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Posts Tagged ‘complaisance’

SIX JOURS EREINTANTS A SERVIR CELLE QUE J’AIME Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2023




    
SIX JOURS EREINTANTS A SERVIR CELLE QUE J’AIME

1

Ecoutez l’aventure,
D’un pauvre villageois ;
Moi qui de ma nature,
Suis honnête et courtois,
Un beau jour j’ai promis
A ma chère Climène.
De la servir gratis,
Le long de la semaine.

2

Le lundi pour lui plaire
J’ai pris la bêche en main ;
La matinée entière
J’ai bêché son jardin.
Puis je fus droitement
M’asseoir auprès d’un chêne
Et d’un baiser charmant
Elle me paya ma peine.

3

Mardi nous nous joignîmes
Dès le soleil levé.
A la grange nous allîmes
Pour y battre du blé :
Nous battions tour à tour
Avec le même zèle.
Cependant au retour
J’étais bien plus las qu’elle.

4

Le mercredi d’ensuite
Au bois elle me mena.
Ma tâche fut réduite
A lui tracer un nœud.
Voilà dit-il un moineau
D’un très rare plumage,
Si vous le trouvez beau
Mettez le vite en cage.

5

Jeudi j’ai l’ordonnance
De garder mon troupeau,
J’ai eu la complaisance
De venir sous l’ormeau :
Là me sentant pressé
D’une ardeur sans pareille,
Je lui donna le baiser
Qu’elle me bailla la veille.

6

Vendredi la futée
Me présenta le bec,
Me dit toute attristée :
Mon moulin est à sec.
A ce travail nouveau
Il fallut s’y résoudre.
Elle fit venir tant d’eau
Qu’il fut aisé d’y moudre.

7

Samedi quel ouvrage !
Du matin jusqu’au soir.
Nous fûmes d’un grand courage
Travailler au pressoir :
Quoique le mouvement
Me mit presque hors d’haleine
Il fallut constamment
Arroser le système.

8

Dimanche ma bergère
Me dit : « Mon cher ami
N’avons-nous rien à faire ».
« Nenni pour aujourd’hui »
Six jours sans me lasser
A servir ce que j’aime
Je veux me reposer
Tout au moins le septième.

(Chansons du XVIIIè)

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Déclaration de Psyché à l’Amour (Pierre Corneille)

Posted by arbrealettres sur 2 novembre 2023



Illustration: Antonio Canova
    
Déclaration de Psyché à l’Amour

Qu’un monstre tel que vous inspire peu de crainte!
Et que, s’il a quelque poison,
Une âme aurait peu de raison
De hasarder la moindre plainte
Contre une favorable atteinte
Dont tout le coeur craindrait la guérison!

A peine je vous vois que mes frayeurs cessées
Laissent évanouir l’image du trépas,
Et que je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.

J’ai senti de l’estime et de la complaisance,
De l’amitié, de la reconnaissance;
De la compassion, les chagrins innocents
M’en ont fait sentir la puissance :
Mais je n’ai point encor senti ce que je sens.

Je ne sais ce que c’est; mais je sais qu’il me charme;
Que je n’en conçois point d’alarme.
Plus j’ai les yeux sur vous, plus je m’en sens charmer.
Tout ce que j’ai senti n’agissait point de même;
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c’est que d’aimer.

Ne les détournez point, ces yeux qui m’empoisonnent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçants, mais amoureux,
Qui semblent partager le trouble qu’ils me donnent.
Hélas! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m’attacher sur eux.

Par quel ordre du ciel, que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois,
Moi, de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m’expliquassiez le trouble où je vous vois?

Vous soupirez, seigneur, ainsi que je soupire;
Vos sens, comme les miens, paraissent interdits
C’est à moi de m’en taire, à vous de me le dire;
Et cependant c’est moi qui vous le dis.

(Pierre Corneille)

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Descendre les yeux ouverts (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 4 février 2021



Illustration: Georges Rey
    
descendre
les yeux ouverts
à l’intérieur
du gouffre

s’arracher
aux illusions
aux mensonges
aux complaisances

se laisser broyer
par la souffrance
qui naît de tout
ce qu’il faut rejeter

consentir
au silence
à la solitude
à l’effroi

dans cette juste
lumière
demeurer
nu

(Charles Juliet)

 

Recueil: Moisson
Traduction:
Editions: P.O.L.

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Je veux écrire un mouvement pur (Clarice Lispector)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2019



Illustration: Odilon Redon
    
Je veux écrire un mouvement pur

Ceci n’est pas une lamentation, c’est un cri d’oiseau de proie.
Un oiseau irisé et inquiet.
Le baiser sur le visage de la mort.

