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Poésie

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Dans cette grande maison que personne ne connaît (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023



Illustration: Remedios Varo Uranga
    
Dans cette grande maison que personne ne connaît
Avec sa façade, ses murs qui restent à mi-chemin
Entre les pierres et l’homme,
Avec cet air qui l’entoure et toujours sur le point de palpiter
Avec sa secrète vie qui fait battre une fenêtre
Ou bien la couvre de larmes,
Dans cette grande maison nuit et jour luit une lampe
Elle ne luit pour personne
Comme s’il n’y avait pas d’hommes sur la Terre
Ou si le monde était déjà distancé par l’espérance.

Et quand je veux aller très vite pour surprendre la lumière
Les jambes s’égarent sous moi
Et mon coeur un court instant
Connaît les glaces éternelles.
Mais peut-être qu’un jour la lampe
Prise enfin de mouvement comme la glace au dégel
Viendra luire d’elle-même auprès de moi pour montrer
A mon âme sa couleur
À mon esprit son ardeur
Et leurs formes véritables.

En attendant il me faut vivre sans prendre ombrage de tant d’ombre.
Ce qu’on appelle bruit ailleurs
Ici n’est plus que du silence,
Ce qu’on appelle mouvement
Est la patience d’un coeur,
Ce qu’on appelle vérité
Un homme à son corps enchaîné,
Et ce qu’on appelle douceur
Ah! que voulez-vous que ce soit?

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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COPLAS (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 22 septembre 2023




    
COPLAS

Il y a au creux de mon coeur
deux grands escaliers de cristal
Par l’un s’en monte ma douleur
par l’autre descend mon bonheur

*

Je rêve que je rêve dans un berceau
et que tout près de moi tu chantes.
Je rêve que tu me donnes un baiser
Je rêve que je rêve entre tes bras.

*

Je ne désire autre richesse
que m’endormir auprès de toi
et que d’avoir pour oreiller
tes cheveux déroulant leurs tresses.

*

Les soupirs qui s’enfuient de moi
et ceux qui s’enfuieront de toi,
ah! s’ils se croisent en chemin
combien ils auront à se dire!

*

Je veux être le sépulcre
où tu seras enterrée
pour te tenir embrassée
toute notre éternité.

*

Il est au-dedans de mon coeur
une table de cristal
sur laquelle jouent aux cartes
mon amour et ta perfidie.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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Au-dedans tes yeux (Ingeborg Bachmann)

Posted by arbrealettres sur 20 juin 2023




    
Au-dedans tes yeux sont des fenêtres
sur un pays où je suis en clarté.

Au-dedans ta poitrine est une mer
qui m’attire vers le fond.
Au-dedans tes hanches sont un débarcadère
pour mes vaisseaux qui rentrent au pays
après de trop longs voyages.

Le bonheur tisse un cordage d’argent
auquel je suis amarrée.

Au-dedans ta bouche est un nid duveteux
pour ma langue prête à voler de ses ailes.
Au-dedans ta chair de melon est lumineuse
douce et savoureuse indéfiniment.
Au-dedans tes veines sont calmes
et saturées de cet or
que je lave de mes larmes
et qui un jour m’équilibrera.

Tu reçois des titres, tes bras embrassent des biens
qui te sont décernés en premier.

Au-dedans tes pieds ne sont jamais en chemin
mais déjà arrivés dans mes pays de velours.
Au-dedans tes os sont des flûtes claires
dont je tire des sons enchanteurs
qui charmeront même la mort…

(Ingeborg Bachmann)

Recueil: Anrufung des großen Bären /Invocation de la grande Ourse
Editions: Werke
Traduction: Françoise Rétif

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TESTAMENT (Vita Sackville-West)

Posted by arbrealettres sur 8 juin 2023




    
TESTAMENT

Quand je mourrai, ne laissez pas mon corps
Moisir près des morts qui ne me sont rien,
Semez les cendres au loin, ou mieux encore,
Redonnez-les au sol de mon jardin.

Et, comme ces cendres que je recueille
Précieusement lorsque le feu est mort,
Adoucissez mon sol. Pas de cercueil!
Je veux juste la terre que j’adore.

(Vita Sackville-West)

Recueil: Je serai le FEU (Diglee)
Editions: La ville brûle

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COMME UN AUTRE DOMAINE (Anne-Marie Kegels)

Posted by arbrealettres sur 9 avril 2023



Illustration: Gennady Privedentsev
    
COMME UN AUTRE DOMAINE

J’étais auprès de toi comme un autre domaine.
Nos versants se touchaient — et nous ne savions plus
si des cieux étrangers frôlaient nos bois perdus.

