.

Youth is their uneasy bird, and shadows clearer
than light
pass through them at times,
for waters are not more changeable under skies
nor stones under rapids.

The eyes may be steady with that Athenian look
that answers terror with stillness, or they may be quick
with a purely infatuate being. Almost always
the eyes hold onto an image
of someone recently departed or gone a long time ago
or only expected…

The eyes are not lucky.
They seem to be hopelessly inclined to linger.

They make additions that come to no final sum.
It is really hard to say if their dark is worse than their light,
their discoveries better or worse than not knowing,

but they are last to go out,
and their going out is always when they are lifted.

(Tennessee Williams)

 

Recueil: Dans l’hiver des villes
Traduction: Jacques Demarcq
Editions: Seghers

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Dans les livres, il y a quelque chose de divin (Henri Michaux)

Posted by arbrealettres sur 18 décembre 2016



 

Les choses sont une façade,une croûte.Dieu seul est.
Mais dans les livres, il y a quelque chose de divin.

Le monde est mystère,les choses évidentes sont mystère,
les pierres et les végétaux.

Mais dans les livres peut-être y a-t-il une explication, une clef.
Les choses sont dures, la matière,les gens,les gens sont durs,et inamovibles.

Le livre est souple, il est dégagé. Il n’est pas une croûte.Il émane.
Le plus sale, le plus épais émane. Il est pur. Il est d’âme. Il est divin.

De plus il s’abandonne.

… Dans les livres, il cherche la révélation.
Il les parcourt en flèche.
Tout à coup, grand bonheur, une phrase … un incident… un je ne sais quoi,
il y a là quelque chose…

Alors il se met à léviter vers ce quelque chose avec le plus qu’il peut de lui-même,
parfois s’y accole d’un coup comme le fer à l’aimant.
Il y appelle ses autres notions « venez, venez ».

Il est là quelque temps dans les tourbillons et les serpentins et dans une clarté, qui dit
« c’est là ».

Après quelque intervalle, toutefois, par morceaux, petit à petit,
le voilà qui se détache, retombe un peu, beaucoup, mais jamais si bas que là où il était précédemment.
Il a gagné quelque chose. Il s’est fait un peu supérieur à lui-même.

Il a toujours pensé qu’une idée de plus n’est pas une addition.
Non, un désordre ivre, une perte de sang-froid, une fusée, ensuite une ascension générale.
Les livres lui ont donné quelques révélations.

En voici une :
Les atomes. Les atomes, petits dieux.
Le monde n’est pas une façade, une apparence.
II est : Ils sont, Ils sont, les innombrables petits dieux, ils rayonnent.
Mouvement infini, infiniment prolongé.

(Henri Michaux)

 

 

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Le résultat (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2016



Un clocher qui traverse
Une épaisseur de siècles

Et qui regarde

Le résultat
Des additions.

(Guillevic)

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