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Posts Tagged ‘tranchant’

La première lune d’hiver (Pan Qie Yu)

Posted by arbrealettres sur 3 février 2024



Illustration: Wu Songting   
    
La première lune d’hiver annonce les courants froids
Le vent du nord s’engouffre cruel et tranchant.
J’endure la peine et sais la nuit longue.
Les étoiles hiérarques s’égrènent dans la nuit claire
Au quinzième jour, la lune est pleine
Et au vingtième déjà ses ombres se brisent.
Un voyageur pâle me tend une lettre seule.
J’ai lu au premier vers « amour immortel »
J’ai lu au dernier vers « douleur infinie d’être encore séparés »,
J’ai conservé cette lettre dans les plis de ma robe
Trois ans déjà sont passés mais les mots n’ont pas blanchi.
Je m’offre entière à cette unique ferveur
Et je tremble que jamais tu n’en voies la valeur.

(Pan Qie Yu)

(Ier siècle av. J.-C.)

Recueil: Classiques de la poésie chinoise
Traduction: Alexis Lavis
Editions: Presses du Châtelet

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Le crocodile et l’esturgeon (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024




    
Le crocodile et l’esturgeon

Sur la rive du Nil un jour deux beaux enfants
S’amusaient à faire sur l’onde,
Avec des cailloux plats, ronds, légers et tranchants,
Les plus beaux ricochets du monde.

Un crocodile affreux arrive entre deux eaux,
S’élance tout-à-coup, happe l’un des marmots,
Qui crie et disparaît dans sa gueule profonde,
L’autre fuit, en pleurant son pauvre compagnon.

Un honnête et digne esturgeon,
Témoin de cette tragédie,
S’éloigne avec horreur, se cache au fond des flots ;
Mais bientôt il entend le coupable amphibie

Gémir et pousser des sanglots :
Le monstre a des remords, dit-il : ô providence,
Tu venges souvent l’innocence ;
Pourquoi ne la sauves-tu pas ?

Ce scélérat du moins pleure ses attentats ;
L’instant est propice, je pense,
Pour lui prêcher la pénitence :
Je m’en vais lui parler.

Plein de compassion,
Notre saint homme d’esturgeon
Vers le crocodile s’avance :
Pleurez, lui cria-t-il, pleurez votre forfait ;

Livrez votre âme impitoyable
Au remords, qui des dieux est le dernier bienfait,
Le seul médiateur entre eux et le coupable.
Malheureux, manger un enfant !

Mon cœur en a frémi ; j’entends gémir le vôtre…
Oui, répond l’assassin, je pleure en ce moment
De regret d’avoir manqué l’autre.
Tel est le remords du méchant.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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Feuilles d’iris (André Durand)

Posted by arbrealettres sur 13 décembre 2023



iris
Feuilles d’iris,
leur bord dans le soleil comme un tranchant:
j’aime le soleil, les ombres,
me chauffer, ici, sur la pierre.
C’est pourquoi j’importe si peu.

(André Durand)

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J’épluche une poire (Masaoka Shiki)

Posted by arbrealettres sur 10 décembre 2023



J’épluche une poire
Du tranchant de la lame
Le goutte à goutte sucré.

(Masaoka Shiki)

 

 

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TOUSSAINT POUR TOI MAMAN (Odette Romeu)

Posted by arbrealettres sur 15 septembre 2023




    

« Puis à l’heure par Dieu choisie
Je partirai pour les grands Cieux
Adieu la terre, adieu la vie
Où l’on ne peut pas être heureux »
Marguerite ORRIT
(1962, juste avant sa mort)

TOUSSAINT POUR TOI MAMAN
A mon père A mon frère A ma tante

Toussaint… et j’omettais de t’envoyer des fleurs
M’en voudras-tu, maman, toi jadis toujours prête
A t’enfuir comme moi vers l’azur des poètes ?
Je pense qu’aujourd’hui l’amertume des pleurs

Qui brouillent mon regard et baignent mon visage
Et cette main qui tremble au long de cette page
Te prouveront assez, qu’après bientôt dix ans,
Je garde au fond du coeur, tranchant comme une lame,

Aussi dense, aussi dur, le souvenir du drame
De cette nuit hagarde où pendant si longtemps
J’ai dû, pâle et glacée, accourir vers ces lieux
Où tu n’étais plus qu’ombre en la clarté funèbre

Des cierges vacillant au milieu des ténèbres,
Toi dont je n’avais pu fermer les pauvres yeux.
Depuis, sourde à la voix d’un cyprès d’où retombent
Des écailles tissant un linceul clairsemé,

Tu dors : un cyclamen, quelques glaïeuls, des tombes…
Et sur ce clou profond mon coeur s’est refermé.
Pourtant je ne crois pas qu’un mur longtemps résiste

Même si c’est la Mort, aux assauts de l’Amour
Et j’entrevois en songe un collier d’améthyste
Où tu luiras pour moi, plus pure encore, un jour.

