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Posts Tagged ‘vitalité’

Vitalité (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Ira Mitchell-Kirk
    
Vitalité

Ce jour-là
Tout ravivait l’espérance

Était-ce cette musique intime
Venue on ne sait d’où ?
Ou cette bouffonnerie joyeuse
Qui s’empare parfois de nos coeurs
Transformant chaque ride en rire
Chaque broussaille en horizon ?

Était-ce un écho
Qui comble soudain l’appel ?
Un rayon qui transperce les mailles ?
Une présence qui écarte les barreaux ?
Était-ce l’oiseau tenace
Balayant de ses ailes nos laborieux chagrins ?

Ce jour-là la vie
Fendit ses écorces
Pour s’ébattre sans entraves
Dans tout l’espace du corps.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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Emparons-nous de ce feu (Arthur Teboul)

Posted by arbrealettres sur 29 octobre 2023




    
Pensez à un nom

Laissez un nom commun vous venir à l’esprit.
Écrivez-le.
Qu’il vous plaise ou non.
Qu’il vous trahisse ou non.
Écrivez-le.

Il est presque certain qu’un adjectif vous passera alors par la tête
– pour qualifier ce nom arrivé par hasard.
Cet adjectif-là, écrivez-le aussi.
À la suite du nom. Ne le refusez pas. Cette place lui revient.
Il fait fi de toute cohérence, de toute grâce ?
Il est grotesque, banal ? Qu’importe !
Écrivez-le.

Tournevis déchu

De cette association inattendue,
entre ce nom venu par inadvertance et cet adjectif non désiré,
naît une image nouvelle, inconnue,
un trésor qui réveille la part magique des mots et notre part de mystère.
Cette part de soi-même inconnue à soi-même.

De ce rapprochement fortuit jaillissent des étincelles
qui nous révèlent une histoire du monde
oubliée, fabuleuse, archaïque et ultramoderne.
Le grain de sable entre dans la machine de l’habitude,
court-circuite sa routine,
et provoque une lumière accidentelle.

Passé, présent, futur se télescopent en un éclair
qui illumine un instant l’envers du monde.

Il y a quelque chose de plus.
Si on ne se laisse pas intimider
par cette langue de l’enfance et de l’inconnu,
le réel s’offre dans une profondeur nouvelle.
Il s’élargit.
En le nommant autrement, on le fait advenir autrement.
On s’autorise un rêve, une vision.

Il suffit de le dire :

Passants minimalistes
Ça y est, ils existent.
Regardons-les traverser.

Lune abstraite
Voilà qu’elle nous éclaire !

Cet exercice en est un parmi d’autres
pour s’accoutumer à la langue frontalière de la poésie.
Pour rendre à notre langage, en le détournant de son usage quotidien, sa vitalité.
Pour le rendre de nouveau fidèle à la vie, l’invraisemblable.

Quand on dispose les mots de tous les jours dans un ordre déconcertant,
on résiste ordinairement à l’emploi purement utilitaire de la parole.
À l’emploi purement pratique de nos vies.
La poésie est un contre-pouvoir.
Ce n’est pas anodin qu’elle soit un secret si bien gardé.

Emparons-nous de ce feu.

(Arthur Teboul)

Recueil: Le Déversoir Poèmes minute
Editions: Seghers

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Poète ! (William Wordsworth)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2023



Illustration
    
Poète ! — Il n’ose, ayant mis son coeur à l’école,
Sans l’appui du bâton que l’Art lui a fourré
En main, faire un seul pas — et doit rire ou pleurer
Uniquement selon précepte ou protocole.

Prends pour Art la Nature, et la vie pour ta soif!
Laisse donc le poltron s’abreuver au marais,
De peur, quand le Critique grave et froid l’aurait Tué,
que le Mépris ne fit son épitaphe.

La fleur des prés, comment, si petite et jolie,
Peut-elle oser s’ouvrir? Parce que libre elle est
Jusques à la racine et, par là même, hardie ;

De même la grandeur de l’arbre en la forêt
N’a point pour cause une mise en moule formelle
Mais sa vitalité divine personnelle.

***

A Poet ! — He hath put his heart to school,
Nor dares to move unpropped upon the staff
Which Art hath lodged within his hand — must laugh
By precept only, and shed tears by rule.

Thy Art be Nature; the live current quaff,
And let the groveller sip his stagnant pool,
In fear that else, when Critics grave and cool
Have killed him, Scorn should write his epitaph.

How does the Meadow flower its bloom unfold ?
Because the lovely little flower is free
Down to its root, and, in that freedom, bold;

And so the grandeur of the Forest-tree
Comes not by casting in a formal mould,
But from its own divine vitality.

(William Wordsworth)

Recueil: Poèmes
Traduction: François-René Daillie
Editions: Gallimard

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Une essence chasse une autre essence (Lyonel Trouillot)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2022




    
Une essence chasse une autre essence.
Quelle essence vaincra la haine ?

Je te laisse ce coffret vide
où tu rangeras tes trésors.
Et lorsque tu auras trouvé
le doux parfum des temps à venir
tu le cacheras dans le coffret.
Tu iras au sommet
de la plus haute montagne
et tu ouvriras le coffret.

