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Poésie

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Oh ! Qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 3 Mai 2024



Illustration: Edvard Munch
    
Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage
Quien no ama, no vive.

Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage,
Si jamais vous n’avez épié le passage,
Le soir, d’un pas léger, d’un pas mélodieux,
D’un voile blanc qui glisse et fuit dans les ténèbres,
Et, comme un météore au sein des nuits funèbres,
Vous laisse dans le coeur un sillon radieux ;

Si vous ne connaissez que pour l’entendre dire
Au poète amoureux qui chante et qui soupire,
Ce suprême bonheur qui fait nos jours dorés,
De posséder un coeur sans réserve et sans voiles,
De n’avoir pour flambeaux, de n’avoir pour étoiles,
De n’avoir pour soleils que deux yeux adorés ;

Si vous n’avez jamais attendu, morne et sombre,
Sous les vitres d’un bal qui rayonne dans l’ombre,
L’heure où pour le départ les portes s’ouvriront,
Pour voir votre beauté, comme un éclair qui brille,
Rose avec des yeux bleus et toute jeune fille,
Passer dans la lumière avec des fleurs au front ;

Si vous n’avez jamais senti la frénésie
De voir la main qu’on veut par d’autres mains choisie,
De voir le coeur aimé battre sur d’autres coeurs ;
Si vous n’avez jamais vu d’un oeil de colère
La valse impure, au vol lascif et circulaire,
Effeuiller en courant les femmes et les fleurs ;

Si jamais vous n’avez descendu les collines,
Le coeur tout débordant d’émotions divines ;
Si jamais vous n’avez le soir, sous les tilleuls,
Tandis qu’au ciel luisaient des étoiles sans nombre,
Aspiré, couple heureux, la volupté de l’ombre,
Cachés, et vous parlant tout bas, quoique tout seuls ;

Si jamais une main n’a fait trembler la vôtre ;
Si jamais ce seul mot qu’on dit l’un après l’autre,
JE T’AIME ! n’a rempli votre âme tout un jour ;
Si jamais vous n’avez pris en pitié les trônes
En songeant qu’on cherchait les sceptres, les couronnes,
Et la gloire, et l’empire, et qu’on avait l’amour !

La nuit, quand la veilleuse agonise dans l’urne,
Quand Paris, enfoui sous la brume nocturne
Avec la tour saxonne et l’église des Goths,
Laisse sans les compter passer les heures noires
Qui, douze fois, semant les rêves illusoires,
S’envolent des clochers par groupes inégaux ;

Si jamais vous n’avez, à l’heure où tout sommeille,
Tandis qu’elle dormait, oublieuse et vermeille,
Pleuré comme un enfant à force de souffrir,
Crié cent fois son nom du soir jusqu’à l’aurore,
Et cru qu’elle viendrait en l’appelant encore,
Et maudit votre mère, et désiré mourir ;

Si jamais vous n’avez senti que d’une femme
Le regard dans votre âme allumait une autre âme,
Que vous étiez charmé, qu’un ciel s’était ouvert,
Et que pour cette enfant, qui de vos pleurs se joue,
Il vous serait bien doux d’expirer sur la roue ; …
Vous n’avez point aimé, vous n’avez point souffert !

(Victor Hugo)

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S’allument soudain toutes les lampes (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024




    
S’allument soudain toutes les lampes
et la lumière nous exténue
comme un drap trop blanc
pour qu’on puisse s’en couvrir.

L’écheveau intérieur
lui prête alors un peu de son fil,
un peu de sa réserve d’ombre,
pour modérer le tissu éclatant
et que l’homme puisse se couvrir.

Le tout de la lumière
est plus insupportable que le néant.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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ART POÉTIQUE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024




    
ART POÉTIQUE

Le premier vers nous coûte alors qu’il est fortuit.
Il vient quand ça lui chante après qu’on l’a cherché,
Jamais à bout d’effort: toujours on l’a mâché
Sans le savoir et c’est pourquoi il est gratuit.

On croyait l’arracher, c’est lui qui nous retrouve.
Ce qui vient par surprise est chargé de son sens.
Pour la bonne fortune il faut avoir confiance.
Ce qui nous est donné sans réserve se prouve.

Le reste se poursuit sans obstacle majeur,
Il suffit de se faire un tantinet songeur.
L’eau s’enchaîne en versant de l’eau à ses maillons.

Ainsi coule le fleuve en liquidant sa pâte
Dans le gaufreur de l’eau où se forge sans hâte
Le doux miel du soleil dans chacun des rayons.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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LE OU EXCLUSIF (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 21 février 2024




    
LE OU EXCLUSIF

La pluie m’a enfermée
je me retrouve dépendante des gouttes.

