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Posts Tagged ‘dédain’

Si vaste d’être seul (Tristan Cabral)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2024



Fortino Samano
    
Si vaste d’être seul
Pour toi Fortino

Fortino Samano
en ce 12 février 1917
les mains dans les poches
un bout de cigare à la bouche
le chapeau un peu baissé sur les yeux
regarde son peloton d’exécution;
il jette sur ceux qui vont tirer
un dédain souverain;
on dirait qu’il n’y croit pas…
on dirait qu’il dit « alors vous tirez ou non? »
derrière lui
sur le mur
quelqu’un a écrit
« da me la muerte que me falta »
Fortino ! je t’envie!

Mexique, 12 février 1917

(Tristan Cabral)

Recueil: Si vaste d’être seul
Editions: Le Cherche Midi

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BLASON DE LA CHEVILLE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2024




    
BLASON DE LA CHEVILLE

La cheville en métrique a bien mauvaise presse
Mais c’est une autre affaire au pied menu des filles
Elle y est à propos comme un anneau en quille,
Et n’y pèse pas plus qu’un fil qui là se tresse.

Elle est un bijou nu, simple colifichet,
Un bracelet de chair que belle jambe enfile.
Un ajout qui convient n’est jamais inutile.
Plus belle jambe encor celle qui s’en fichait.

La beauté est dédain de ses propres atours.
Le mépris qu’elle émet sert encore à l’asseoir
Et la froideur paraît son plus bel accessoire.

Où la cheville tombe elle y a son séjour.
L’attache est à sa place où elle sert le beau,
À resserrer les liens de la chose et du mot.

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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BOIRE POUR OUBLIER L’INFIDÈLE (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023




    
BOIRE POUR OUBLIER L’INFIDÈLE

1

J’aime la jeune Sophie,
Mais d’un amour sans égal.
L’infidèle m’a trahi
En me donnant un rival.
Pour lui prouver ma constance
Je la voyais tous les jours
Je vivais dans l’ignorance
Que le sexe a de détours.

2

Je la croyais si sincère
Que je ne lui cache rien.
Le tendre nom de ma chère
Etait mon seul entretien.
Mais la cruelle Sophie
Vient de me jouer un tour.
Je n’oublierai de ma vie
Un aussi mauvais tour.

3

Le propre jour de sa fête
En lui portant un bouquet,
Je l’aperçus tête à tête
Avec un jeune cadet.
Il arrange sa frisure
Lui présentant son miroir.
Il retroussa sa coiffure
Jugez de mon désespoir.

4

Je lui dis « Belle Sophie
Je vous apporte une fleur.
Acceptez la je vous prie
Je vous l’offre de bon cœur ».
D’un petit ton d’arrogance
Elle le prit de ma main
En faisant la révérence
avec un air de dédain.

5

Je lui fais des durs reproches
Je ne pouvais plus tenir :
Cœur perfide, coin de roche
Tu veux me faire mourir
Tu m’as fait la promesse
De m’aimer jusqu’au trépas.
Je m’aperçois bien traîtresse
Que tu me fais un faux pas.

6

Rends moi, cruelle Sophie
Cette bague, ce clavier.
Elle, sans cérémonie,
Sans trop se faire prier,
Mes effets elle m’apporte.
Je les pris sans compliment.
Aussitôt je les emporte,
Un autre en eut fait autant.

7

Ah qu’un jeune homme est à plaindre !
Ah que le sexe est trompeur !
Que les filles sont à craindre,
Avec leurs airs enchanteurs
A présent je me méfie.
Il vaut mieux tard que jamais.
Je renonce pour la vie
A tous leurs charmants attraits.

8

Dorénavant je veux suivre
L’aimable dieu des raisins.
Dès aujourd’hui je m’enivre
Est-il plus heureux destin ?
Enrôlons nous camarade
Sous l’étendard de Bacchus
Allons boire des rasades,
Et renonçons à Vénus.

