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Poésie

Posts Tagged ‘soupçon’

Sauvetage (Elvira Sastre)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2024




    
Sauvetage

Si tu n’existais pas,
si tu étais, je ne sais pas,
un tire-bouchon tressé,
une dichotomie entre ton âme et ton corps,
des envies qui restent sur leur faim.
Si tu étais, comment dire,
quelqu’un qui s’ajuste aux limites des jours,
un soupçon,
une tentative.

Si tu n’existais pas,
si tu étais autre chose
avec les mêmes visage, voix et mains,
mais autre chose,
en ma fin de ton compte,
je te traverserais entière,
je briserais tes barrières,
j’irais de ton nord à ton sud en foulant
ta boussole
comme le naufragé qui parcourt des forêts
pour atteindre la mer
et je te peuplerais de mes bateaux,
à la proue de ton essence

j’attendrais
sans aucune hésitation ni délai
le sauvetage.

(Elvira Sastre)

Recueil: Tu es la plus belle chose que j’ai faite pour moi
Traduction: de l’espagnol par Isabelle Gugnon
Editions: NIL

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Toujours au bord (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 10 mars 2024



Toujours au bord.
Mais au bord de quoi?

Nous savons seulement que quelque chose tombe
de l’autre côté de ce bord
et qu’une fois parvenu à sa limite
il n’est plus possible de reculer.

Vertige devant un pressentiment
et devant un soupçon:
lorsqu’on arrive à ce bord
cela aussi qui fut auparavant
devient abîme.

Hypnotisés sur une arête
qui a perdu les surfaces
qui l’avaient formée
et resta en suspens dans l’air.

Acrobates sur un bord nu,
équilibristes sur le vide,
dans un cirque sans autre chapiteau que le ciel
et dont les spectateurs sont partis.

(Roberto Juarroz)

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Vie (Kate Chopin)

Posted by arbrealettres sur 7 février 2024



Illustration: Jeanne Balas
    
Vie

Un jour qu’escorte un soupçon de soleil,
De brume et d’ondée.
Une vie qui comporte un rien d’amour
De rêve et de peine.
Aimer un peu, puis disparaître!
Vivre un peu et sans jamais savoir le pourquoi!

***

Life

A day with a splash of sunlight,
Some mist and a little rain.
A life with a dash of love-light,
Some dreams and a touch of pain.
To love a little and then to die!
To live a little and never know why!

Recueil: Sous le ciel de l’été
Traduction: Gérard Gâcon
Editions: Université de Saint-Étienne

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Ceux de l’espoir (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Annagol
    
Ceux de l’espoir

Attisés par le chant
Ils échappent à l’aimantation
Des sols et des couteaux

Émergeant des abris taciturnes
Ils apprivoisent l’horizon
Se libèrent des mots flétris
Quittent les ornières du soupçon

L’avenir cédant à l’espérance
Leur rêve engrènera le réel.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Nusch (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 2 décembre 2023


Crystal bleu lumière- Acrylique sur polystyrène-50X50 cms-Nat.D. 2009

 

Les sentiments apparents
La légèreté d’approche
La chevelure des caresses.

Sans soucis sans soupçons
Tes yeux sont livrés à ce qu’ils voient
Vus par ce qu’ils regardent.

Confiance de cristal
Entre deux miroirs
La nuit tes yeux se perdent
Pour joindre l’éveil au désir.

(Paul Eluard)

Illustration

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L’amitié est un don (Tahar Ben Jelloun)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2023




    
L’amitié est un don
Gratuité absolue
Soleil par tous les temps
Sous toute latitude
C’est une fulgurance de présence
Une prairie entre les mains
Une soudure fraternelle
Sans le moindre doute
Sans le soupçon de la vipère
Une rivière paisible
Où les mots et leur gaine
Avalent la douleur de l’ami.