Des miroirs t’appelaient au creux de mes fontaines,
tu cueillais l’eau vivante ou l’éclair bleu d’un geai.
Je bâtissais des feux sous tes branches pressées.

Sur le noeud des aubiers nos doigts se rencontraient
Nous échangions le vent, des ailes par poignées,
et de longues ciguës qui ombrageaient nos coeurs.

Nous étions deux enfants aux confins de la vie,
plus secrets que des faons, avec des yeux vainqueurs,
à jamais possesseurs de terres agrandies.

(Anne-Marie Kegels)

Recueil: Le livre d’or de la poésie française contemporaine
Editions: Marabout

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Le mouton (Anonyme)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2023




    
Le mouton

Le mouton vit de l’herbe
Le papillon de fleur
Le papillon de fleur
Et toi z’et moi Marianne
Nous nous mourons de langueur
Et toi z’et moi Marianne
Nous nous mourons de langueur.

Le mouton dans le pré
Est en danger du loup
Est en danger du loup
Et toi z’et moi Marianne
Sommes en danger d’amour.

J’ai un copain de frère
Qui me fait enrager
Qui me fait enrager
Il va dire à ma mère
Que j’aime mon berger.

Berger de mon village
Reviens me secourir
Reviens me secourir
Car ce serait dommage
Car ce serait dommage
De me faire languir.

Nous sommes-t-ici z’ensemble
Restons-y bien longtemps
Restons-y bien longtemps
L’amour est agréable
L’amour est agréable
Auprès de son amant.

(Anonyme)

 

Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette

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TU ME DISAIS (André Verdet)

Posted by arbrealettres sur 29 Mai 2022




    
TU ME DISAIS

l’aube Qui monte sur la mer du côté de Capri
Tu me disais : Ma femme est douce comme l’eau
Qui poudre aux yeux mi-clos de la biche dormante
Tu me disais : Ma femme est fraîche comme l’herbe
Qu’on mâche sous l’étoile au premier rendez-vous
Tu me disais : Ma femme est simple comme celle
Qui perdant sa pantoufle y gagna son bonheur
Tu me disais : Ma femme est bonne comme l’aile
Que Musset glorifia dans sa nuit du printemps

Tu me disais aussi : Ma femme est plus étrange
Que la vierge qui fuit derrière sa blancheur
Et ne livre à l’époux qu’un fantôme adorable

Tu me disais encore : Je voudrais lui écrire
Qu’il n’est pas une aurore où je n’ai salué
Son image tremblant dans le creux de mes mains

Tu me disais encore : Je voudrais la chanter,
Avec des mots volés dans le coeur des poètes
Qui sont morts en taisant la merveille entendue

Tu me disais enfin : Je voudrais revenir
Près d’elle à l’improviste une nuit où le songe
Peut-être insinuerait que je ne serais plus

Tu es mort camarade
Atrocement dans les supplices
Ta bouche souriant au fabuleux amour

(Bûchenwald, 15 mai 1944 – 17 mai 1945.)
(André Verdet)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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LE CHANT DE LA SOURCE (António Ramos Rosa)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2021



Illustration
    
LE CHANT DE LA SOURCE

Si quelque chose nous protège et nous oublie dans
la dispersion des oiseaux et la gravité des voix,
c’est peut-être que nous avons nos racines dans la montagne
et que nous traversons l’épaisseur avec les muscles de l’air.

La lumière cherche un nid en nos mains
et l’eau parle de la clarté de l’ombre.

Entre le désordre et le bleu se dressent des formes
au rythme de la transparence et d’un sang de silex.

Certaines perdent leur éclat auprès d’une naissance
ou d’une matière ailée. Et le regard retourne à la
source obscure sous l’arbre du chant.

(António Ramos Rosa)

 

Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard

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Au crépuscule (Ryôkan)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2021



Illustration: Sozaemon Nishimura
    

Au crépuscule,
sur la colline, ces pins,
s’ils étaient des hommes,
c’est du passé qu’auprès d’eux
j’aimerais à m’enquérir.

(Ryôkan)

***

 

Recueil: Ô pruniers en fleur
Traduction: Alain-Louis Colas
Editions: Folio

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Que restera-t-il de la collision (Abdellatif Laâbi)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2021



Illustration: René Seyssaud
    
Que restera-t-il de la
collision Après
l’embrasement que lira-t-on
dans les cendres ? La chair
s’est détachée de la chair
Arbre déraciné
l’homme gît
auprès de la femme

(Abdellatif Laâbi)

 

Recueil: L’arbre à poèmes Anthologie personnelle 1992-2021
Traduction:
Editions: Gallimard

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