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GLOSSAIRE DE LA GLACE (Kenneth White)

Posted by arbrealettres sur 19 juin 2024




Illustration: ArbreaPhotos
    
GLOSSAIRE DE LA GLACE

1. Frasil

À sa genèse
un léger lacis
à peine organisé.

2. Nilas

Le contexte se densifie
considérablement
se changeant peu à peu
en une masse mobile
et instable.

3. Grise

Matière solide
bien installée
de plus en plus
compactée.

4. Pack

première année, opaque
dépassant un mètre d’épaisseur

deuxième année, bleu lumineux
sur, disons, trois mètres

peut être fermé
(formant un seul bloc
sans passage possible)

ou ouvert —
sillonné de chenaux
d’où émane une vapeur gelée.

5. Paléocrystique

Pack superdense

là-haut dans la zone polaire
absolument solitaire.

***

A GLOSSARY OF ICE

1. Frazil

At inception
a frail lacey fuzz
scarcely articulate.

2. Nilas

The context densifies
considerably
turning slowly into
a mobile
unstable mass.

3. Gray

Solid matter
sure of itself
more and ever more
compacted.

4. Pack

First year, opaque
about five feet thick

second year, luminous blue
say ten feet through

can be closed
(bunched up
offering no passage)

or open —
lanes leading through it
wreathed with frost smoke.

5. Paleocrystic

Superpacked

up there in the polar zone
absolutely on its own.

(Kenneth White)

Recueil: Les archives du littoral
Traduction: de l’anglais par Marie-Claude White
Editions: Mercure de France

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Peu à peu la campagne s’étend (Fernando Pessoa)

Posted by arbrealettres sur 17 Mai 2024




    
Peu à peu la campagne s’étend et se couvre d’or.
Le matin s’égare sur les reliefs de la plaine.
Je suis étranger au spectacle que je vois : je le vois.
Il est en dehors de moi. Aucun sentiment ne me rattache à lui,
Et c’est bien ce sentiment qui me relie à la naissance du jour.

(Fernando Pessoa)

Recueil: Poèmes jamais assemblés
Traduction: du portugais par Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade,Fabienne Vallin
Editions: Unes

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Le matériau dont les mots sont faits (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2024



Illustration: Wordart Nuages de Mots
    
Le matériau dont les mots sont faits et le mortier qui les unit
m’ont peu à peu enseigné un rythme secret et solitaire.

J’ai appris que toute construction est une musique
et que toute musique est faite de regards.
Le regard d’un mot est son sens,
entre les paupières tremblantes d’une perte.

Car ce n’est pas nous qui regardons les mots :
ce sont eux qui nous regardent
et peut-être aussi au-delà de nous,
en battant des paupières d’un rythme secret et solitaire.

Peut-être que demain je trouverai un mot
qui ne regarde plus vers nulle part
et ne batte pas non plus des paupières.
Un mot qui se laisse regarder.

(Roberto Juarroz)

Recueil: Poésie verticale
Traduction: de l’espagnol par Roger Munier
Editions: Gallimard

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Je vis l’oiseau qui le soleil contemple (Joachim du Bellay)

Posted by arbrealettres sur 13 février 2024



    
Je vis l’oiseau qui le soleil contemple

Je vis l’oiseau qui le soleil contemple
D’un faible vol au ciel s’aventurer,
Et peu à peu ses ailes assurer,
Suivant encor le maternel exemple.

Je le vis croître, et d’un voler plus ample
Des plus hauts monts la hauteur mesurer,
Percer la nue, et ses ailes tirer
Jusqu’au lieu où des dieux est le temple.

Là se perdit : puis soudain je l’ai vu
Rouant par l’air en tourbillon de feu,
Tout enflammé sur la plaine descendre.

Je vis son corps en poudre tout réduit,
Et vis l’oiseau, qui la lumière fuit,
Comme un vermet renaître de sa cendre.

(Joachim du Bellay)

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Destination : arbre (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2023



Illustration: Christine Delfosse
    
Destination : arbre

Parcourir l’Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l’argile

Peu à peu
S’affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l’espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit

Évoquer ensuite
Au coeur d’une métropole
Un arbre un seul
Enclos dans l’asphalte
Éloigné des jardins
Orphelin des forêts

Un arbre
Au tronc rêche
Aux branches taries
Aux feuilles longuement éteintes

S’unir à cette soif
Rejoindre cette retraite
Écouter ces appels

Sentir sous l’écorce
Captives mais invincibles
La montée des sèves
La pression des bourgeons
Semblables aux rêves tenaces
Qui fortifient nos vies

Cheminer d’arbre en arbre
Explorant l’éphémère
Aller d’arbre en arbre
Dépistant la durée.

(Andrée Chedid)

Recueil: Andrée Chedid Poèmes
Editions: Flammarion

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C’est vous quand vous êtes partie (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2023




    

C’est vous quand vous êtes partie,
L’air peu à peu qui se referme
Mais toujours prêt à se rouvrir
Dans sa tremblante cicatrice

Et c’est mon âme à contre-jour
Si profondément étourdie
De ce brusque manque d’amour
Qu’elle n’en trouve plus sa forme

Entre la douleur et l’oubli.