Le paradoxe du parfum,
c’est qu’il libère ce qu’il capture.
Tu ouvriras le coffret
et déverseras sur le monde
cette odeur de fruit pur, de rosée franche,
cette odeur de route à prendre dans le matin clair
avec laquelle tu es née
à laquelle tu ajouteras
toutes les trouvailles de ton fait,
une odeur de bonne semence
pour le triomphe de la récolte,
quand le pain amènera le rire,
quand, de jour comme de nuit,
la rivière arrosera les plantes
qui pousseront partout avec des coquetteries
de jolies filles habillées pour leur première sortie,
dans les cheveux des hommes et des femmes d’État,
dans les mains des nouveau-nés
comme un pari gagné sur leurs lignes de chance,
dans les armoires, entre deux vieilleries
pour appeler les vieux linges à leur vitalité.

(Lyonel Trouillot)

 

Recueil: Le doux parfum des temps à venir
Traduction:
Editions: Actes Sud

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Mon Âme est gourde (Emily Dickinson)

Posted by arbrealettres sur 16 décembre 2018



J’ai lâché mon Cerveau – Mon Âme est gourde –
Les Veines qui jadis coulaient
S’arrêtent, figées – Paralysie
Mieux rendue dans la pierre –

Vitalité Sculptée et froide –
Mon nerf gît dans du marbre –
Femme Respirante
Hier – dotée de Paradis.

Non muette — quelque chose bougeait —
Un Sens en éveil, en émoi –
Des instincts de Danse — un art de pirouette –
Une Aptitude d’Oiseau —

Qui a fait oeuvre de Carrare en moi
Et buriné mon chant
Que ce soit magie – que ce soit la Mort –
Si j’ai une chance de tendre

À l’Être, quelque part – au Mouvement – au Souffle –
Fût-ce par-delà les Siècles,
Et chaque limite une Décennie –
Je frémirai, comblée.

***

I’ve dropped my Brain – My Soul is numb —
The Veins that used to run
Stop palsied – ’tis Paralysis
Done perfecter in stone –

Vitality is Carved and cool —
My nerve in marble lies —
A Breathing Woman
Yesterday – endowed with Paradise.

Not dumb – I had a sort that moved –
A Sense that smote and stirred —
Instincts for Dance – a caper part —
An Aptitude for Bird –

Who wrought Carrara in me
And chiselled all my tune
Were it a witchcraft – were it Death –
I’ve still a chance to strain

To Being, somewhere – Motion – Breath –
Though Centuries beyond,
And every limit a Decade –
I’ll shiver, satisfied.

(Emily Dickinson)


Illustration: Odilon Redon

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Vitalité (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 29 Mai 2018



Vitalité

Ce jour-1à
Tout ravivait l’espérance

Était-ce cette musique intime
Venue on ne sait d’où ?
Ou cette bouffonnerie joyeuse
Qui s’empare parfois de nos coeurs
Transformant chaque ride en rire
Chaque broussaille en horizon ?

Était-ce un écho
Qui comble soudain l’appel ?
Un rayon qui transperce les mailles ?
Une présence qui écarte les barreaux ?
Était-ce l’oiseau tenace
Balayant de ses ailes nos laborieux chagrins ?

Ce jour-1à la vie
Fendit ses écorces
Pour s’ébattre sans entraves
Dans tout l’espace du corps.

(Andrée Chedid)


Illustration

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Ascèse des corps (Anne-Lise Blanchard)

Posted by arbrealettres sur 17 mars 2018



Ascèse des corps

À mots
ouverts

la peau
radieuse

dit merci de lui

*

Flamme dure
flamme

les souffles
convergent

Vitalité

exacte
inattendue

*

Puits d’étoupe de
sons étouffés

échine reptile
de feu dans

l’écart ou la suspension
devenir passage

(Anne-Lise Blanchard)

Découvert ici: http://revuedepoesie.blog.lemonde.fr/

 

 

 

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Le pommier (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2018



photo-pommiers-pink-rose-sous-la-neige

Le pommier

A force de mourir et de n’en dire rien
Vous aviez fait un jour jaillir, sans y songer,
Un grand pommier en fleurs au milieu de l’hiver
Et des oiseaux gardaient de leurs becs inconnus
L’arbre non saisonnier, comme en plein mois de mai,
Et des enfants joyeux de soleil et de brume
Faisaient la ronde autour, à vivre résolus.
Ils étaient les témoins de sa vitalité.
Et l’arbre de donner ses fruits sans en souffrir
Comme un arbre ordinaire, et, sous un ciel de neige,
De passer vos espoirs de toute sa hauteur.
Et son humilité se voyait de tout près.
Oui, craintive, souvent, vous vous en approchiez.

(Jules Supervielle)

Illustration

 

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La vitalité du poète (René Char)

Posted by arbrealettres sur 31 décembre 2017



Le logement du poète est des plus vagues;
le gouffre d’un feu triste
soumissionne sa table de bois blanc.

La vitalité du poète
n’est pas une vitalité de l’au-delà
mais un point diamanté
actuel de présences transcendantes
et d’orages pèlerins.

(René Char)

 Illustration: Roman Scheidl

 

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Alchimie (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 10 novembre 2017



Alchimie

Mon cœur immobilise
La lenteur du temps
Et je mixe les mots avec les sons
Au crépuscule de la mélancolie
Avec un rictus
Je salue les intempéries

Sous ce ciel d’améthyste
Je me sens joyeusement triste
Alors que tes seins de vierge
Tes seins de chair
Bombent de vitalité
L’ombre bleu clair du présent
Flotte au-dessus du sol pesant
Où le vert du pré s’égaie

Le soleil métamorphose le toit
Mais un nuage l’assombrit
Et malgré l’ironie du vent
La rivière promet toute sa fraîcheur

Je dérobe le temps au coffre de l’horloge
Pour le transformer en lingots d’insouciance.

(Jean-Baptiste Besnard)

Illustration: Pascal Gonzalez

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