Illustration: Edvard Munch
crier
crier catastrophe et joie survivante
puis, comme on coud, caresser
car, amis
les mains nous précèdent
caresser
ossements, avenir, coeurs dans paume douce
(Denise Desautels)
Editions: Gallimard
Posted by arbrealettres sur 22 février 2024
Illustration: Edvard Munch
crier
crier catastrophe et joie survivante
puis, comme on coud, caresser
car, amis
les mains nous précèdent
caresser
ossements, avenir, coeurs dans paume douce
(Denise Desautels)
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Posted by arbrealettres sur 4 janvier 2024
Illustration
ENTRE KAIFENG ET KUAITEH
La résidence de Li Po
Pas exactement un monastère
mais une maison isolée au bord d’une rivière
son voisin le martin-pêcheur
le pinceau galopait jour après jour
(« ah, les multiples ramifications de la Voie ! »)
il avalait bol après bol de vin ambré
(« le monde entier n’est qu’un immense flux ! »)
il regardait
les taches brunes sur le bambou, larmes anciennes
imaginait
à l’ouest de la grande muraille
des déserts de sable jonchés d’ossements
les sentiers d’oiseaux du Sichuan
dehors, les fantômes sifflaient dans la brume.
***
BETWEEN KAIFENG AND KWEITEH
Li Po’s residence
Not exactly a monastery
but a lonely house standing by a river
his neighbour the kingfisher
brush galloping day aller day
(« ah, the many branchings of the way ! »)
downing bowl alter bowl of amber wine
(« the whole world is wholly in flux ! »)
looking at
brown stains on the bamboo, ancient tears
imagining
West of the great wall
sandy wastes strewn with bones
the bird-tracks of Szechwan
ghosts whistling in the rain.
(Kenneth White)
Posted in poésie | Tagué: (Kenneth White), ambre, ancien, avaler, bambou, bol, bord, brume, brun, désert, dehors, entier, exactement, fantôme, flux, galoper, imaginer, immense, isolé, jonché, larme, maison, martin-pêcheur, monastère, monde, multiple, muraille, oiserau, ossement, Ouest, pinceau, ramification, regarder, rivière, sable, sentier, siffler, tache, vin, voie, voisin | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 20 juin 2023
CHANTS D’UNE ÎLE (extrait)
Il est du feu sur la terre,
et le feu est pur.
Il es du feu sous la terre
et de la pierre liquide.
Il est un fleuve sous la terre
qui afflue en nous.
Il est un fleuve sous la terre
qui roussit les ossements.
Il vient un grand feu,
il vient un fleuve sur terre.
Nous serons témoins.
(Ingeborg Bachmann)
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Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2021
Illustration
LE SENS
Le sens ne réside pas en un lieu.
C’est comme une lèvre tronquée
ou la musique d’une planète lointaine.
Rarement c’est un palais ou une plaine,
le diamant d’un vol ou le coeur de la pluie.
Parfois c’est le bourdonnement d’une abeille, une infime présence
et le jour est un feu brûlant sur la corolle de la mer.
Il s’abreuve de violence et d’obscurité
et ses rivages sont jonchés d’oubli et de chaos.
Ses caprices contiennent toute la distance du silence
et tout l’éclat du désir. Avec une musique désespérée,
il craque parfois sous le masque du temps.
Avec des cendres d’eau, il crée des halos de pénombre
et d’un côté c’est le désert, de l’autre une cataracte.
On peut le parcourir certaines fois comme le spectre solaire
ou le sentir comme un cri en lambeaux ou une porte condamnée.
Souvent ses noms ne sont pas des noms,
mais des blessures, des murailles sourdes, des lames effilées,
de minuscules racines, des chiens d’ombre, des ossements de lune.
Toutefois, il est toujours l’amant désiré que
recherche le poète dans les remous des ténèbres.
(António Ramos Rosa)
Posted in poésie | Tagué: (Antonio Ramos Rosa), abeille, amant, éclat, blessure, bourdonnement, brûlant, caprice, cataracte, côte, cendre, chaos, chien, coeur, condamner, contenir, corolle, craquer, créer, cri, désert, désespéré, désir, désirer, diamant, distance, eau, effilé, feu, halo, infime, joncher, jour, lambeau, lame, lèvre, lieu, lointain, lune, masque, mer, minuscule, muraille, musique, nom, obscurité, ombre, ossement, oubli, palais, parcourir, parfois, pénombre, plaine, planète, pluie, poète, porte, présence, racine, rarement, résider, rechercher, remous, rivage, s'abreuver, sens, sentir, silence, solaire, sourd, spectre, ténèbres, temps, tronquer, violence, vol | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 30 juin 2021
Stances
Que j’aime à voir, dans la vallée
Désolée,
Se lever comme un mausolée
Les quatre ailes d’un noir moutier!
Que j’aime à voir, près de l’austère
Monastère,
Au seuil du baron feudataire,
La croix blanche et le bénitier!