(Tahar Ben Jelloun)

Recueil: Douleur et lumière du monde
Editions: Gallimard

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Tout éclipser (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2023




    
Tout éclipser

Je ne voudrais plus que de la musique.
Satprem, 7 novembre 1995

Ce qui s’entend là ne s’écoute
Qu’avec un tel abandon
Qu’aucune digue ni remblai ne résiste

Ça part dans la nuit qui se déchire
Des reins jusqu’aux épaules
Précisément où s’arrimaient les ailes

On en garde un soupçon d’arrachement
Cette mémoire d’innocence et d’abîme
Qui n’a pas eu de suite

Tandis que l’on franchissait outre mesure
Ce qui perdurait
De l’haleine des bêtes et des hommes

Jusqu’à tout éclipser

(André Velter)

Recueil: Trafiquer dans l’infini
Editions: Gallimard

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LA DÉESSE (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 5 octobre 2023




Illustration: Andrey Remnev
    
LA DÉESSE

Au midi vide qui dort
combien de fois elle passe,
sans laisser à la terrasse
le moindre soupçon d’un corps.

Mais si la nature la sent,
l’habitude de l’invisible
rend une clarté terrible
à son doux contour apparent.

(Rainer Maria Rilke)

Recueil: Vergers et autres poèmes français
Editions: Gallimard

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Beau monstre de la nuit (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023



Illustration: John Henry Fuseli
    
« Beau monstre de la nuit, palpitant de ténèbres,
Vous montrez un museau humide d’outre-ciel,
Vous approchez de moi, vous me tendez la patte
Et vous la retirez comme pris d’un soupçon.
Pourtant je suis l’ami de vos gestes obscurs,
Mes yeux touchent le fond de vos sourdes fourrures.
Ne verrez-vous en moi un frère ténébreux
Dans ce monde où je suis bourgeois de l’autre monde,
Gardant par devers moi ma plus claire chanson.
Allez, je sais aussi les affres du silence
Avec mon coeur hâtif, usé de patience,
Qui frappe sans réponse aux portes de la mort.
— Mais la mort te répond par des intermittences
Quand ton coeur effrayé se cogne à la cloison,
Et tu n’es que d’un monde où l’on craint de mourir. »
Et les yeux dans les yeux, à petits reculons,
Le monstre s’éloigna dans l’ombre téméraire,
Et tout le ciel, comme à l’ordinaire, s’étoila.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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Sur l’oreiller (Juliette)

Posted by arbrealettres sur 9 Mai 2023




    

Sur l’oreiller

J’aurai beaucoup trop chaud peut-être
Il fera sombre, que m’importe
Je n’ouvrirai pas la fenêtre
Et laisserai fermée ma porte
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Votre parfum Sur L’oreiller
Laissez-moi deviner
Ces subtiles odeurs
Et promener mon nez
Parfait inquisiteur
Il y a des fleurs en vous
Que je ne connais pas
Et que gardent jaloux
Les replis de mes draps
Oh, la si fragile prison!
Il suffirait d’un peu de vent
Pour que les chères émanations
Quittent ma vie et mon divan
Tenez, voici, j’ai découvert
Dissimulées sous l’évidence
De votre Chanel ordinaire
De plus secrètes fulgurances
Il me faudrait les retenir
Pour donner corps à l’éphémère
Recomposer votre élixir
Pour en habiller mes chimères
Sans doute il y eut des rois
Pour vous fêter enfant
En vous disant « Reçois
Et la myrrhe et l’encens »
Les fées de la légende
Penchées sur le berceau
Ont fleuri de lavande
Vos yeux et votre peau
J’ai deviné tous vos effets
Ici l’empreinte du jasmin
Par là la trace de l’oeillet
Et là le soupçon de benjoin
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l’essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L’enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c’est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L’amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L’été sous la charmille
Et l’hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Pour retrouver dans mon soulier
Ma mandarine de Noël

Voici qu’au milieu des bouquets
De douces fleurs et de bonbons
S’offre à mon nez soudain inquiet
Une troublante exhalaison
C’est l’odeur animale
De l’humaine condition
De la sueur et du sale
Et du mauvais coton
Et voici qu’ils affleurent
L’effluve du trépas
L’odeur d’un corps qui meurt
Entre ses derniers draps

Avant que le Temps souverain
Et sa cruelle taquinerie
N’emportent votre amour ou le mien
Vers d’autres cieux ou d’autres lits
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Toute votre âme Sur L’oreiller

(Juliette)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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