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Posts Tagged ‘désaltérer’

PREMIERS JOURS DE PRINTEMPS (William Wordsworth)

Posted by arbrealettres sur 24 octobre 2023




    
PREMIERS JOURS DE PRINTEMPS

J’entendais mille voix mêlées,
À demi couché dans un bois
Dans cette humeur où des pensées
De bonheur font naître l’effroi.

La Nature à son bel ouvrage
Liait l’âme qui coule en moi ;
Et mon cœur déplorait l’outrage
De ce que l’homme a fait de soi.

Les pervenches sous la ramure
Couraient parmi les primevères ;
Oh oui, chaque fleur, j’en suis sûr,
Aime l’air qui la désaltère.

Les oiseaux jouaient, sautillant,
Leurs pensées je ne saurais dire :
— Mais dans leur moindre mouvement
Passait un frisson de plaisir.

Les branches ouvraient à la brise
Leurs bourgeons pour mieux la saisir,
Et je dois croire, quoi qu’on dise,
Qu’il y avait là du plaisir.

Si le ciel me donne le gage
Que la Nature a fait ce choix,
Ai-je tort de pleurer l’outrage
De ce que l’homme a fait de soi ?

***

LINES WRITTEN IN EARLY SPRING

I heard a thousand blended notes,
While in a grove I sat reclined,
In that sweet mood when pleasant thoughts
Bring sad thoughts to the mind.

To her fair works did Nature link
The human soul that through me ran ;
And much it grieved my heart to think
What man has made of man.

Through primrose tufts, in that green bower,
The periwinkle trailed its wreaths;
And ’tis my faith that every flower
Enjoys the air it breathes.

The birds around me hopped and played,
Their thoughts I cannot measure :
— But the least motion which they made,
It seemed a thrill of pleasure.

The budding twigs spread out their fan,
To catch the breezy air;
And I must think, do all I can,
That there was pleasure there.

If this belief from heaven be sent,
If such be Nature ‘s holy plan,
Have I no reason to lament
What man has made of man ?

(William Wordsworth)

Recueil: Poèmes
Traduction: François-René Daillie
Editions: Gallimard

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L’obscurité me désaltère (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023




    
L’obscurité me désaltère,
Elle porte de si beaux fruits
Plus mûrs que tous ceux de la terre,
J’aime les pêches de la nuit,
Sentir couler au fond de l’âme
Ce jus qui vient du fond des temps
Et laisse sans discernement
Comme après le vin ou la femme.

Obscurité non seulement
Du ciel mais de l’aveuglement.
Mon sang noircit d’un sombre éclat
A gros bouillons au fond de moi.
L’âme au loin dans tout son recul
S’étoile à de grandes distances
Avec la même confiance
Du ciel après le crépuscule.

Ô petits enfants dans la nuit
Sous votre capuchon épais
Vous comprenez bien ce que c’est,
A demi-mots on se saisit.
Est-ce le maternel tombeau
Vivant dont vous vous souvenez,
Tout ce qui nous a précédés
Ou ce qui fait encor défaut ?

Morts, je demande un coup de main
Pour comprendre tout ce qui rient,
Mangeons ensemble les raisins
De la grande treille nocturne
Et retenons-en bien le grain
Pour le faire germer en nous.
Encore, encore de la nuit
Au fond des houles taciturnes.

Nous irons au loin, nous irons,
Nous nous immobiliserons
Dans la bonace inévitable
Et nous mangerons à la table
Où l’on n’a pas besoin d’y voir
Où les mets entrent dans la bouche
Sans que nos pauvres mains les touchent,
Où l’on ignore le sanglot
Sous la bannière du tombeau.

