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17 JUIN 1943 (René Guy Cadou)

Posted by arbrealettres sur 7 Mai 2024



Derek Gores NoFrillsFashionista [1280x768]

17 JUIN 1943

Tu étais la présence enfantine des rêves
Tes blanches mains venaient s’épanouir sur mon front

Parfois dans la mansarde où je vivais alors
Une aile brusquement refermait la lumière

J’appelais je disais que vienne enfin la grande
La belle la toujours désirable et comblée

Et j’allais regarder souvent à la fenêtre
Comme si le bonheur devait entrer par là

Ce fut par un matin semblable à tous les autres
Le soleil agitait ses brins de mimosa

Des peuplades d’argent descendaient la rivière
Les enfants avaient mis des bouquets sur le toit

Aussitôt que je vis tes yeux je te voulus
Soumise à mes deux mains tremblantes à mes lèvres

Capable de reprendre à la nuit son butin
De fleurs noires et de vénéneuses caresses

Tout le jour je vis bleu et ne pensai qu’à toi
Tu ruisselais déjà le long de ma poitrine

Sans rien dire je pris rendez-vous dans le ciel
Avec toi pour des promenades éternelles.

(René Guy Cadou)

Illustration: Derek Gores

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L’homme et son fils menant leur vache d’un pas lourd (Cécile Sauvage)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2023




    
L’homme et son fils menant leur vache d’un pas lourd
S’en vont sur le chemin luisant encor de pluie.
Un soleil velouteux et gris de petit jour
Enveloppe en rêvant la montagne endormie.

La vache dit adieu à son dernier matin :
Plus jamais le pré vert où sautait sa mamelle
Lourde et riche à plaisir d’un printanier butin.
Pourtant, que cette aurore a l’air d’être éternelle !

(Cécile Sauvage)

Recueil: Oeuvres complètes
Editions: La Table Ronde

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COUVÉE PASCALE (Guy Goffette)

Posted by arbrealettres sur 3 avril 2023




    
COUVÉE PASCALE

À l’aube quand vibrait encore
la gloire du monde, nous descendions
l’échelle des rêves pour chercher
dans l’herbe du jardin

l’oeuf bleu de toutes les promesses
et dans le ciel un reste du vertige
qui nous tirait des cris, mais tout
retombait vite et l’horizon

reprenait son vrai visage : enclos,
barrière, octroi. Nous rentrions couver
notre butin les yeux dans l’ombre
comme si l’aile d’un ange

allait soudain venir briser la coque.

(Guy Goffette)

Recueil: Petits riens pour jours absolus
Editions: Gallimard

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L’ONDINE (Michel Lermontov)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2022




    
L’ONDINE

Une ondine voguait dans la baie azurée,
Par la pleine lune éclairée.
Elle lançait au ciel, pour effleurer la lune,
L’écume d’argent des lagunes.

On voyait dans les eaux, tremblante palpiter
La nuée à l’éclat reflété.
Et l’ondine chantait sa chanson qui captive
Les humains écoutant sur la rive.

Et l’ondine chantait: «Dans mon sombre séjour
Luit un pâle reflet du jour.
On y voit des troupeaux de poissons d’or errants,
On y voit des palais transparents.

Et là sur le grand banc de sable au fond des eaux,
A l’abri de touffus roseaux,
Dort un fier chevalier, des vagues le butin
Apporté d’un pays lointain.

Dans le calme des nuits, pour nous c’est une joie
Que de peigner ses cheveux de soie.
Sur son front, sur sa bouche, immuablement froids,
Nous l’avons embrassé maintes fois.

Mais nos ardents baisers n’ont pu le remuer,
Il demeure froid et muet.
Sa tête sur mon sein retombe, en se penchant,
Il reste insensible à mon chant.»

Telle était la chanson plaintive de l’ondine,
Au-dessus de la vague argentine.
On voyait dans les eaux, tremblante palpiter
La nuée à l’éclat reflété.

(Michel Lermontov)

Recueil: Michel Lermontov Poèmes
Traduction: Igor Astrow
Editions: Du Tricorne

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Les feuilles sont l’espoir des racines (Jacques Lacarrière)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2021




    
Les feuilles sont l’espoir des racines
Les fleurs, celui des branches
Et le bourgeon, celui de la ramure

Pour nous, quelle sève à notre espoir ?

Le ramage est l’espoir de l’oiseau
Le clapotis, celui des eaux
Le chuchotement, celui des vents

Pour nous, quel chant à notre espoir ?

La rose est l’espoir de la tige
Le bleu, celui de l’océan
Et le vert, celui du printemps

Pour nous quelle couleur à notre espoir ?

Le miel est l’espoir de la ruche
Le vin est celui de la vigne
Et la miche est celui du blé

Pour nous, quelle saveur à notre espoir ?

La proie est l’espoir du rapace
Le venin, celui du serpent
Le butin, celui du pirate

Pour nous, quel destin à notre espoir ?