J’écris comme si cela devait permettre de sauver la vie de quelqu’un.
Probablement ma propre vie.
Vivre est une sorte de folie que commet la mort.
Vivent les morts parce que nous vivons en eux.

Soudain les choses n’ont plus besoin d’avoir un sens.
je me satisfais d’être.
Tu es ?
Je suis sûr que oui.

Le non sens des choses me procure un sourire de complaisance.
Certainement tout doit être en train d’être ce qui est.

(Clarice Lispector)

 

Recueil: Un souffle de vie
Traduction: Jacques Thiériot & Teresa Thiériot
Editions: Des femmes

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BARDO (André Velter)

Posted by arbrealettres sur 7 septembre 2019




    
BARDO
(Métamorphose des 5 poisons)

Je garde l’énergie d’une colère sans haine,
j’affronte l’ignorance sans cérémonie,
je repousse l’émotion jalouse sans complaisance,
j’accède à l’intensité du désir sans plus d’attachement,
je sais l’orgueil nocif mais tiens au sursaut de l’être
à l’aplomb de lui-même.

(Vairocana)
Ce n’est déjà plus l’heure
de survivre à blanc
au centre des illusions ou des cieux,
la roue a pris le temps de vitesse
et distancé les dieux,
elle rejoint la sphère pareille
à la conscience pure, sans limites et sans âge.

(Aksobhya)
J’ai confié ma colère
à la lumière bleue
qui se lève à l’est,
ô sagesse, ô miroir,
comme un baiser à bouche close
chante un autre ciel
libre de nos enfers.

(André Velter)

 

Recueil: Le Haut-Pays suivi de La traversée du Tsangpo
Traduction:
Editions: Gallimard

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Dans les ténèbres du jardin (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 5 août 2018



Dans les ténèbres du jardin
Viennent des filles invisibles
Plus fines qu’à midi l’ondée
Mon sommeil les a pour amies
Elles m’enivrent en secret
De leurs complaisances aveugles.

(Paul Eluard)

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On aimerait parfois (Lucien Noullez)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2017



Illustration
    
On aimerait parfois
Trouver dans la poche du soir l’enfant
qu’on a été,
qui nous regarderait
Sans complaisance et sans colère,
un peu rond de stupeur
et la bouche remplie
de brouillard blanc.

(Lucien Noullez)

 

 

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Le ciel est plein (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2017



Illustration: Bénédicte Pontet
    
Le ciel est plein de songes mal formés.
Ce grand séjour des êtres refusés
Court menaçant sur ta tête de pierre
et ton nuage monte à la lumière
en te laissant les décombres de tout.

Tu creuses ce qui reste près de nous,
tu reconnais le sol sans complaisance;
un âpre vide étreint chaque présence
et te délivre enfln d’un vain espoir.

Ce sont des mains d’aveugle qui vont voir.

(Jean Tardieu)

 

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Complaisance (Liliane Wouters)

Posted by arbrealettres sur 19 août 2017



Complaisance

Des sardines qui se baignent dans une mer d’huile,
un veau qui se laisse rôtir au soleil,
une poule qui pond des oeufs sur le plat,
un pigeon qui se dore dans les petits pois,
des fruits qui poussent sur les arbres en Macédoine,
des anguilles qui se mettent au vert:
Ils poussent la complaisance un peu trop loin.

(Liliane Wouters)


Illustration

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CALME (Bernard de Naillac)

Posted by arbrealettres sur 31 juillet 2017



Illustration: Ivan Calatayud
    
CALME

Je ne veux rien de toi, rien… sinon ta présence.
Oh ! laisse-moi, petite, espérer ce beau don ?
Celui d’un court moment, ta seule complaisance,
Rien qu’un instant perdu. Te voir ; mais d’amour, non !

Pas d’amour. Oh ! l’amour fait mal, aigrit ou brise ;
C’est un jeu trop cruel ! Et déjà j’ai souffert
De me voir lâchement désirer son emprise,
Cependant qu’insoumis… hors de sa loi de fer.

J’ai trop appréhendé, trop attendu ce rêve,
Trop cherché dans l’amour un idéal vainqueur,
Inatteignable en fait. De la part que cède Eve,
Je ne pouvais avoir qu’amertume et rancœur !

C’est une loi fatale… Oui, j’ai souffert, te dis-je,
Et je ne le veux plus — non, plus d’amour, oh ! non.
Que cette intimité — calme — soit un prodige ?
Peut-être ! mais ce geste, à lui seul, est pardon…

(Bernard de Naillac)

 

Recueil: Etincelles

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