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Non, l’amour n’est pas mort en ce cœur (Robert Desnos)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023



    

Non, l’amour n’est pas mort en ce cœur et ces yeux et cette bouche
qui proclamait ses funérailles commencées.
Écoutez, j’en ai assez du pittoresque et des couleurs et du charme.
J’aime l’amour, sa tendresse et sa cruauté.
Mon amour n’a qu’un seul nom, qu’une seule forme.
Tout passe. Des bouches se collent à cette bouche.
Mon amour n’a qu’un nom, qu’une seule forme.

Et si quelque jour tu t’en souviens
Ô toi, forme et nom de mon amour,
Un jour sur la mer entre l’Amérique et l’Europe,
À l’heure où le rayon final du soleil se réverbère sur la surface ondulée des vagues,
ou bien une nuit d’orage sous un arbre dans la campagne,
ou dans une rapide automobile,
Un matin de printemps boulevard Malesherbes,
Un jour de pluie,
À l’aube avant de te coucher,
Dis-toi, je l’ordonne à ton fantôme familier, que je fus seul à t’aimer davantage
et qu’il est dommage que tu ne l’aies pas connu.
Dis-toi qu’il ne faut pas regretter les choses : Ronsard avant moi
et Baudelaire ont chanté le regret des vieilles et des mortes
qui méprisèrent le plus pur amour.

Toi quand tu seras morte
Tu seras belle et toujours désirable.
Je serai mort déjà, enclos tout entier en ton corps immortel, en ton image étonnante
présente à jamais parmi les merveilles perpétuelles de la vie et de l’éternité,
mais si je vis
Ta voix et son accent, ton regard et ses rayons,
L’odeur de toi et celle de tes cheveux et beaucoup d’autres choses encore vivront en moi,
Et moi qui ne suis ni Ronsard ni Baudelaire,

Moi qui suis Robert Desnos et qui pour t’avoir connue et aimée,
Les vaux bien ;
Moi qui suis Robert Desnos, pour t’aimer
Et qui ne veux pas attacher d’autre réputation à ma mémoire sur la terre méprisable.

(Robert Desnos)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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Cerné d’hivers (Lionel Ray)

Posted by arbrealettres sur 18 août 2023




    
Cerné d’hivers
le monde penche
le monde faible
avec ses automobiles merveilleuses
les crimes les gloires les écorchements
la poudre de tant de vagues sur les pages des livres
et nos étroits labours
et nos soleils secrets.

je suis comme un insecte tâtonnant et
qui cherche le jour.

les couleurs et leurs maisons
les fées réelles.

venue de quel recoin obscur la
beauté qui ne souhaite rien
comme une veuve.

(Lionel Ray)

Recueil: Le nom perdu
Editions: Gallimard

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Cent fois que je vais à la poste (Varlam Chalamov)

Posted by arbrealettres sur 21 décembre 2022




    
Cent fois que je vais à la poste
Pour aller chercher ta lettre.
À présent la nuit je ne dors plus,
je ne vis plus le jour.

Je crois, je crois à tous les signes,
Aux songes comme aux araignées,
Je crois aux skis, je crois en été
Aux barques étroites qui filent.

Je crois au vrombissement des automobiles,
À leurs orageux diesels,
Aux colombes messagères,
Aux mâts des navires.

Je crois aux sifflets des vapeurs,
Je crois aux trains,
Même à l’été
Je crois parfois.

Je crois dans les traîneaux à rennes,
Dans la boussole du voyageur
Près de ses cartes engivrées
Et dans la désolation de l’heure.

Dans les vaillantes kibitkas
Et dans les chiens d’attelage,
Aux escargots et leur sang-froid,
À l’indolence des tortues.

Je crois comme par enchantement,
Au sang qui se glace,
Je crois aussi à la patience
Et à ton amour.

(Kibitka : traîneau couvert)

(Varlam Chalamov)

 

Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau

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LUXE URBAIN (Denis Grozdanovitch)

Posted by arbrealettres sur 20 juillet 2022



pluie voiture

LUXE URBAIN

Lorsque je suis seul devant la fenêtre
à remplir consciencieusement mes pages de carnet
mon écriture minutieuse progressant
à la vitesse d’une fourmi opiniâtre le long d’un grand mur
je ne m’aperçois qu’il crachine dehors
qu’à un seul indice : le beau brillant qui vernisse
les toits de zinc des immeubles
les carrosseries des automobiles.

