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LES CHANSONS QUE JE FAIS… (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2024




    
LES CHANSONS QUE JE FAIS…

Les chansons que je fais, qu’est-ce qui les a faites ?…

Souvent il m’en arrive une au plus noir de moi…
Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi
C’est cette folle au lieu de cent que je souhaite.

Dites-moi… Mes chansons de toutes les couleurs,
Où mon esprit qui muse au vent les a-t-il prises ?
Le chant leur vient — d’où donc ? — comme le rose aux fleurs,
Comme le vert à l’herbe et le rouge aux cerises.

Je ne sais pas de quels oiseaux, en quel pays
De buissons creux et pleins de songe elles sont nées…
Elles m’ont rencontrée et moi je m’ébahis
D’entendre battre en moi leurs ailes étonnées.

Mais comment, à la file, en est-il tant et tant
Et tant encor, chacune à la beauté nouvelle,
Comme une abeille après une abeille sortant
Du petit coin de miel que j’ai dans la cervelle ?

Ah ! Je veux de ma main pour les garder longtemps,
Je veux, pour retrouver sans cesse ma trouvaille,
Toutes les attraper avant que le printemps
Les emporte de moi qui me fane et s’en aille.

Toutes, oui ! L’une est gaie et mon coeur joue avec ;
L’autre, jeune, mutine et qui fait sa jolie,
Malicieuse un peu, le taquine du bec…
Mais l’autre me l’a pris dans sa mélancolie ;

L’autre frémit autour de moi comme un baiser
Si doux que j’en mourrai si ce chant continue
Et qu’au bord de mon coeur où son coeur s’est posé,
Une faiblesse après demeure et m’exténue.

Et toutes je les veux, et toutes à la fois
— La dernière surtout dont j’ai le plus envie —
Je vais les mettre en cage et leur lier la voix
Ou je ne dormirai plus jamais de ma vie.

Viens, poète, oiseleur, tends-moi comme un filet
Ta mémoire et prends-moi ces belles que j’écoute.
Retiens dedans surtout ce brin de mot follet
Qui danse au bord mouvant de ma pensée en route.

Moi j’écoute… Je ris quand l’une rit au jour ;
J’ai les larmes aux yeux quand l’autre est bien touchante
Quand elle est tendre, ô Dieu, j’ai le frisson d’amour…
J’écoute et ce qui chante en moi je le rechante.

Mais comme un écolier qui prend trop bas, trop haut,
La note qu’on lui donne et suit mal la mesure,
J’hésite, à plusieurs fois tâtant le son qu’il faut,
Accrochant çà et là ma voix gauche et peu sûre.

Ah ! chanson vive !… Hélas ! pour recueillir sa voix,
C’est au lieu de l’air juste un faux air que je trouve,
Et je cherche, et l’accent que je risque parfois,
Celui qui vibre en moi toujours le désapprouve.

Elle chante… et je laisse échapper de ma main
Les mots flottants qu’elle me jette à la volée,
Si j’en ramasse un ample, il m’en fallait un fin…
Elle chante et sera tout à l’heure en allée.

Elle chante, elle fuit et je m’efforce en vain
De la suivre en courant derrière, je m’essouffle,
Je la saisis au vol, je la perds en chemin
Et quand je ne sais plus j’attends que Dieu me souffle.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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ENFANT MEXICAIN (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marianne Clouzot
    
ENFANT MEXICAIN

Me voici où je ne suis pas,
sur l’Anahuac argenté,
à sa lumière sans pareille
peignant un enfant de mes mains.

On le dirait, sur mes genoux,
une flèche de l’arc tombée
et que j’aiguise et que j’effile
en le berçant et chantonnant.

Dans un air si vieux et si jeune,
toujours il me semble trouvaille
et je le tourne et le retourne
avec le refrain que je chante.

Ses yeux d’un noir-bleu me regardent
d’un regard de vie éternelle
et comme d’un geste éternel,
moi, je le peigne de mes mains.

Sa nuque et ses bras sont coulée
de résines de pin ocote;
il est lourd et il est léger
d’être la flèche sans son arc…

Moi, je le nourris de mon rythme,
lui me nourrit de quelque baume,
qui est le baume des mayas
dont mes yeux n’ont pas eu la joie.

Je joue avec sa chevelure
que je sépare et que je lisse
et, dans ses cheveux, je retiens
les mayas en dispersion.