(Chansons du XVIIIè)

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À UNE ALOUETTE, 1 (William Wordsworth)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2023



Illustration
    
À UNE ALOUETTE, 1

Emporte-moi ! Emporte-moi dans les nuages !
Car ton chant, Alouette, est puissant ;
Emporte-moi ! Emporte-moi dans les nuages !
Chantant, chantant,
Le ciel et la nuée autour de toi sonnant,
Élève et guide-moi jusqu’à ce que j’affleure
À ce lieu qui semble si fort selon ton coeur !

J’ai traversé des solitudes désolées,
Et aujourd’hui mon coeur est las;
Si maintenant j’avais les ailes d’une Fée,
Je volerais là-haut vers toi.
Je sens en toi folie, et joie des dieux
Dans ce chant qui jaillit de toi;
Élève-moi, guide-moi au plus haut des cieux
Jusqu’en ce lieu où tu festoies.

Gaie comme le matin,
Pleine de rire et de dédain,
Tu as un nid pour tes amours et ton repos,
Et bien que tu sois peu portée à la paresse,
Ivre Alouette ! il ne te plairait pas
D’être un voyageur tel que moi.
Tu es la vivante allégresse,
Ton âme est forte ainsi qu’un torrent de montagne
Qui chante sa louange aux dons du Tout-puissant.
Que soient avec nous deux la gaieté et la joie !

Hélas je dois aller mon chemin tortueux,
Cahin-caha, par la lande épineuse ou la poussière
De la route mais, t’écoutant, toi ou tes frères
Aussi pleins de gaieté et libres dans les cieux,
Satisfait de mon sort, poursuivrai à pas lents
Jusqu’au bout, dans l’espoir de sublimes élans.

***

TO A SKYLARK, 1

Up with me ! up with me into the clouds !
For thy song, Lark, is strong;
Up with me ! up with me into the clouds !
Singing, singing,
With clouds and sky about thee ringing,
Lift me, guide me, till I find
That spot which seems so to thy mind !

I have walked through wildernesses dreary,
And to-day my heart is weary;
Had I now the wings of a Faery,
Up to thee would I fly.
There is madness about thee, and joy divine
In that song of thine;
Lift me, guide me, high and high
To thy banqueting place in the sky.

Joyous as morning,
Thou art laughing and scorning;
Thou hast a nest for thy love and thy rest,
And, though little troubled with sloth,
Drunken Lark! thou wouldst be loth
To be such a traveller as I.
Happy, happy Liver,
With a soul as strong as a mountain river
Pouring out praise to the almighty Giver,
Joy and jollity be with us both !

Alas ! my journey, rugged and uneven,
Through prickly moors or dusty ways must wind;
But hearing thee, or others of thy kind,
As full of gladness and as free of heaven,
I, with my fate contented, will plod on,
And hope for higher raptures, when life’s day is done.

(William Wordsworth)

Recueil: Poèmes
Traduction: François-René Daillie
Editions: Gallimard

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L’Orgueil (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2023




    
L’Orgueil

Vos mépris ne m’atteignent pas,
Vos paroles non plus,
Votre ironie m’amuse
Et vos talents divers me laissent
Indifférent.

Vous barbouillez quand je dessine,
Vous balbutiez quand j’écris.

Je suis requin, je glisse
Très au-dessus de vos jardins
D’éponges.

Le silence est mon royaume,
Je m’y dresse tout seul,
Habillé de cristal,
Fragile,
Indestructible,
Mais tellement plus haut que vous,
Dur comme le diamant.

Je vous contemple de très haut,
Je suis le compagnon des aigles,
Votre dédain ne m’atteint pas,
Ni vos silences.

Je suis tout habillé d’amiante,
Je sais piétiner vos fournaises,
En ressortir vivant
Plus étincelant que jamais,
Superbe.

Vous n’êtes rien pour moi
Que des guerriers de givre.

Vos louanges, vos symphonies
Ne sont qu’un peu de vent pour moi,
Je tournoie tout seul
En plein ciel.

Je vous survole.

JE VOUS IGNORE.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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FILLE (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2022




    
FILLE

Tes chaudes mains, souples brandons,
Frôlent en vain ma solitude;
Ton plaisir ne m’est qu’une étude;
Le dédain préside à mes dons.