C’est alors que dans la demi-pénombre des jours pluvieux
les surfaces métalliques si nombreuses dans nos villes
commencent de luire doucement
avec la même perfection le même luxe discret
qu’une très ancienne laque de Chine.

(Denis Grozdanovitch)

Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/

Illustration

 

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AMERICA (WEST SIDE STORY)

Posted by arbrealettres sur 15 décembre 2021




    
AMERICA – WEST SIDE STORY

[Rosalia]
Porto Rico,
Magnifique archipel…
Île aux embruns tropicaux.
Éternelle culture de l’ananas,

Éternelles cerises de café…

[Anita]
Porto Rico…
Dégoûtant archipel…
Île des maladies tropicales.
Toujours y soufflent les ouragans,
Toujours y augmentent la population…
Et les dettes,
Et les cris des bébés,
Et les balles qui sifflent.
J’aime l’île de Manhattan.
Fumer la pipe, c’est le paradis !

[Les Autres]
J’aime vivre en Amérique !
Pour moi tout va bien en Amérique !
Tout est gratuit en Amérique !

À bas prix en Amérique !

[Rosalia]
J’aime la ville de San Juan.

[Anita]
Je connais un bateau qui t’y emmènera.

[Rosalia]
Des milliers d’arbres en fleurs.

[Anita]
Des milliers de personnes qui grouillent !

[Toutes]
Il y a des automobiles en Amérique,
Il y a de l’acier chromé en Amérique,
Il y a des roues à rayon en Amérique,

C’est du lourd, en Amérique !

[Rosalia]
Je roulerai en Buick dans les rues de San Juan.

[Anita]
S’il y a une route à emprunter.

[Rosalia]
J’offrirai une course à mes cousins.

[Anita]
Comment tu vas t’y prendre pour les faire rentrer ?

[Toutes]
L’immigrant choisit l’Amérique,
Tout le monde se dit bonjour en Amérique ;

Personne ne se connaît en Amérique
Porto Rico est en Amérique !

[Rosalia]
J’apporterai une télé à San Juan.

[Anita]
Si il y a du courant !

[Rosalia]
Je leur offrirai une nouvelle machine à laver.

[Anita]
Qu’ont-ils à laver ?

[Toutes]
J’aime les côtes d’Amérique !
Le confort t’attend en Amérique !

Ils ont des poignées à serrure en Amérique,
Ils ont du parquet en Amérique

[Rosalia]
Quand je retournerai à San Juan.

[Anita]
Quand cesseras-tu de bavasser, va-t’en !

[Rosalia]
Tout le monde m’acclamera là-bas !

[Anita]
Là-bas, tout le monde sera parti ici !

(WEST SIDE STORY)

***

America

[Rosalia]
Puerto Rico,
You lovely island . . .
Island of tropical breezes.
Always the pineapples growing,

Always the coffee blossoms blowing . . .

[Anita]
Puerto Rico . . .
You ugly island . . .
Island of tropic diseases.
Always the hurricanes blowing,
Always the population growing . . .
And the money owing,
And the babies crying,
And the bullets flying.
I like the island Manhattan.
Smoke on your pipe and put that in!

[Les Autres]
I like to be in America!
O.K. by me in America!
Ev’rything free in America

For a small fee in America!

[Rosalia]
I like the city of San Juan.

[Anita]
I know a boat you can get on.

[Rosalia]
Hundreds of flowers in full bloom.

[Anita]
Hundreds of people in each room!

[Toutes]
Automobile in America,
Chromium steel in America,
Wire-spoke wheel in America,

Very big deal in America!

[Rosalia]
I’ll drive a Buick through San Juan.

[Anita]
If there’s a road you can drive on.

[Rosalia]
I’ll give my cousins a free ride.

[Anita]
How you get all of them inside?

[Toutes]
Immigrant goes to America,
Many hellos in America;
Nobody knows in America

Puerto Rico’s in America!

[Rosalia]
I’ll bring a T.V. to San Juan.

[Anita]
If there a current to turn on!

[Rosalia]
I’ll give them new washing machine.

[Anita]
What have they got there to keep clean?

[Toutes]
I like the shores of America!
Comfort is yours in America!
Knobs on the doors in America,

Wall-to-wall floors in America!

[Rosalia]
When I will go back to San Juan.

[Anita]
When you will shut up and get gone?

[Rosalia]
Everyone there will give big cheer!

[Anita]
Everyone there will have moved here!