Vous, des antiques Pyrénées
Les aînées,
Vieilles églises décharnées,
Maigres et tristes monuments,
Vous que le temps n’a pu dissoudre,
Ni la foudre,
De quelques grands monts mis en poudre
N’êtes-vous pas les ossements?
J’aime vos tours à tête grise,
Où se brise
L’éclair qui passe avec la brise,
J’aime vos profonds escaliers
Qui, tournoyant dans les entrailles
Des murailles,
A l’hymne éclatant des ouailles
Font répondre tous les piliers!
Oh! lorsque l’ouragan qui gagne
La campagne,
Prend par les cheveux la montagne,
Que le temps d’automne jaunit,
Que j’aime, dans le bois qui crie
Et se plie,
Les vieux clochers de l’abbaye,
Comme deux arbres de granit!
Que j’aime à voir, dans les vesprées
Empourprées,
Jaillir en veines diaprées
Les rosaces d’or des couvents!
Oh! que j’aime, aux voûtes gothiques
Des portiques,
Les vieux saints de pierre athlétiques
Priant tout bas pour les vivants!
(Alfred de Musset)
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Posted by arbrealettres sur 16 mars 2019
Ce jour, ce jour
où je regarderai la mer — tranquilles, elle et moi —
livré à elle ; toute mon âme
— écoulée enfin en mon OEuvre pleine —
sûre à jamais, comme un grand arbre,
sur la rive du monde ;
dans la sécurité de cime et de racine
du grand oeuvre accompli !
— Ce jour où naviguer
Sera être au repos, car j’aurais
travaillé tant et tant sur moi-même !
Ce jour, ce jour
où la mort — houle noire ! — ne me flattera plus
— et où, sans fin, je sourirai à tout —,
car, ô mes ossements, ce que je lui aurai
laissé de moi sera si peu de chose !
***
¡Ese día, ese día
en que yo mire el mar —los dos tranquilos—,
confiado a él; toda mi alma
—vaciada ya por mí en la Obra plena—
segura para siempre, como un árbol grande,
en la costa del mundo;
con la seguridad de copa y de raíz
del gran trabajo hecho!
— ¡Ese día, en que sea
navegar descansar, porque haya yo
trabajado en mí tanto, tanto, tanto!
¡Ese día, ese día
en que la muerte — ¡negras olas! — ya no me corteje
—y yo sonría ya, sin fin, a todo—,
porque sea tan poco, huesos míos,
lo que le haya dejado yo de mí!
(Juan Ramón Jiménez)
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Posted by arbrealettres sur 24 janvier 2019
LES RÊVES MAUVAIS
L’ombre couvre la place;
le jour se meurt.
Au loin sonnent les cloches.
Aux fenêtres et aux miradors
les vitres s’éclairent
de reflets blafards,
comme des ossements blanchâtres,
de vagues crânes morts.
Sur toute la soirée brille
une lumière de cauchemar.
Le soleil s’incline au couchant.
Résonne l’écho de mon pas.
— Est-ce toi? Je t’attendais…
— Non, ce n’était pas toi que je cherchais.
(Antonio Machado)
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Posted by arbrealettres sur 19 novembre 2018
Une charogne
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.
– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !
(Charles Baudelaire)
Posted in méditations, poésie | Tagué: (Charles Baudelaire), amour, ange, âme, été, étoile, étrange, beauté, brûlant, caillou, carcasse, charogne, chien, ciel, corps, décomposé, divin, doux, eau, essence, fâché, femme, floraison, forme, grâce, herbe, infection, jambe, lubrique, moisir, musique, nonchalan, ordure, ossement, oublié, passion, pétillant, poison, reine, rocher, s'évanouir, sacrement, sentier, squelette, suer, toile, vague, vent, ventre, vermine | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 30 août 2018
On l’enterra par une horrible après-midi
de juillet, sous un soleil de feu.
A un pas de la tombe ouverte
il y avait des roses aux pétales pourris,
entre des géraniums à l’âcre parfum
et aux fleurs rouges. Le ciel
pur et bleu. Il soufflait
un vent fort et sec.
Suspendu à de grosses cordes,
lourdement, le cercueil fut descendu
au fond de la fosse
par les deux croque-morts…
Quand il se posa, un grand bruit résonna,
solennellement, dans le silence.
Le bruit d’un cercueil sur la terre est quelque chose
de tout à fait sérieux.
Sur le noir cercueil se brisaient
les lourdes mottes poussiéreuses…
Le vent emportait
le souffle blanc de la fosse profonde.
.— Et toi, sans ombre désormais, dors et repose,
longue paix à tes ossements…
Définitivement,
dans un sommeil paisible et véritable.
(Antonio Machado)
Posted in poésie | Tagué: (Antonio Machado), ami, après-midi, bleu, bruit, cercueil, ciel, corde, croque-mort, définitivement, dormir, emporter, enterrement, feu, fleur, fond, fossé, géranium;âcre, horrible, motte, ombre, ossement, paisible, paix, parfum, pétale, pourri, poussiéreux, pur, résonner, reposer, rose, rouge, se briser, soleil, sommeil, suspendu, tombe, véritable, vent | Leave a Comment »