(Jacques Lacarrière)

 

Recueil: A l’orée du pays fertile
Traduction:
Editions: Seghers

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Y a-t-il un lieu de silence (Charles Vildrac)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2020



    

– Y a-t-il un lieu de silence
Où je puisse essayer mon chant
Sans que le submerge en moi-même
Le tumulte de ces orages,
Les cris aigus de ce prétoire
Où se proclament par cent voix
Le mensonge des criminels
La cupidité des voleurs
Et la lâcheté des esclaves ?
– Un seul accent vrai de ton cœur
En toi couvrira cent voix fausses.
Ah ! mon cœur n’est-il pas pareil
À un fruit jeté dans la mer :
Quand un batelier le recueille
Il est encore plein et doré
Mais sa chair que l’eau a forcée
N’a plus que l’âcreté du sel.
J’ai regardé bien trop de morts
Avec des yeux secs et distraits ;
J’ai connu trop de paysages,
J’ai pressé pendant ces cinq ans
Trop de mains, vu trop de visages ;
Des flots ont noyé ma mémoire.
– La moisson étouffe et aveugle
L’ample grenier qui la contient
Mais d’où jaillira chaque gerbe
À son tour, avec tous ses grains.
Sur le lourd butin qui t’accable
Penche-toi ! Dans un cœur aimant
Rien n’est perdu, rien ne s’efface
De ce qu’y a mis chaque jour.

(Charles Vildrac)

 

Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard

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Résurrection (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 18 janvier 2019



Resurrection

La floraison du bâton

[ 7 ]

Pourtant la résurrection est le sens de la direction,
résurrection est une droite ligne,

droit sur la horde et le butin,
le trésor, la réserve,

le rayon de miel ;
la résurrection est rémunération,

nourriture, abri, fragrance
de la myrrhe et du baume.

***

Yet resurrection is a sense of direction
resurrection is a bee-line,

straight to the horde and plunder,
the treasure, the store-room,

the honeycomb;
resurrection is remuneration,

food,shelter, fragrance
of myrrh and balm.

(Hilda Doolittle)

 

 

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La colonne-de-nuée (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 1 janvier 2019



nuee

Les murs ne tombent pas
[36]

D’aucune façon n’est la colonne-de-nuée
qui allait devant

différente de la colonne-de-nuée
qui vient après ;

le chasme, schisme en conscience,
doit être comblé ;

nous sommes chacun, propriétaire,
chacun avec un trésor ;

il est temps de réévaluer
notre butin secret

à la lumière du passé comme de l’avenir,
car, qu’il s’agisse de

pièces, pierres, or
gobelets, plats

ou simplement
de talismans, archives ou parchemins,

explicitement, il en ressort
qu’il contient,

pour tout scribe
ayant été instruit,

des choses nouvelles
et anciennes.

***

In no wise is the pillar-of-fire
that went before

different from the pillar-of-fire
that comes after;

chasm, schism in consciousness
must be bridged over;

we are each, householder,
each with a treasure;

now is the time to re-value
our secret hoard

in the light of both past and future,
for whether

coins, gems, gold
beakers, platters,

or merely
talismans, records or parchments

explicitly, we are told,
it contains

for every scribe
which is instructed,

things new
and old.

(Hilda Doolittle)

 

 

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LES ÉCOLIERS (Maurice Fombeure)

Posted by arbrealettres sur 3 septembre 2018



LES ÉCOLIERS

Sur la route couleur de sable
En capuchon noir et pointu,
Le « moyen », le « bon », le « passable »
Vont, à galoches que veux-tu
Vers leur école intarissable.

Ils ont dans leur plumier des gommes
Et des hannetons du matin,
Dans leurs poches, du pain, des pommes,
Des billes, ô précieux butin
Gagné sur d’autres petits hommes.

Ils ont la ruse et la paresse
— Mais l’innocence et la fraîcheur
Près d’eux les filles ont des tresses
Et des veux bleus couleur de fleur
Et de vraies fleurs pour la maîtresse.

Puis, les voilà tous à s’asseoir
Dans l’école crépie de lune,
On les enferme jusqu’au soir
Jusqu’à ce qu’il leur pousse plume
Pour s’envoler. Après, bonsoir !

Ça vous fait des gars de charrue
Qui fument, boivent le gros vin,
Puis des ménagères bourrues
Dosant le beurre et le levain.
Billevesées, coquecigrues,
Ils vous auront connues en vain

Dans leurs enfances disparues !

(Maurice Fombeure)

Illustration: Robert Doisneau

 

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Des rats veillent dans ton sommeil (Paul Auster)

Posted by arbrealettres sur 9 février 2018



 

Des rats veillent dans ton sommeil
et miment l’avancée
du manque. Ma voix retourne vers
la faim à laquelle elle donne naissance,
s’associant aux pierres
qui dépassent des murs rouges : le coeur
ronge, mais ne connaît pas
son butin; la langue écorchée
est râpeuse. Nous sommes étendus
au coeur de la moelle terrestre, écoutons
la respiration des anges.
Nos os ont été vidés.
Partout où la nuit a parlé,
des fils à venir arpentent le vide
entre les étoiles.

(Paul Auster)

Illustration: Andrej Gorenkov

 

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