Mais avant, que d’écueils, mais avant, que de larmes
Sur ma route d’exil je devrai rencontrer.
Dis, toutes ces douleurs, dis, toutes ces alarmes,
Si l’amour jusqu’à toi les force à pénétrer,

A travers ce linceul dont nous t’avions drapée
Ne les ressens-tu pas encor comme une épée ?
Et n’as-tu pas encor, graves et triomphants,
Des mots mélodieux pour bercer ton enfant ?

Quand mon corps se révolte à l’acmé de sa fièvre,
N’est-ce pas toi qui clos d’un doigt tendre mes lèvres ?
Ce bleu vers le zénith, dis, n’est-ce pas ta main
Dans l’arc-en-ciel mouvant, qui montre le chemin ?

Et pour que n’erre plus mon âme solitaire,
N’as-tu pas fait reluire un nouveau sanctuaire ?
Toi qui me chérissais si maladroitement,
Prête à donner ta vie afin que je renaisse,
Toi qui voyais le monde à travers un tourment,
Qui m’irritais parfois à force de tendresse,

A force de vouloir, éperdument, mourir,
De trop scruter le ciel sans regarder à terre,
De trop heurter du pied, à chaque pas, des pierres,
Toi que dans mon oubli je n’ai pas su fleurir
De ces roses, miroir de ton âme rêveuse
Où tes yeux auraient vu passer ma main pieuse,

En ce jour de Toussaint où croulent tant de fleurs,
Où tant de marbre luit sous tant de chrysanthèmes,
De mes doigts sans bouquet recueille ce poème
Où chaque rose perle et tremble comme un pleur.

(Odette Romeu)

Recueil: Sur les rives du Jourdain
Editions: émergences

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CROIS A L’ESPERANCE ! (Rosa Burel)

Posted by arbrealettres sur 13 Mai 2023




    
CROIS A L’ESPERANCE !

Le visage serein de la nature en fleurs
Augure d’un beau rêve et vient sécher mes pleurs
Les affres de la nuit aux tranchantes framées,
Me semblent, ce matin, à jamais décimées.
L’aurore a dû verser sur mon front, dans mes yeux
Un sublime rayon envoyé par les cieux.
Chante, l’espoir, mon âme, et crois à l’Espérance !
Son sillage d’amour s’adonne à la souffrance.
Sois le flambeau sacré qui ne saurait finir
D’éclairer le tréfonds d’un suprême avenir.

(Rosa Burel)

Recueil: à coeur ouvert
Editions: Bertout

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« Soudain, je n’avance pas… » (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 21 Mai 2022




Illustration: Giacomo Balla
    
« Soudain, je n’avance pas… »

Soudain, je n’avance pas, et soudain
Le geste vole en éclat, comme le verre.
Des voyelles remoulues à coups de pierre.

Des yeux vivants, dans la queue du paon,
M’ont encadré d’un tir sec,
Aveugles de trente soleils sans levers.

Comme, entre les dents, du sable prisonnier
Seulement en rayant l’émail se défend,
Des vers je fais des tranchants contre le rien.

Et suspendu de moi-même, la voix suspendue,
Dans la cécité des soleils j’ouvre des lampes
Que ma main transporte en aube.

***

«Num repente, não ando… »

Num repente, não ando, e num repente
O gesto se estilhaça, como o vidro
Das vogais remoídas a pedradas.

Olhos vivos, na cauda do pavão,
De seca pontario me enquadraram,
Cegos de trinta sóis sem madrugadas.

Como, entre dentes, areia prisioneira
No sel riscar do esmalte se defende,
Faço de versos gumes contra o nada.

E suspenso de mim, a voz suspensa,
Na cegueira dos sóis abro candeias
Que a minha mão transporta em alvorada

(José Saramago)

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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L’ANGE (Michel Lermontov)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2022




    
L’ANGE

Un ange, à minuit, volait dans les cieux,
Chantant un chant délicieux.
Les astres, la lune, ensemble, écoutaient
Ce chant rayonnant de beauté.