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J’ai froid (Ossip Mandelstam)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2020



J’ai froid. Le printemps transparent
Habille Pétropol d’un vert duvet.
Pourtant, les flots de la Néva m’inspirent
Comme une méduse un léger dégoût.
Sur les quais du fleuve du nord s’élancent
Les automobiles, ces vers luisants,
Il vole des libellules, des carabes d’acier.
Épingles d’or, les étoiles scintillent.
Aucune étoile pourtant ne tuera
Des flots marins l’émeraude pesante.

(Ossip Mandelstam)


Illustration

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Je viens de la rue (Henri Thomas)

Posted by arbrealettres sur 6 Mai 2019




    
Je viens de la rue aux travaux sans nombre,
j’ai vu l’arroseur matinal changer
le bord du trottoir en azur léger,
sur l’autre trottoir c’est encore l’ombre.

J’ai vu fuir, presque silencieuse,
une automobile merveilleuse,
et les petits bars, très en retard
sur le jour (ils n’ouvrent que le soir).

J’ai vu peu de chose et bien des choses,
la rosée au fond des parcs déserts,
la Seine où mouraient de froides roses,
les chalands de leurs panneaux couverts.

Que m’en restera-t-il dans dix années,
et dans trente, seul, geignant dans un lit?
Rien peut-être, une incertaine pensée,
ou bien tout un monde, épars dans ma nuit?

(Henri Thomas)

 

Recueil: Poésies
Traduction:
Editions: Gallimard

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HIÉROGLYPHES DE LA POESIE (Robert Goffin)

Posted by arbrealettres sur 1 janvier 2019



 

HIÉROGLYPHES DE LA POESIE

Ce qui vient et ce qui part
Pose un étrange problème
Qu’on ne résout nulle part
Par la prose ou le poème

Viens viens l’allure des blés
Hâte sa marche immobile
Ceux qui restent sont troublés
Aux moissons d’automobiles

De la terre à l’océan
Tout revient à la matière
Trouve le goût du néant
Sur ma poitrine de terre

Ah ! Je sais dans cent mille ans
Mes graines les plus secrètes
Chevaucheront le flot lent
Qui reprendra la planète

Et devant l’os d’un clackson
Qui va remonter habile
Au nouvel iguanodon
D’une vieille automobile

Alors qui saura jamais
Que les enfants de Sisyphe
Ont enterré le secret
D’étranges hiéroglyphes

Et les fourmis chercheront
Dans cent mille décennies
La vaine explication
D’une humaine poésie

(Robert Goffin)

Illustration

 

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Mots apportés d’ailleurs (Séverine Daucourt-Fridriksson)

Posted by arbrealettres sur 3 mars 2018




    
mots apportés d’ailleurs par portable. mobiles des gens dans les
automobiles détails muets des conversations entaillées par les
klaxons. conversations souvent sans mobile et bruit insup
portable des mots qu’on entend (pas)

.

(Séverine Daucourt-Fridriksson)

 

Recueil: Salerni
Traduction:
Editions: La lettre volée

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FLORENCE (Alexandre Blok)

Posted by arbrealettres sur 12 décembre 2017



Florence 1

FLORENCE

I
Meurs, Florence, ô Judas,
Disparais dans les ténèbres séculaires !
A l’heure de l’amour, je t’oublierai,
A l’heure de la mort, je ne serai pas avec toi !

O belle, moque-toi de toi-même,
Car tu as perdu ta beauté !
Un rictus putride, un rictus de mort
A défiguré tes traits !

S’égosillent tes automobiles,
Sont hideuses tes maisons,
A la jaune poussière européenne
Pourquoi donc t’es-tu livrée !

Dans la poussière, tintent les vélocipèdes,
Là, où le saint moine fut brûlé,
Là, où Léonard a su percer les ténèbres,
Où Fra Beato un rêve bleu a rêvé !

Tu réveilles les Médicis somptueux,
Tu piétines tes propres lis,
Mais tu ne sais pas te faire renaitre,
De la poussière, de la cohue des boutiques !

Le long gémissement nasillard de la messe
Et l’odeur de cadavre des roses dans tes églises,
Tout le poids de la tristesse séculaire,
Disparais donc dans les siècles purificateurs !

IV
Les pierres surchauffées brûlent
Mon regard enfiévré.
Les iris brumeux, dans la fournaise
Semblent vouloir s’envoler.

O tristesse sans issue,
Je te connais par coeur !
Dans le ciel noir de l’Italie
Je mire mon âme noire.

(Alexandre Blok)

 

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