Et c’est mon coeur mal protégé
Par un peu de chair et tant d’ombre
Qui se fait au goût de la tombe

Dans ce rien de jour étouffé
Tombant des astres, goutte à goutte,
Miel secret de ce qui n’est plus

Qu’un peu de rêve révolu.

(Jules Supervielle)

Recueil: La Fable du monde suivi de Oublieuse mémoire
Editions: Gallimard

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JE TENAIS A TOUT (Pierre Reverdy)

Posted by arbrealettres sur 30 août 2023




    
JE TENAIS A TOUT

Dans les cloisons de l’air écoute un bruit de pas
Les oiseaux tournent sur ma tête
Leurs cercles ne resteront pas
Mais au fond de l’allée la porte s’est ouverte
On chante bas
Les gens qui passent
n’écoutent pas

Si vos yeux regardaient en l’air

On n’ira pas plus haut que les marches
du grenier ou du paradis
Le temps s’écaille
Dans la chambre où mon ombre a peu à peu grandi
La cloche appelle les passants
Ceux qui s’en vont et ceux qui rentrent
On voudrait ne pas entendre
Mais il faut bientôt repartir
On ne peut pas toujours dormir
Oublier l’heure qui passe
Connaître ce qui va venir
Un nom crié à toutes forces
Regarde sous tes fenêtres
Une figure inconnue qui n’a pas de corps
La rue déserte
La porte ouverte
Tous les trésors rêvés
Ma liberté aussi
Derrière moi sur le pavé
Une chaîne traîne sans bruit

(Pierre Reverdy)

Recueil: Main d’oeuvre 1913-1949
Editions: Gallimard

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Mes quartiers d’hiver (Bernard Dimey)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2023




    
Mes quartiers d’hiver

Lorsque le jour viendra de mes quartiers d’hiver,
Je mettrai tout mon or au fond de ma valise
Et puis je m’en irai, sans rien sous ma chemise,
Vers un très vieux couvent au milieu du désert,
Et quand j’arriverai devant le monastère
Ma valise et mon or, tout aura disparu,
Ma chemise sera déchirée par les pierres ;
Si Dieu m’assiste un peu, j’arriverai tout nu…

Si ma chance veut bien, la porte s’ouvrira
Et l’on me donnera peut-être un bol de soupe.
Je m’agenouillerai pour la prière en groupe,
Je me relèverai en disant : « Me voilà,
C’est moi… Je n’ai jamais vécu que de paroles,
Et si je viens chez vous, c’est qu’on n’y parle pas.
Je ne demande rien que d’être à votre école
Et je travaillerai pour payer mes repas ».

On me fera couper ma barbe et mes cheveux,
On me fera choisir une robe de bure,
Le calme se lira bientôt sur ma figure,
Et j’irai vers l’enfance et je deviendrai vieux.
Je me fabriquerai des Bon Dieu de fortune,
Un Paradis superbe et j’y croirai très fort.
Je me promènerai le soir au clair de lune
En prenant, peu à peu, la couleur du décor.

Je recommencerai ma vie rien que pour moi,
À reculons j’irai vers mon adolescence,
Je retrouverai bien les routes du silence,
Les chemins du Seigneur ou de la Belle au Bois.
Le bonheur ne sera qu’une habitude à prendre,
Les rides me viendront mais j’aurai les yeux clairs,
Je n’aurai rien à dire et plus rien à comprendre
Lorsque le jour viendra de mes quartiers d’hiver.

(Bernard Dimey)

Recueil: Le milieu de la nuit
Editions: Christian Pirot

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Rien ne cesse (Jean Cocteau)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2023



Illustration  
    
Rien ne cesse rien n’est les morts ne sont pas morts
Les vivants s’imaginent vivre
Un acte continue où l’on ne peut le suivre
Rien n’est dedans rien n’est dehors.

Rien ne pèse tout pèse et notre marche lourde
Est légère dans le sommeil
Aveugles sont nos yeux et nos oreilles sourdes
Dans un monde au rêve pareil.

D’autres formes sont là que jadis accumule
Avec celles du lendemain
Et ce que notre temps par un mensonge annule
Reste dans son avare main.

Tout combine un seul bloc que le temps nous débite
Peu à peu morceau par morceau.
Le bâton se brise dans l’eau
Et l’immobilité se vante d’aller vite.

Or parfois dans le rêve ou par quelque ressort
Qui l’étrange machine embrouille
L’invisibilité de sa cachette sort
Comme la Vénus d’une fouille.

(Jean Cocteau)

 

Recueil: Clair-obscur
Traduction:
Editions: Points

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Peu à peu (Santoka)

Posted by arbrealettres sur 27 août 2021




    
peu à peu j’imite les mauvaises habitudes
de mon père
qui n’est plus

***

(Santoka)

 

Recueil: Santoka Zen Saké Haïku
Traduction: Cheng Wing fun & Hervé Collet
Editions: Moundarren

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