Il chantait la joie où les esprits purs
Vivent dans le céleste azur.
Il parlait de Dieu, sa louange était
Toute extase et sincérité.

Il portait une âme exquise en ses bras.
Sur terre elle s’enténébra.
Et l’écho du chant dans le jeune esprit
Demeura sans mots, mais compris.

Et longtemps sur terre il s’étiola,
Soupirant après l’Au-Delà.
Et ne purent jamais nos sons durs et tranchants
Remplacer le céleste chant.

(Michel Lermontov)

Recueil: Michel Lermontov Poèmes
Traduction: Igor Astrow
Editions: Du Tricorne

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Nous sommes tous (Petre Stoica)

Posted by arbrealettres sur 22 mars 2021




    
Nous sommes tous

une fourmi
traversant
insouciante
le tranchant
de la hache

(Petre Stoica)

Découvert ici: https://schabrieres.wordpress.com/

Recueil: Le blues roumain
Traduction:
Editions: Unicité

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HARPE (Ivan Hristov)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2020



Illustration: Alexander Baytoshev  
    
HARPE

Ton corps est une harpe
cordes le long d’une enceinte
caisse de résonance
captée avec les doigts
nuque
surfaces
tranchants
en forme de triangle
un arc pour la chasse
troubadours
trouvères
ménestrels
Monteverdi
Glück
Berlioz
caractéristique glissando
pour arrêter l’écho
je pose doucement une
ou mes deux mains
sur les cordes.

***

HARFA

Tvoje telo je harfa
Žice duž zvučne ploče
Rezonantna kutija
Pokreće se prstima
Vrat
Povisilica
Snizilica
Obliku trijangla
Gudalo
Trubadura
Truvera
Mnesanga
Monteverdija
Gluka
Berlioza
Karakterističan glisando
Koji zaustavlja
Rezonancu
Lagano stavljam jednu
A ona drugu ruku
Preko žica

***

HARFE

Dein Körper ist eine Harfe
Saiten entlang des Klangbodens
ein erklingender Rahmen
mit den Fingern gezupft
Hals
Fläche
Schärfe
in der Form eines Dreiecks
ein Jagdbogen
Troubadours
Trouvères
Minnesänger
Monteverdi
Gluck
Berlioz
charakteristische Glissandi
um die Resonanz zu stoppen
lege ich sanft eine
oder beide Hände
auf die Saiten

***

HARP

Jouw lichaam is een harp
snaren langs een klankbord
een resonatordoos
geplukt met vingers
hals
vlakten
scherptes
in de vorm van een driehoek
een jachtboog
troubadours
trouvères
Minnesänger
Monteverdi
Gluck
Berlioz
karakteristiek glissando
om de weergalm te stoppen
leg ik zachtjes een
of mijn beide handen
op de snaren

***

HARP

Your body is a harp
strings along a sound-board
a resonator box
plucked with fingers
neck
flats
sharps
in the shape of a triangle
a hunting bow
troubadours
trouvères
Minnesänger
Monteverdi
Gluck
Berlioz
characteristic glissando
to stop the resonance
I lightly place one
or both of my hands
on the strings

***

HARPA

O teu corpo é uma harpa
cordas ao longo de uma placa de som
uma caixa de ressonância
arrancada com dedos
pescoço
planos
agudos
na forma de um triângulo
um arco de caça
trovadores
trouvères
Minnesänger
Monteverdi
Gluck
Berlioz
caracteristicamente deslizando
para pôr fim à ressonância
coloco ao de leve uma
ou as minhas duas mãos
nas cordas

***

ARPA

Tu cuerpo es un arpa
de cuerdas unidas en una pantalla de sonido
una caja de resonancia
extraída con los dedos
cuello
suelo
objetos punzantes
en forma de triángulo
un arco de caza
trovadores
trouvères
Minnesänger
Monteverdi
Gluck
Berlioz
glissando característico
para detener la resonancia
pongo levemente una
o las dos manos
en las cuerdas.

(Ivan Hristov)

 

Recueil: ITHACA 578
Traduction: Français Angela Rodel – Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Bulgare / Allemand Angela Rodel Wolfgang Klinck / Néerlandais / Anglais Angela Rodel / Portugais Maria do Sameiro Barroso / Espagnol Rafael Carcelén /
Editions: POINT

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