Je ne crois plus à la clarté
De l’après-mort mais à du noir
Qui gagne encore sur le noir
Auquel j’étais habitué.
Ah ! par avance taisons-nous
Afin d’être un peu préparés
Au grand silence fédéré
Entre les étoiles et nous.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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NOCTURNE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 21 septembre 2023



Illustration 
    
NOCTURNE

Patte de chat tout doucement
le jour se souvient d’être nuit
Un peu d’obscur un peu de vent
les étoiles et ce qui s’ensuit
viennent sur la pointe des pieds
ils s’avancent de toute part
dans le ciel et ses escaliers
et la nuit s’installe au hasard
sur l’île et la plage et la mer
dès que les oiseaux qui s’enfuient
laissent la place aux messagers
qui annonceront minuit
Puis les lézards vont se coucher
passant le mot aux vers luisants

Trente cri-cris dans les rochers
lamentent le soleil couchant
La mer chante à bouche fermée
l’épaisse nuit de ses poissons
l’obscurité de ses forêts
et de ses plaines sans moissons
Je suis la Nuit dit l’arrivant
en débarquant sur le rivage
Ses pieds s’enfoncent dans le sable
dans les étoiles son visage
et ses mains ourdissent des fables
de fraîcheur et d’obscurité
qui nous entourent tous les deux

Mais sur le sable auprès de moi
ton corps désaltéré de jour
ta peau crissante comme soie
luit doucement parmi l’obscur
Un peu de soleil prisonnier
s’évapore en secret de toi
et quand je caresse tes seins
tout ce qui reste du soleil
glisse doucement dans mes mains
tout ce qui reste du soleil
tout ce qui sera le matin.

(Claude Roy)

Recueil: Poésies
Editions: Gallimard

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L’Innocence (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 3 septembre 2022



 

A l’école on répétait
le problème
de l’étoffe et de la citerne
et sur la route personne
hormis l’homme à blouse soutachée
se désaltérant aux fontaines
dans sa poche tintaient des sous
du même bronze que les couches
mais dans l’été la pianiste
entamait ce vieil air
innocentant le monde.

(Jean Follain)

Illustration

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L’eau vive (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 25 août 2022




Illustration: Frédéric Rébéna
    
L’eau vive

L’eau des fontaines de la pluie, la gentille eau, la fraîche aux joues,
l’eau qui a peur quand vient la nuit, l’eau qui tout bas chante tout doux,

l’eau qui murmure, l’eau qui dort, l’eau qui joue avec les anguilles,
avec Inès ou Léonor, avec les longs cheveux des filles,

l’eau qui paresse, l’eau qui bout, l’eau qui bouillonne méchamment,
l’eau qui désaltère les loups, l’eau d’Ophélie lit des amants,

l’eau file et fuit comme ma mort, comme le temps de notre amour,
ainsi qu’Inès ou Léonor, l’eau glisse et fuit comme le jour.

Serre les mains, ferme les doigts — et déjà l’eau file au moulin
comme la joie qui, près de toi, quand tu l’embrasses, est déjà loin.

(Claude Roy)

 

Recueil: Poèmes de Claude Roy
Traduction:
Editions : Bayard Jeunesse

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Les chevaux du temps (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 15 juin 2021



Les chevaux du temps

Quand les chevaux du temps s’arrêtent à ma porte
J’hésite un peu toujours à les regarder boire
Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leurs soif.
Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant
Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse
Et me laissent si las, si seul et décevant
Qu’une nuit passagère envahit mes paupières
Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces
Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé
Je puisse encore vivre et les désaltérer

(Jules Supervielle)

Illustration: Jennifer Morrison

 

 

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LE ROCHER DE ROQUEBRUNE (Paulette Chouvel)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2021




LE ROCHER DE ROQUEBRUNE

Les monts de l’Estérel brodent de teintes roses
Un horizon bleuté, caressé par le vent
En ce jeune matin, les grands pins se reposent
Auprès du grand rocher, déposé là… Comment ?

Il est plus qu’une énigme, il est plus qu’un mystère
Immense, majestueux, et un rien insolent.
A ses pieds l’écureuil que l’Argens désaltère
Amuse le vieux pâtre, à demi somnolent.

