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Poésie

Posts Tagged ‘usé’

Le signe (Edith Bruck)

Posted by arbrealettres sur 5 février 2024




Edith Bruck
    
Le signe

Elle mourut d’impuissance
pourra-t-on écrire sur ma tombe
qui sait où, il n’est pas dit qu’on meure
à l’endroit où l’on est né ou l’on vit
on peut être n’importe où
à cette heure incertaine
il n’y a pas de terres mauvaises et de terres bonnes
mais je voudrais pour signe une petite étoile
à six branches comme celle qui dans mon enfance
brillait sur mon petit manteau usé
gravez-la bien bien dans la pierre
comme ils l’ont gravée sur ma peau
dans ma chair dans mes entrailles
et s’il doit y avoir une autre vie
je serai une étoile jaune
pour vous rappeler qu’il était une fois
Auschwitz.

(Edith Bruck)

Recueil: Pourquoi aurais-je vécu ?
Editions: Rivages Poche

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BERCEUSE D’ACTIONS DE GRACES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024




    
BERCEUSE D’ACTIONS DE GRACES

Dors, mon pauvre coeur, ta journée est lasse.
C’est assez longtemps courir sur la trace
De l’amour qui fuit, du bonheur qui passe.

Dors, mendiant, dors…

C’est assez longtemps mendier ton pain,
Raconter ta peine et tendre la main,
Dors, tu n’en auras jamais à ta faim.

Dors, mendiant, dors…

Ne cherche plus rien, joins les mains et serre
Ta joie immense, ô ma longue misère,
D’avoir ce soir presque le nécessaire.

Dors, mendiant, dors…

Dors, puisqu’un bon riche à la fin du jour
Jusqu’à toi venu par un long détour
T’a fait l’aumône, enfin ! d’un peu d’amour.

Dors, mendiant, dors…

Dors, il t’a couvert d’un manteau de laine,
Tu n’as plus besoin de rien ô ma peine,
Raconte-toi tout bas ta bonne aubaine.

Dors, mendiant, dors…

C’est un vieil habit qui servit beaucoup.
On l’a tant mis qu’il n’en reste qu’un bout
Effiloché, déteint, troué partout.

Dors, mendiant, dors…

Il s’est usé, ce manteau de tendresse,
Sur tant et tant d’épaules en détresse
Qu’il t’est trop court, ô dernière pauvresse.

Dors, mendiant, dors…

Mais c’est assez, cette loque, c’est trop,
Cette bonté, c’est plus qu’il ne te faut
Pour t’endormir dessus, pour avoir chaud.

Dors, mendiant, dors….

Fais-toi bien petit, bien bas, de manière
À t’envelopper l’âme tout entière
Dans ce bout de joie et clos ta paupière.

Dors, mendiant, dors…

Sur ton bonheur, le coeur émerveillé,
Pose la tête et dors sans t’éveiller
Comme un enfant las sur son oreiller.

Dors, mendiant, dors…

Dors sur ton bonheur, dors et chante en rêve,
Dors, sans avoir peur que la nuit s’achève,
Dors, sans avoir peur que le jour se lève.

Dors, mendiant, dors…

Et si le temps passe encor, si le vent
Te prend tes haillons, si tout en rêvant
Tu demeures nu comme auparavant,

Dors, mendiant, dors…

Si la pitié que tu tiens ramassée
Sur ton coeur frileux demain est passée,
Dors dans la douceur qu’elle t’a laissée.

Dors, mendiant, dors…

Et béni soit pour cet habit fané
Celui qui vers toi s’étant retourné
S’il avait eu plus te l’aurait donné.

Dors, mendiant, dors…

Et béni soit Dieu ! Lui qui nous apprête
Le manteau d’amour tout entier, la fête
Qui nous couvrira des pieds à la tête.

Dors, mendiant, dors…

Béni soit Dieu ! Sous son manteau blottis
Avec tous les saints, les grands, les petits,
Nous aurons bien chaud dans le Paradis.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Les Âmes des vieillards (Constantin Cavafis)

Posted by arbrealettres sur 29 décembre 2023



Illustration: Salvador Dali
    
Les Âmes des vieillards

Les âmes des vieillards gîtent
dans leurs vieux corps usés.
Comme elles font pitié, les pauvres
et combien leur pèse la triste vie qu’elles mènent.
Comme elles tremblent de la perdre et comme elles l’aiment,
ces âmes égarées, contradictoires
qui gîtent — tragi-comiques —
dans leurs vieilles peaux élimées.

(Constantin Cavafis)

Recueil: Poèmes anciens ou retrouvés
Traduction: Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Editions: Seghers

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Me reconnaîtriez-vous (Kang Pèk-nyôn)

Posted by arbrealettres sur 30 novembre 2023


temps

J’étais charmant et beau jeune
A présent, vieux et usé, je pense à vous
Me reconnaîtriez-vous
Si jamais vous me voyiez sur la route?

