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Posts Tagged ‘cadenas’

SOIF (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    

SOIF

I
Le jour où un semeur invisible arracha
les racines des fourmilières
avec tout le blé caché dedans
et les jeta dans le ciel,
le disque du soleil ternit
et je compris soudain
que je n’étais plus la fille de personne.

L’absence a la capacité
de dilater les espaces orphelins,
de soulever les plafonds,
d’élargir les escaliers.
La maison où je suis née grandit,
et je ne sais que faire
avec ce vide.

Et pendant que je reste sur le seuil
un cadenas dans la main
pareille à une étrangère
qui ne se souvient pas
des mots d’adieu,
un rayon de soleil se faufile tel un voleur
parmi les orties au fond du jardin
et dépose une clé brûlante
sur la carcasse de la tortue :
la nouvelle hôtesse de la maison.

II
Une autre saison est venue,
le disque du soleil a émergé
vert par les blés drus.
Il a mûri longtemps
et quand il est devenu pain rituel
au-dessus de la colline
les invités se sont assis
autour de la table sous la treille.

Soudain un tourbillon est descendu,
a soulevé la nappe
et renversé les verres
jusqu’à la dernière goutte.
La fiancée de Dieu est revenue,
a dit quelqu’un tout bas,
et elle a très soif.
Ou bien elle cherche son trousseau,
a ajouté un autre
qui fait vite le signe de la croix
en montrant la table nue.

Et puis le calme.

Seule la poule, ayant pondu un œuf d’or,
a caqueté longtemps dans l’après-midi figé.
Un souffle chaud a remué
les fleurs du fenouil,
une charrette vide
a résonné dans la rue.
Et tout était comme jadis,
avant que maman soit devenue
une hirondelle.

Si ce n’était les fourmilières
dans mes yeux
qui continuent à prendre racine
dans une direction inverse
de celle des larmes.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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ENFIN SORTIE DU COUVENT GRÂCE À SON AMANT (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023



    

ENFIN SORTIE DU COUVENT GRÂCE À SON AMANT

1

Par le laurier de l’amour
On triomphe des belles (bis).
Par le laurier de l’amour
Les cœurs les plus rebelles
On les soumet un jour.
Par lui je te prie
Par le laurier de l’amour.

2

Rassure mon triste cœur
De la mélancolie (bis)
Rassure mon triste cœur.
Je suis jeune et jolie,
Je ne vis qu’en langueur.
Rassurez, rassurez
Rassurez mon triste cœur.

3

Brisez-moi mon cadenas
Serrurier de Cythère (bis).
Brisez-moi mon cadenas.
Ne crains point d’autres affaires.
Otez-moi d’embarras.
Brisez-moi, brisez-moi
Brisez-moi mon cadenas.

4

Par un compliment joli
Obtiens ma jouissance (bis)
Par un compliment joli
Mens pas en ma présence.
Puis donne moi ta vie.
Par lui je te prie,
Par un compliment joli.

5

Sous le nom de l’amitié
Console toi ma chère (bis).
Sous le nom de l’amitié
Ne crains point d’en trop faire.
Je puis te sauver la vie,
Sous le nom, sous le nom, sous le nom
Sous le nom de l’amitié.

6

Sous le nom de l’amitié
Console toi ma chère (bis).
Sous le nom de l’amitié
Ta mère téméraire
Aura de toi pitié,
Sous le nom, sous le nom,
Sous le nom de l’amitié.

7

Tu vas sortir du couvent,
Mon cœur l’affaire est faite (bis).
Tu vas sortir du couvent.
Mon âme est satisfaite,
Rends mon esprit content.
Iris, ton cher amant
Te fait sortir du couvent.

8

Puisque j’ai ma liberté
Pensons au mariage (bis).
Puisque j’ai ma liberté
C’est le seul avantage
De deux infortunés.
Puisque j’ai, puisque j’ai,
Puisque j’ai ma liberté.