Mais comment savoir si c’est de la pluie
ou des larmes du ciel intérieur d’un souvenir?
On ne peut plus nommer à mon âge
les phénomènes sans réserves,
ici la pluie, ici les larmes.

Je reste sèche entre
deux éventualités : pluie ou larmes,
et deux ambiguïtés :
pluie ou larmes,
amour ou effet de l’âge,
toi-même ou petit balancement d’adieu de l’ombre
de la dernière feuille.
Chaque dernier,
je le nomme dernier sans réserves.

Et puis j’ai trop avancé en âge
pour que cela mène aux larmes.
Larmes ou pluie, comment savoir?
Et je reste dépendante des gouttes.
À mon âge

on ne s’attend plus à deux poids deux mesures
selon qu’il pleut ou non.
Des gouttes pour tout.
Gouttes de pluie ou larmes.
Tombées des yeux d’un souvenir, ou des miens.
Moi ou le souvenir, comment savoir?
À mon âge on ne sépare plus les temps.
Pluie ou larmes.
Toi-même ou petit balancement d’adieu de l’ombre
de la dernière feuille.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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LE ROYAUME (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 28 octobre 2023




Illustration: Alexandra Cecconi
    
LE ROYAUME

De l’enfance à cet âge-là
Qui parfois m’importune
Un lieu d’herbes et de forêts perdure

La chance le tient en réserve
Au secret
Dans une mélodie de plein vent

C’est une clairière
Où ensevelir sa peau de chagrin
Jusqu’à reprendre pied

Et rallier le royaume

(André Velter)

Recueil: La vie en dansant suivi de Au cabaret de l’éphémère et de Avec un peu plus de ciel
Editions: Gallimard

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Le fond de l’air est brun (Jean-Luc Despax)

Posted by arbrealettres sur 31 octobre 2022




    
Le fond de l’air est brun

«Nous rappelons à notre aimable clientèle
qu’il est interdit de penser dans le métro.»

Le devoir de réserve
Et le droit de se taire
Essuyer les quolibets
Essuyer les collabos
Suivre les consignes
Prendre de la bouteille
On finit toujours par entendre
Le bruit des bottes qu’on a léchées

Pasteur en eût inventé la rage.
Nous mettons le feu aux mèches.
Tintin reste introuvable.

(Jean-Luc Despax)

Recueil: La révolte des poètes
Traduction:
Editions: Livre de poche Jeunesse

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RESERVE (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022




RESERVE

Que peut-on y faire
Quand tout va se taire
Quand s’endort la terre
Dans un vrai mystère ?
Il faut qu’on se souvienne
D’une main dans la sienne
Derrière les persiennes
Et que l’amour revienne.

(Jean-Baptiste Besnard)

Découvert chez Jean-Baptiste ici

Illustration

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Si souvent (Jacques Biolley)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2021




Si souvent tu as dit non,
que j’ai cru à des réserves de ouis.

(Jacques Biolley)

 

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Accouplement (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2021



Accouplement

Dans un spasme d’herbe et de pierre
La terre et le soleil s’accouplent
Sur le lit de l’horizon
Au rythme infini des saisons
Et le blé encore vert garde en réserve
Une semence de rêves clairs.

(Jean-Baptiste Besnard)


Illustration: Vincent Van Gogh

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EN VIE PROFONDE (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2020



 

Nicolas Rozier N41

EN VIE PROFONDE

(sur des portraits de Nicolas Rozier)

Tout parle tout s’anime
Mille souffles bruissent
C’est l’âme des énergies
Je la reconnais bien
Elle n’avance pas du bout des lèvres
Je la reconnais
Avec toutes ces lames bourdonnantes
Et ces pitiés confuses
Deuils du coeur
Grandes gifles du doute
Rosées inapaisables
Et cette perpétuelle mise au tombeau
Pour écouter au plus juste
Le coeur du monde
Tout ce qui cisèle la passion d’être

Et tout à coup le visage apparaît
Il apparaît vif et vivace
A la fois lustral et brouillé de nuit
Dans une volupté désolée

Il dit
Une façon de se donner sans réserve
Une manière de rompre les digues
De reprendre haleine
Au milieu des battues d’éclairs
Il dit
Une exigence hantée de corbeaux
Il dit
Descendre encore et toujours
Vers où ça vit encore plus
Descendre vers des hauteurs insoupçonnées

Lever sans fin le camp
Enfiévrer davantage

Alors l’air ondule
Il ondule en vie profonde
Et l’on mesure tout à coup
Son coeur somnambule au soleil

(Zéno Bianu)

Illustration: Nicolas Rozier

 

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