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Poésie

Posts Tagged ‘blotti’

Tu fais taire ce brouhaha (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 6 avril 2024




Illustration
    
tu fais taire
ce brouhaha
ces voix ces
rumeurs

tu voiles de brume
tout cela
qui ne peut
que dévorer
l’oeil

et tu gravis
la pente

t’établis
en amont

et là
blotti
dans l’oeil-berceau
sourd et aveugle
tu attends
que te gorge
le murmure
de la source

(Charles Juliet)

Recueil: Ce pays de silence précédé de Trop ardente et L’Inexorable
Editions: P.O.L.

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Températures (Hans Magnus Enzensberger)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2024




    
Températures

Il est des températures que n’indique aucun thermomètre,
seule la peau peut les ressentir:
la tiède émanation du bébé qui sent le petit lait,
le frais parfum des pêches émanant du réfrigérateur,
la rage qui nous gonfle les veines, nous rougit le visage,
et la froide fleur de givre qui brûle l’enfant à la langue curieuse;
mais aussi la fièvre de la jalousie brûlant au bout des doigts,
la honte incandescente qui embrase la cervelle,
et ce qui, jamais et nulle part, ne survient dans notre galaxie:
les chaleurs de ceux qui, blottis dans le lit, dorment l’un contre l’autre.

***

Temperaturen

Temperaturen gibt es, die kein Thermometer mißt,
nur die Haut kann sie unterscheiden:
Den lauen Babydunst, der nach Buttermilch riecht,
den kühlen Hauch der Pfirsiche aus dem Kühlschrank,
den rötlichen Ausschlag der Wut, die uns die Masern in
das Gesicht treibt,
und die kalte Eisblume, die dem Kind auf der neugierigen
Zunge brennt;
ferner die fiebrige Glut der Eifersucht in den Fingerspitzen,
die hitzige Scham, die das Gehirn überschwemmt,
und was nie und nirgends sonst vorkommt in unserer Galaxie:
die beiden Wärmen der im Bett aneinander sich schmiegenden Schläfer.

(Hans Magnus Enzensberger)

Recueil: L’HISTOIRE DES NUAGES 99 méditations
Traduction: de l’allemand par Frédéric Joly et Patrick Charbonneau
Editions: Vagabonde

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BERCEUSE D’ACTIONS DE GRACES (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 janvier 2024




    
BERCEUSE D’ACTIONS DE GRACES

Dors, mon pauvre coeur, ta journée est lasse.
C’est assez longtemps courir sur la trace
De l’amour qui fuit, du bonheur qui passe.

Dors, mendiant, dors…

C’est assez longtemps mendier ton pain,
Raconter ta peine et tendre la main,
Dors, tu n’en auras jamais à ta faim.

Dors, mendiant, dors…

Ne cherche plus rien, joins les mains et serre
Ta joie immense, ô ma longue misère,
D’avoir ce soir presque le nécessaire.

Dors, mendiant, dors…

Dors, puisqu’un bon riche à la fin du jour
Jusqu’à toi venu par un long détour
T’a fait l’aumône, enfin ! d’un peu d’amour.

Dors, mendiant, dors…

Dors, il t’a couvert d’un manteau de laine,
Tu n’as plus besoin de rien ô ma peine,
Raconte-toi tout bas ta bonne aubaine.

Dors, mendiant, dors…

C’est un vieil habit qui servit beaucoup.
On l’a tant mis qu’il n’en reste qu’un bout
Effiloché, déteint, troué partout.

Dors, mendiant, dors…

Il s’est usé, ce manteau de tendresse,
Sur tant et tant d’épaules en détresse
Qu’il t’est trop court, ô dernière pauvresse.

Dors, mendiant, dors…

Mais c’est assez, cette loque, c’est trop,
Cette bonté, c’est plus qu’il ne te faut
Pour t’endormir dessus, pour avoir chaud.

Dors, mendiant, dors….

Fais-toi bien petit, bien bas, de manière
À t’envelopper l’âme tout entière
Dans ce bout de joie et clos ta paupière.

Dors, mendiant, dors…

Sur ton bonheur, le coeur émerveillé,
Pose la tête et dors sans t’éveiller
Comme un enfant las sur son oreiller.

Dors, mendiant, dors…

Dors sur ton bonheur, dors et chante en rêve,
Dors, sans avoir peur que la nuit s’achève,
Dors, sans avoir peur que le jour se lève.

Dors, mendiant, dors…

Et si le temps passe encor, si le vent
Te prend tes haillons, si tout en rêvant
Tu demeures nu comme auparavant,

Dors, mendiant, dors…

Si la pitié que tu tiens ramassée
Sur ton coeur frileux demain est passée,
Dors dans la douceur qu’elle t’a laissée.

Dors, mendiant, dors…

Et béni soit pour cet habit fané
Celui qui vers toi s’étant retourné
S’il avait eu plus te l’aurait donné.

Dors, mendiant, dors…

Et béni soit Dieu ! Lui qui nous apprête
Le manteau d’amour tout entier, la fête
Qui nous couvrira des pieds à la tête.

Dors, mendiant, dors…

Béni soit Dieu ! Sous son manteau blottis
Avec tous les saints, les grands, les petits,
Nous aurons bien chaud dans le Paradis.