(Chansons du XVIIIè)

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Au fond de la nuit (Luc Bérimont)

Posted by arbrealettres sur 24 décembre 2022



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Au fond de la nuit, les fermes sommeillent,
Cadenas tirés sur la fleur du vin,
Mais la fleur du feu y fermente et veille
Comme le soleil au creux des moulins.

Aux ruisseaux gelés la pierre est à fendre
Par temps de froidure, il n’est plus de fous,
L’heure de minuit, cette heure où l’on chante
Piquera mon cœur bien mieux que le houx.

J’avais des amours, des amis sans nombre
Des rires tressés au ciel de l’été,
Lors, me voici seul, tisonnant des ombres
Le charroi d’hiver a tout emporté.

Pourquoi ce Noël, pourquoi ces lumières,
Il n’est rien venu d’autre que les pleurs,
Je ne mordrai plus dans l’orange amère
Et ton souvenir m’arrache le cœur.

(Luc Bérimont)

 

 

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Office (Régine Limaverde)

Posted by arbrealettres sur 15 juillet 2022




    
Office

Un mot — entrave ou désentrave,
ce couteau — ce médicament,
cette mort — cette naissance.

Un mot — celui qui blesse,
celui qui guérit
celui qui parle,
celui qui ne dit rien.

Un mot : clef,
fermeture, cadenas,
liberté, censure
prison.

Un mot — entrave ou désentrave.

***

Officio

A palavra — essa trave e desentrave,
essa faca — esse remédio, essa
morte — esse nascer,

A palavra — aquela que fere,
aquela que cura
aquela que fala,
aquela que cala.

A palavra: chave,
fechadura, cadeado,
liberdade, censura
prisão.

A palavra — trave e desentrave.

(Régine Limaverde)

Recueil: Poésie et chanson brésiliennes
Traduction: Claire Chevalier-Leibovitz
Editions: Mango

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LA BONNE FILLE (Norge)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2018



LA BONNE FILLE

Et chaque nuit, la merveilleuse enfant du geôlier
se promenait toute nue dans les cellules
et donnait du plaisir à tous les prisonniers.
Quel pain d’amour avec le cruchon, la gamelle.
Ineffable chaleur, on t’a bien reconnue, va !
O poésie, ô fleur de cadenas.

(Norge)

 

 

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Chanson pour toi (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2018



Chanson pour toi

Je ne cesserai pas
de chanter les cloches des rencontres muettes,
les bras des divans parfumés,
les grandes chutes d’oiseaux ressemblants,
les éternels miroirs vibrants.

Je ne cesserai pas
de chanter la morsure rouge des lèvres,
l’épaule insoumise, les aisselles surprises,
les seins toujours à l’heure aux rendez-vous nocturnes.

Je ne cesserai pas
de chanter ton visage poudré de cendre,
le dernier naufrage à l’aube soufflée des lampes,
ta nuque échappée à l’étreinte,
tes pas que rien ne trahit.
Je ne cesserai pas
de chanter tes hanches profondes,
tes chevilles noyées dans les nuages,
tant de pensées vagabondes,
tant de fumée divine.

Je ne cesserai pas
de chanter ta chevelure courante
aux pieds des arbres solitaires
blessés de feuilles et d’œillères.

Je ne cesserai pas
de chanter la rue, le parc, la mer,
car je te connais
car je t’aime et te connais.

Je ne cesserai pas
d’apprendre à rire,
à peindre et rire
dans le fond des palais;
car je te crains,
car je t’aime et te crains.

Je ne cesserai pas
de forger des serrures,
des cadenas et des ceintures
tout le long du ciel,
car je te garde,
car je t’aime et te garde.

Je ne cesserai pas
de couper tes mains,
tes bras et tes poings
pour que jamais l’adieu
ne remonte sur l’eau.