Le fruit banal où nous mordons
Pend triste au clos de l’habitude;
Je farde mal mon hébétude
Du frais carmin des abandons.

Sans que ta force ne le sente,
Ton désir n’étreint qu’une absente;
Le coeur distrait rêve ou s’endort.

Comme une fille ses piastres,
Au bord du ciel, alcôve d’or,
Mes yeux pensifs comptent les astres.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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Femmes (Paul Fort)

Posted by arbrealettres sur 28 août 2019



Claude Sauzet  (9)

 

Femmes avares gonflées de dons,
généreuses, dont les mains sont prisonnières
d’une vertu ou d’un devoir,
filles dont les cheveux sont des sillages,
voici que je deviens pour vous sans consistance.
Vous me traversez, tel un vent pressé
qui ne prend pas souci du paysage.
Votre dédain vient souligner de craie
mes cheveux blancs
et de fusain mes rides.
Me voici devenu le fantôme d’un homme,
plus malheureux qu’un chien perdu.

(Paul Fort)

Illustration: Claude Sauzet

 

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Dieu (César Vallejo)

Posted by arbrealettres sur 18 août 2019



Illustration: Jeannette Guichard-Bunel
    
Dieu

Je sens Dieu marcher
tellement en moi, avec le soir et la mer.
Ensemble nous allons avec lui. La nuit tombe.
Ensemble nous sombrons dans la nuit, orpheline Solitude…

Mais je sens Dieu. Et même il semble
qu’il me dicte je ne sais quelle bonne couleur.
Comme un hospitalier, il est bon et triste;
s’étiole un tendre dédain d’amoureux :
son coeur doit lui faire très mal.

Oh, mon Dieu, je m’approche tout juste de toi,
maintenant que j’ai tant d’amour ce soir; maintenant
que dans la fausse balance des seins,
je mesure et pleure une fragile Création.

Et toi, comme tu pleureras… Toi, amoureux
d’un si énorme sein giratoire…
Je te sacre DIEU, parce que tu aimes tant;
parce que tu ne souris jamais; parce que ton coeur
toujours doit te faire très mal.

(César Vallejo)

 

Recueil: Poésie complète 1919-1937
Traduction: Nicole Réda-Euvremer
Editions: Flammarion

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L’amour ne brûle plus (Honoré d’Urfé)

Posted by arbrealettres sur 9 juillet 2019



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L’amour ne brûle plus, ou bien il brûle en vain ;
Son carquois est perdu, ses flèches sont froissées,
Il a ses dards rompus, leurs pointes émoussées,
Et son arc sans vertu demeure dans sa main.

Ou, sans plus être Archer d’un métier incertain,
Il se laisse emporter à plus hautes pensées,
Ou ses flèches ne sont en nos coeurs adressées,
Ou bien, au lieu d’amour, nous blessent de dédain.

Ou bien, s’il fait aimer, aimer c’est autre chose
Que ce n’était jadis, et les lois qu’il propose
Sont contraires aux lois qu’il nous donnait à tous.

Car aimer et haïr, c’est maintenant le même,
Puisque pour bien aimer il faut être jaloux.
Que si l’on aime ainsi, je ne veux plus qu’on m’aime

(Honoré d’Urfé)

Illustration: Alexander Sulimov

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J’ai grandi en baignant dans l’eau de la nature (Pablo Neruda)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2019




J’ai grandi en baignant dans l’eau de la nature
tel le mollusque dans le phosphore marin :
le sel brisé qui me heurtait et m’emplissait
de son écho, construisait mon propre squelette.
Comment vous expliquer : sans mouvement ou presque
de cette respiration, bleue haleine amère,
une à une les vagues répétèrent
ce que je pressentais et qui palpitait là,
et pour finir sel et écume me formèrent :
le dédain et aussi le désir d’une vague,
le rythme vert qui au coeur de l’impénétrable
bâtit un édifice transparent,
ce secret-là se maintint ferme et aussitôt
Je sentis que mon coeur battait à l’unisson :
que mon chant grandissait en même temps que l’eau.

(Pablo Neruda)

 
Illustration: ArbreaPhotos

 

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