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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Une nuit (Constantin Cavafis)

Posted by arbrealettres sur 30 décembre 2023



Illustration: Jean-Baptiste Valadie
    
Une nuit

La chambre était pauvre et ordinaire,
blottie au-dessus d’un bar douteux.
Par la fenêtre, la ruelle,
étroite et crasseuse. D’en bas
montaient les voix de quelques ouvriers .
qui jouaient aux cartes et s’en donnaient à coeur joie.

Et là, sur le lit humble et banal,
j’ai eu le corps de l’amour, j’ai eu les lèvres
voluptueuses et roses d’ivresse —
roses d’une telle ivresse qu’à l’heure même
où j’écris, après tant d’années,
dans ma maison déserte, j’en suis ivre à nouveau.

(Constantin Cavafis)

Recueil: Poèmes anciens ou retrouvés
Traduction: Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
Editions: Seghers

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SOUHAITS (Lucia Amara Baltzli)

Posted by arbrealettres sur 16 Mai 2023



Illustration: Adèle Vergé
    
SOUHAITS,

Dans l’immensité de tes bras
Se perdre à tout jamais
Oubliant le temps
Oubliant les gens.
Se blottir contre toi
Sentir ta force
Se sentir protégée.
Fermer les yeux et ne plus se réveiller
Fermer les yeux et changer de lieux
Se perdre dans tes yeux
Se perdre dans ton monde
Se blottir dans tes bras
Se blottir contre toi
Sentir la douceur de tes lèvres
De tes baisers
Sentir tes caresses, ta tendresse.
Vouloir que le temps s’arrête
Vouloir que la vie s’arrête
Pour pouvoir rester blottie dans tes bras
Pour rester contre ton corps
S’endormir dans la douceur et la chaleur de tes bras
Ne plus vivre que pour ces instants
Ne plus vivre que pour la pureté, de nos sentiments.

(Lucia Amara Baltzli)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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À l’époque où nous étions ensemble (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 2 avril 2023



Illustration: Edvard Munch
    
À l’époque où nous étions ensemble
à chaque moment — quand nous
étions blottis allongés l’un contre
l’autre — quand nous admirions
les merveilles de Florence —
quand nous marchions ensemble
sur un chemin ensoleillé — quand
nous étions assis ensemble —
et même dans les moments
où le bonheur aurait dû être le plus
intense — la lumière du bonheur
m’atteignait seulement comme
par une porte entrebâillée —
une porte qui séparait ma sombre
cellule de la grande et lumineuse
salle de bal de la vie

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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Blottie dans son propre galbe (Jaroslav Seifert)

Posted by arbrealettres sur 11 mars 2023



Illustration: Andrzej Malinowski
    
Blottie dans son propre galbe,
le corps de la jeune fille rayonne
et la fille baisse les cils
pour mieux encore veiller.
La main cependant dérape légèrement
sur la peau lisse.

Même une tête pleine d’amour demeure légère
et il paraît qu’un baiser ne pèse guère plus
que la fleur qu’on fait tomber
quand les lèvres insistantes se précipitent
jusqu’aux endroits gardés jalousement
par le lion et par la colombe.

(Jaroslav Seifert)

Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud

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SUR L’AIR D’UN BODDHISATVA D’AILLEURS (Li Yù)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    
SUR L’AIR D’UN BODDHISATVA D’AILLEURS

Sous des étincelles d’astres, par la lune assombrie,
enveloppée de brume légère,
C’est là une belle nuit pour vous rejoindre, mon Seigneur,
Chaussettes retirées pour gravir les marches parfumées,
Tenant à la main mes escarpins cousus d’or.

Du côté sud de la salle aux peintures vous voici ;
Là, une fois contre vous blottie toute tremblante :
Votre servante s’est donné du mal pour s’échapper,
S’il vous plait, laissez-vous bien aller à la tendresse.

***

(Li Yù) (937 – 978)

 

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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Le Pays (Charles-Ferdinand Ramuz)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2022




    
Le Pays

C’est un petit pays qui se cache parmi
ses bois et ses collines;
il est paisible, il va sa vie
sans se presser sous ses noyers;
il a de beaux vergers et de beaux champs de blé
des champs de trèfle et de luzerne,
roses et jaunes dans les prés,
par grands carrés mal arrangés;
il monte vers les bois, il s’abandonne aux pentes
vers les vallons étroits où coulent des ruisseaux
et, la nuit, leurs musiques d’eau
sont là comme un autre silence.

Son ciel est dans les yeux de ses femmes,
la voix des fontaines dans leur voix;
on garde de sa terre aux gros souliers qu’on a
pour s’en aller dans la campagne;
on s’égare aux sentiers qui ne vont nulle part
et d’où le lac paraît, la montagne, les neiges
et le miroitement des vagues;
et, quand on s’en revient, le village est blotti,
autour de son église,
parmi l’espace d’ombre où hésite et retombe
la cloche inquiète du couvre-feu.

(Charles-Ferdinand Ramuz)

 

Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite

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Après la pluie (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 26 juillet 2021



Après la pluie

La pluie glisse sur la vitre
Arrose des jours sans verdure
Des champs bavards
D’oiseaux et de moissons
Sous des arbres qui rêvent
Blottis dans le ciel
Qui secoue ses nuages
Au-dessus des toits
Le vent tord l’espace
Qui s’égoutte sur le feuillage
Sur la surface criblée du ruisseau
Sur tes paumes ouvertes à sa bénédiction
Sur ton visage heureux
Alors que l’arc décoche
La décomposition de la lumière.

(Jean-Baptiste Besnard)

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