(Edmond Jabès)

Découvert ici: http://revuedepoesie.blog.lemonde.fr/

 

 

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Les portes du garage (Jack Kerouac)

Posted by arbrealettres sur 13 avril 2018



Poussant sur le cadenas,
les portes du garage
A midi

***

Straining at the padlock,
the garage doors
At noon

(Jack Kerouac)

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Chanson pour toi (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2017



Je ne cesserai pas
De chanter les cloches des rencontres muettes,
Les bras des divans parfumés,
les grandes chutes d’oiseaux ressemblants,
les éternels miroirs vibrants.

Je ne cesserai pas
de chanter la morsure rouge des lèvres,
l’épaule insoumise, les aisselles surprises,
les seins toujours à l’heure aux rendez-vous nocturnes.

Je ne cesserai pas
de chanter ton visage poudré de cendre,
le dernier naufrage à l’aube soufflée des lampes,
ta nuque échappée à l’étreinte,
tes pas que rien ne trahit

Je ne cesserai pas
de chanter tes hanches profondes,
tes chevilles noyées dans les nuages,
tant de pensées vagabondes,
tant de fumée divine.

Je ne cesserai pas
de chanter ta chevelure courante
aux pieds des arbres solitaires
blessés de feuilles et d’œillères.

Je ne cesserai pas
de chanter la rue, le parc, la mer
car je te connais
car je t’aime et te connais.

Je ne cesserai pas
d’apprendre à rire,
à peindre et rire
dans le fond des palais;
car je te crains,
car je t’aime et te crains.

Je ne cesserai pas
de forger des serrures,
des cadenas et des ceintures
tout le long du ciel,
car je te garde,
car je t’aime et te garde.

Je ne cesserai pas
de couper tes mains,
tes bras et tes poings
pour que jamais l’adieu
ne remonte sur l’eau.

(Edmond Jabès)

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EXORCISME (Tudor Arghezi)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2016



 

EXORCISME

Cadenas, qui t’a fermé
sur la porte de mon rêve ?
Où est la clé, où est notre gardien
pour qu’ils défassent le verrou,
et que nous puissions voir, au fond de notre nuit,
remuer lentement les trésors de l’azur ?
De temps à autre un pas lourdaud
s’approche… et puis il nous dépasse…
Tous les pas s’éloignent et meurent
pour ton oreille en fer, ô cadenas!
A quelque veine recourbée par-dessus toi
je crois qu’en l’air scintillent des glycines
et des volubilis aux voûtes,
des bourgeons, des raisins d’étoiles.
Qui dans notre porte mettra la clé
d’une seule étincelle ?
La lumière y pose son oeil
et dans la pièce obscure elle tente de voir.
Le cadenas la sent et il tressaille,
comme sous un baiser, avec la ténèbre.
Étoile, ne peux-tu, entrant dans son anneau,
déverrouiller le cadenas de ce silence ?

(Tudor Arghezi)

 

 

 

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BOUCHE COUSUE (Elvio Romero)

Posted by arbrealettres sur 25 juillet 2016



BOUCHE COUSUE

On t’a dit que tu dois te taire.
Et aujourd’hui tes lèvres, après tant de silence
sont sèches.
Souviens-toi que « Si tu fermes la bouche,
n’y entrent pas les mouches ».
Et on t’a dit d’apprendre
ta leçon de repliement et de servitude.
Rouge de cauchemar
cette couleur. Malheur et mascarade.
La délation au jour le jour.
Et la corde gavée
et qui ne se relâche.
Longtemps, longtemps que nous
portons
cette croix sur le dos.

Quel horrible silence !
Les cadenas grincent, rouillés.
Le Paraguay repose sous le soleil et sous la lune
comme un couteau d’homicide ; comme un oeillet
coupé, tombé et piétiné.
Quel horrible
silence… !

Mais ici on t’a dit que tu dois te taire.

(Elvio Romero)

Illustration

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