Par de petits sentiers, des chemins de rocaille
Un accès est inscrit par l’empreinte du temps,
Là-haut vit un ermite, perdu dans la muraille
Mais son sourire moqueur évoque le printemps…

Un soleil sans éclat se couche avec paresse,
Frère Antoine vit ici, défiant tous les ans.
Debout sur le rocher, prie avec allégresse.
Dans la nuit, assoupie, loin de tout, il attend…

(Paulette Chouvel)

Illustration

***

Deux citations de Frère Antoine (qui lui ressemblent en le voyant sur cette photo!!):

« La spiritualité c’est tout prendre du bon coté ! »

« La violence est tristesse, la non violence est humour »

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CHANSON DE L’ÉTRANGER (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 25 janvier 2021



Illustration : Pierre Faure
    

CHANSON DE L’ÉTRANGER

Je suis à la recherche
d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer

devenue l’eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu’aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d’être, comme moi, de nulle part.

(Edmond Jabès)

 

Recueil: Je est un autre Anthologie des plus beaux poèmes sur l’étranger en soi
Traduction:
Editions: Seghers

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Désir (Chryssa Nikolakis)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2020



Illustration: Herbert James Draper
    
Désir

Je te veux comme un ange déchu
ayant atteint son Ciel
et ayant bu à la source de cristal.
Je te veux ainsi qu’une fleur
qui a découvert la fontaine de Castalie
dans un désert d’Israël.
Je te veux semblable à un lac
qui aspire à son évasion,
à l’océan limpide
pour s’y unir avec moi.

J’aimerais pouvoir être le vent léger
sur tes lèvres
pour recevoir le baiser de ton eau
mais ta coupe est trop petite,
comment peut-elle me désaltérer ?

***

ΠΟΘΟΣ
Σε θέλω
σαν έκπτωτος άγγελος
που έφτασε στον Παράδεισο
κι ήπιε από πηγή καθάρια.
Σε θέλω
σαν λουλούδι
στην Ιουδαία έρημο
που βρήκε την Κασταλία Πηγή.
Σε θέλω
σαν λίμνη που αποζητά το αταξίδευτο
Ωκεανός να γίνει ν’ αποδράσει.
Σε θέλω
άνεμος γίνομαι στα χείλη σου
φιλί να με κεράσεις
μα είναι το λαγήνι σου μικρό
και πώς θα με χορτάσεις;

***

***

LONGING

I want you like a fallen angel
who reached his Heaven
and drank water from the crystal spring.
I want you like a flower
that discovered the Castalian Spring
in a Jewish desert.
I want you like a lake
that yearns for its escape
to the untraveled ocean
in which to merge.

I wish I could become
light wind upon your lips
to get the kiss of your water.
But your pitcher is too small
how can it quench me?

***

***

***

***

DESIDERANDO

Ti voglio come un angelo caduto
che ha raggiunto il suo paradiso
e bevuto acqua da una fonte di cristallo.
Ti voglio come un fiore
che ha scoperto la Fonte Castalia
in un deserto ebreo.
Ti voglio come un lago
che ha trovato la sua via di fuga
verso un oceano incontaminato
nel quale fondersi.

Vorrei poter diventare
un vento leggero sulle tue labbra
per essere baciato dalla tua acqua.
Ma la tua brocca è troppo piccola
– come potrai dissetarmi?

***

DESEJO

Desejo-te como um anjo caído
que alcançou o seu Céu
e bebeu a água do manancial cristalino.
Desejo-te como uma flor
que descubriu a fonte de Castália
num deserto judeu.
Desejo-te como um lago
anseia a sua fuga
ao oceano original,
para misturar-se com ele.

Quisera ser o vento suave
sobre os teus lábios
para receber de tua água o beijo
mas tua jarra é demasiado pequena
como poderia me refrescar?