Voilà douze ans que j’ai quitté
mon petit enfant mexicain;
mais, dans la veille ou le sommeil,
je le peigne encor de mes mains…

C’est là une maternité
qui ne lasse pas mes genoux,
c’est une extase libérée
à jamais par moi de la mort.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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Même pur le désert s’adoucit (Ernest Delève)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2022



 

Goyo Dominguez _500

Même pur le désert s’adoucit tu te mires
Dans l’eau qui lui sourit à la bouche désir
De t’offrir le secret de sa meilleure source
C’est ton heure et pour toi les mirages se couchent

Je te vois et le beau temps de la journée
Où j’ai vécu sans y voir clair
Enfin prend corps pour m’éclairer
Sur les baumes qui ont fleuri
En ton absence à notre insu
Tu en es toute imprégnée

Toi la trouvaille tu viens parée
D’un fin collier d’instants perdus
Qui ont perlé de mes pensées
D’où mon amour était exclu

Ton art parfait entre les lignes
Chasse le blanc confus de n’être
Que la fumée autour des signes
Où les flammes n’ont pas pu naître

Quand la mémoire en secret rêve
Profond contre l’oubli forcé
Tu sors réelle de l’absence
Naturelle de ta légende
Suggérée insinuante
Innocente de tes tours

Tu vis heureuse entre les ombres
Ouvrant mon livre à deux battants
Et consacrant cette fenêtre
A la lumière du satin
Au filigrane de tes veines
Au grain le plus fin du destin
A la nacre ayant la peau chaude
Au miroir que tu mets que tu ôtes

Mon livre comme un lit ouvert
Où je te trouve et je te perds

(Ernest Delève)

Illustration: Goyo Dominguez

 

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Une essence chasse une autre essence (Lyonel Trouillot)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2022




    
Une essence chasse une autre essence.
Quelle essence vaincra la haine ?

Je te laisse ce coffret vide
où tu rangeras tes trésors.
Et lorsque tu auras trouvé
le doux parfum des temps à venir
tu le cacheras dans le coffret.
Tu iras au sommet
de la plus haute montagne
et tu ouvriras le coffret.

Le paradoxe du parfum,
c’est qu’il libère ce qu’il capture.
Tu ouvriras le coffret
et déverseras sur le monde
cette odeur de fruit pur, de rosée franche,
cette odeur de route à prendre dans le matin clair
avec laquelle tu es née
à laquelle tu ajouteras
toutes les trouvailles de ton fait,
une odeur de bonne semence
pour le triomphe de la récolte,
quand le pain amènera le rire,
quand, de jour comme de nuit,
la rivière arrosera les plantes
qui pousseront partout avec des coquetteries
de jolies filles habillées pour leur première sortie,
dans les cheveux des hommes et des femmes d’État,
dans les mains des nouveau-nés
comme un pari gagné sur leurs lignes de chance,
dans les armoires, entre deux vieilleries
pour appeler les vieux linges à leur vitalité.

(Lyonel Trouillot)

 

Recueil: Le doux parfum des temps à venir
Traduction:
Editions: Actes Sud

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La campagne est mouillée de sevrage (Béatrice Douvre)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2018




Illustration: ArbreaPhotos
    

La campagne est mouillée de sevrage
La voix nuptiale empruntée aux pierres

Heure boisée qu’excède l’amour
Tu innocentes ta trouvaille d’enfant

Tu gis sur le chemin trempé
Et de pluie tu défailles

Maintenant brillent d’obscures larmes
Tu acceptes la peur immaculée de vivre

(Béatrice Douvre)

 

Recueil: Oeuvre poétique
Traduction:
Editions: Voix d’Encre

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Jongler avec les mots (Pierre Thiry)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2017



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Jongler avec les mots

Jongler avec les mots, les aligner
Laisser danser le stylo sur la feuille
Laisser courir pour le plaisir de l’oeil
Quelque trouvaille aimable, maligne et

L’inattendu finit par survenir
Savourer le temps petit à petit
Dévorer la vie à plein appétit
Sans s’inquiéter des drames à venir.

Machiner la grammaire à l’infini
Tant pis si ce sonnet est mal fini
Et si l’on ne peut gloser tout autour

Sans ce soucier de la fin qui finit
Concocter des sonnets à l’infini
Ainsi que le faisaient les troubadours…

(Pierre Thiry)

Découvert ici: http://www.bulledemanou.com/

Illustration

Recueil: Sansonnets un cygne à l’envers
Traduction:
Editions:Books on Demand

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T’aimer (Ernest Delève)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2015



 

Liz McKay  -ImpressioniArtistiche-1 [1280x768]

T’aimer c’est creuser son trésor
te voir le découvrir à deux

C’est même trouvaille réelle c’est même désir lumineux
qui s’embue et s’achève en perle
quand on se cherche au fond des yeux

(Ernest Delève)

Illustration: Liz McKay

 

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