(Kang Pèk-nyôn)

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Toi qui viens (Tahar Ben Jelloun)

Posted by arbrealettres sur 24 novembre 2023



Illustration: Christiane Guicheteau
    
1

Toi qui viens
Donne-moi le sens des choses
La direction des vents
Le nom de ce que je ne connais pas
La couleur de l’espérance
La plénitude de l’amour
Et la présence
Donne-moi ce que tu as
Car je suis ce que je peux.

2

Toi qui es né à l’aube
Dis-moi la beauté du monde
Je sais la douleur et l’absence
Alors dis-moi ce qui fait chemin
Ce qui rend l’homme meilleur
Ce qui se dresse devant toi
Que tu sois enfance ou vieillesse
Tu as le sens caché de la lumière.

3

Toi qui habites dans un buisson
Dis-moi ce que l’arbre te raconte
Ce que la mer fait de nos solitudes
Et la terre de nos morts
Sais-tu que
La cendre se mêle au sable
Aux eaux usées
Aux pierres creuses
Alors parle.

4

Toi que je ne connais pas
Je devine la forme de tes illusions
Je soulève le tissu en soie
Que des mains heureuses ont posé sur le temps
Dis-moi la plénitude de l’Esprit
Raconte-moi
Ce que deviennent les souvenirs
Épuisés par la nostalgie
On me dit
Un peu de brume rosée sur les feuilles
Vapeur ou musique du vent dans les arbres
Les souvenirs se reposent dans une grotte
Plus les ans passent plus nous les cherchons à l’aveugle
Sous la poussière.

(Tahar Ben Jelloun)

Recueil: Douleur et lumière du monde
Editions: Gallimard

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Le chemin de mes rêves (Li Myong-Han)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2023


reves

Si le chemin de mes rêves laissait des traces
Celui qui mène à ta fenêtre serait bien usé!
Mais, hélas, le chemin de mes rêves
Ne laisse pas de traces

(Li Myong-Han)

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Les enfants de la liberté (Maram al-Masri)

Posted by arbrealettres sur 31 Mai 2023




    
Les enfants de la liberté
ne s’habillent pas en Petit Bateau.
Leur peau s’habitue vite à une étoffe rêche.
Les enfants de la liberté
ont des vêtements usés
et des chaussures trop grandes pour leurs pieds.
Souvent ils enfilent l’air nu ou la terre.

Les enfants de la liberté
ne connaissent pas le goût de la banane
ni de la fraise.
Ils mangent du pain sec
trempé dans l’eau de la patience.

Le soir,
les enfants de la liberté
ne prennent pas de bain,
ils ne soufflent pas dans des bulles de savon.
Ils jouent avec des pneus, des cailloux
et les débris
des bombes.

Avant de dormir,
les enfants de la liberté ne se brossent pas les dents.
Ils n’attendent pas les histoires magiques
de prince et de princesse.

Ils écoutent le bruit de la peur et du froid.
Sur les trottoirs de la rue,
devant les portes de leur maison détruite,
dans les camps des pays voisins ou
dans les tombes.

Les enfants de la liberté
attendent comme
tous les enfants du monde
le retour de leur mère.

(Maram al-Masri)

Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey

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UNE VIE À PAS COMPTÉS (Roland Giguère)

Posted by arbrealettres sur 10 Mai 2023



Illustration: Pablo Picasso
    
UNE VIE À PAS COMPTÉS

Une vie entière passée en murmures
en une infinité de légers soubresauts
en peu de paroles en moindres gestes
au milieu de hordes criardes et déchaînées

une vie repliée sur quelques visages aimés
sur une paupière qui bat et se ferme à minuit
comme une persienne de bois usée
une vie lente aux roues brisées.

(Roland Giguère)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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L’eau douce de notre regard (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 27 décembre 2022



L’eau douce de notre regard

Le ciel est trop haut, trop cruelle la marée;
C’est ici, c’est ici qu’il nous faut tout reprendre.
Mais aux mots de chaque jour nos langues se sont usées,
A trop vivre s’est perdue l’eau douce de notre regard.

(Andrée Chedid)

Illustration

 

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ô jeune homme pleure tout ton soûl ! (Abdourahman A. Waberi)

Posted by arbrealettres sur 4 août 2022



Ô jeune homme pleure tout ton soûl !
Désorienté comme l’étoile dilacérante
Sans soleil ni fourmillant récif
Ton oeil quête son Orient par devers toi
Ta conscience: un manteau d’emprunts usé

(Abdourahman A. Waberi)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha
 

 

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