***

DESEO

Te deseo como un ángel caído
que llegó a su Cielo
y bebió el agua del manantial cristalino.
Te deseo como una flor
que descubrió la fuente de Castalia
en un desierto judío.
Te deseo como un lago
que anhela su fuga
al océano prístino,
para mezclarse con él.

Quisiera ser el suave viento
sobre tus labios
para recibir de tu agua el beso
pero tu jarra es demasiado pequeña
¿cómo podría refrescarme?

***

DORINȚĂ

Te ador, ești îngerul căzut
și înălțat la ceruri,
bând apa cristalină.
Te ador ca floarea care află
izvorul de cleștar castilian
din al evreilor deșert.
Te ador ca lacul ce visează
să-și afle albia ce duce
spre-ntinsul ocean,
spre împreunare.

Aș vrea să fiu eu boare
ce buzele-ți alină
și apa ți-o sărută,
– dar nu-i prea mic potirul,
pentru a mă sătura?

***

***

VERLANGEN

Ich will dich als ein gefallener Engel
der seinen Himmel erreichte
und aus der kristallklaren Quelle Wasser trank
Ich will dich wie eine Blume.
die die Kastalische Quelle entdeckte
in einer jüdischen Wüste.
Ich will dich als einen See.
der sich sehnt nach seinem Auslauf
nach dem unberührten Ozean,
um sich mit ihm zu vereinigen.

Ich wünschte ich würde sanfter Wind
auf deinen Lippen
damit dein Wasser mich küsse,
aber dein Krug ist zu klein,
wie kann er mich laben?

***

VERLANGEN

Ik wil je als een gevallen engel
die zijn Hemel bereikte
en water dronk uit de kristalheldere bron.
Ik wil je als een bloem
die de Castalische bron ontdekte
in een joodse woestijn.
Ik wil je als een meer
dat hunkert naar zijn ontsnapping,
naar de ongerepte oceaan,
om er mij mee te vermengen.

Ik wou dat ik de lichte wind
op jouw lippen kon zijn
om van jouw water de kus te krijgen
maar jouw kruik is te klein,
hoe kan hij me laven?

(Chryssa Nikolakis)

 

Recueil: ITHACA 608
Traduction: Français Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Grec / Indi Jyotirmaya Thakur / Anglais Manolis Aligizakis – Stanley Barkan/ Népalais Keshab Sigdel / Arabe Hope Bouchareb / Chinois Zhou Dao Mo / Italien Luca Benassi / Portugais José Eduardo Degrazia / Espagnol Rafael Carcelén / Roumain Gabriela Căluțiu Sonnenberg / Hébreu Dorit Wiseman / Allemand Wolfgang Klinck / Néerlandais Germain Droogenbroodt /
Editions: POINT

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LYS (Robert Goffin)

Posted by arbrealettres sur 2 juillet 2020


 


 

LYS

Gerbe de temps, cheveux de lune
Qu’une main de nuit importune
Aux linières de la rosée
Un rossignol chantait pour l’une
Ou l’autre de ses bien-aimées.

Le bruit blanc du vent dans les feuilles
L’horizon s’ouvrait comme un oeil
Et déjà de jeunes lumières
Aux souplesses de chèvrefeuille
Lavaient l’aube dans la rivière

Et les eaux pâles de la Lys
Charriant d’éteintes étoiles
De la nuque au tréfond des moelles
Mélangeaient l’aurore aux pétales
Des femmes de cygne et de lys.

Aube à la margelle des saules
Où se turent les rossignols
Redevenus d’autres oiseaux
je me désaltérais aux geôles
Charnelles de ton sable chaud.

Et quand les fenêtres bleuirent
Aux vannes d’azur du soleil
J’essayais en vain de traduire
La chair de femme qui soupire
De rossignol et de sommeil.

(Robert Goffin)

Illustration: Pascal Renoux

 

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