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Posts Tagged ‘succéder’

Romance (Sophie d’Arbouville)

Posted by arbrealettres sur 14 février 2024



Illustration: Hans Thoma
    
Romance

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour :
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

En vous voyant, je me rappelle
Et mes plaisirs et mes succès ;
Comme vous, j’étais jeune et belle,
Et, comme vous, je le savais.

Soudain ma blonde chevelure
Me montra quelques cheveux blancs…
J’ai vu, comme dans la nature,
L’hiver succéder au printemps.

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

Naïve et sans expérience,
D’amour je crus les doux serments,
Et j’aimais avec confiance…
On croit au bonheur à quinze ans !

Une fleur, par Julien cueillie,
était le gage de sa foi ;
Mais, avant qu’elle fût flétrie,
L’ingrat ne pensait plus à moi !

Dansez, fillettes du Village,
Chantez vos doux refrains d’amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

À vingt ans, un ami fidèle
Adoucit mon premier chagrin ;
J’étais triste, mais j’étais belle,
Il m’offrit son cœur et sa main.

Trop tôt pour nous vint la vieillesse ;
Nous nous aimions, nous étions vieux…
La mort rompit notre tendresse…
Mon ami fut le plus heureux !

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour ;
Trop vite, hélas ! un ciel d’orage
Vient obscurcir le plus beau jour.

Pour moi, n’arrêtez pas la danse ;
Le ciel est pur, je suis au port,
Aux bruyants plaisirs de l’enfance
La grand-mère sourit encor.

Que cette larme que j’efface
N’attriste pas vos jeunes cœurs :
Le soleil brille sur la glace,
L’hiver conserve quelques fleurs.

Dansez, fillettes du village,
Chantez vos doux refrains d’amour,
Et, sous un ciel exempt d’orage,
Embellissez mon dernier jour !

(Sophie d’Arbouville)

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IRIS SENSIBLE AU TORRENT DE LARMES (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023



Illustration: Gilles Demarteau
    
IRIS SENSIBLE AU TORRENT DE LARMES

1

Le dieu d’amour tient mon cœur dans ses chaînes.
Je suis réduit à pousser des soupirs !
Quand finiront de si cruelles peines ?
Quand viendra-t-il le jour du plaisir ? (bis)

2

Je suis l’amant d’une ingrate maîtresse.
Depuis longtemps j’aime la jeune Iris.
J’ai bien marqué mes soins et ma tendresse.
L’ingrate n’a pour moi que du mépris. (bis)

3

Quand un amant sait aimer et peut plaire,
Qu’il est heureux ! Que n’ai-je un pareil sort !
Pour moi l’amour n’a rien que de sévère.
Pour vivre ainsi j’aimerais mieux la mort. (bis)

4

Coulant ruisseau cessez vos doux murmures ;
Augmentez-vous du coulant de mes pleurs.
Petits oiseaux voyez ce que j’endure ;
Cessez vos chants et plaignez mes malheurs. (bis)

5

Sombre forêt, séjour rempli des charmes
Où les amants goûtent tout doucement.
Arrosez vous de ce torrent de larmes
Que je répands pour soulager mon cœur. (bis)

6

Sa chère Iris était dedans la plaine
Qui entendait gémir ce tendre amant
Son cœur touché d’un amour qui l’entraîne
S’approche à lui pour finir son tourment. (bis)

7

Charmant berger pourquoi tant de tristesse ?
Cessez vos pleurs, finissez vos soupirs !
Si vous m’aimez vous aurez la tendresse.
Prenez mon cœur et goûtez du plaisir. (bis)

8

Quel changement je ressens dans mon âme !
Ma chère Iris vient soulager mon cœur.
Le dieu d’amour couronne enfin ma flamme.
Quel doux plaisir succède à ma douleur ! (bis)

(Chansons du XVIIIè)

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COMME IL ME SEMBLE (Ursula K. Le Guin)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2023




    
COMME IL ME SEMBLE

Dans l’abîme qui précède le temps, le moi n’est pas,
et l’âme se mêle à la brume, au rocher, à la lumière.
Avec le temps, l’âme amène le moi à l’existence.
Alors avec le temps le moi devient dur comme pierre,
tandis que l’âme se fait toujours plus légère,
jusqu’à perdre son emprise sur le moi
et les deux sont libres et peuvent s’en retourner
à l’immensité et se dissoudre dans la lumière,
la longue lumière qui succède au temps.

***

How IT SEEMS TO ME

In the vast abyss before time, self
is not, and soul commingles
with mist, and rock, and light. In time,
soul brings the misty self to be.
Then slow time hardens self to stone
while ever lightening the soul,
till soul can loose its hold of self
and both are free and can return
to vastness and dissolve in light,
the long light after time.

(Ursula K. Le Guin)

Recueil: Derniers poèmes
Editions: Aux Forges de Vulcain

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Il y a une Langueur de la Vie (Emily Dickinson)

Posted by arbrealettres sur 5 juin 2023




    
Il y a une Langueur de la Vie
Plus menaçante que la Douleur –
C’est ce qui Succède à la Douleur – lorsque l’Âme
A souffert tout ce qu’elle pouvait.

(Emily Dickinson)

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L’ombre d’une vague (António Ramos Rosa)

Posted by arbrealettres sur 21 juin 2021




    

L’ombre d’une vague charrie encore une autre ombre.
À la vague d’une ombre succède une autre vague.
À mon cheval perdu je dois ouvrir le chemin d’un
autre cheval plus fort et partout présent.

Le bleu-vert sombre d’une colline ou d’un nuage
(la tempête a arraché tes vêtements). Nus nous
sommes maintenant l’eau verte d’une poitrine et le
pain blanc de la maison sur les dunes.

Sous le soleil nous sommes des animaux fauves, rouges,
qui se nourrissent des éléments à l’ombre du cheval,
sous la clarté du vide, dans la charpente des navires.

Le jour. Les seins. L’eau. L’ombre. La lumière. La fièvre.
Une roue s’emballe du poignet jusqu’à l’arbre
dans un ciel grand ouvert au plaisir de la soif.

(António Ramos Rosa)

 

Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard

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La nuit (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 1 juillet 2020



    

La nuit

I.

Le ciel d’étain au ciel de cuivre
Succède. La nuit fait un pas.
Les choses de l’ombre vont vivre.
Les arbres se parlent tout bas.

Le vent, soufflant des empyrées,
Fait frissonner dans l’onde où luit
Le drap d’or des claires soirées,
Les sombres moires de la nuit.

Puis la nuit fait un pas encore.
Tout à l’heure, tout écoutait ;
Maintenant nul bruit n’ose éclore ;
Tout s’enfuit, se cache et se tait.

Tout ce qui vit, existe ou pense,
Regarde avec anxiété
S’avancer ce sombre silence
Dans cette sombre immensité.

C’est l’heure où toute créature
Sent distinctement dans les cieux,
Dans la grande étendue obscure
Le grand Être mystérieux !

II.

Dans ses réflexions profondes,
Ce Dieu qui détruit en créant,
Que pense-t-il de tous ces mondes
Qui vont du chaos au néant ?

Est-ce à nous qu’il prête l’oreille ?
Est-ce aux anges ? Est-ce aux démons ?
A quoi songe-t-il, lui qui veille
A l’heure trouble où nous dormons ?

Que de soleils, spectres sublimes,
Que d’astres à l’orbe éclatant,
Que de mondes dans ces abîmes
Dont peut-être il n’est pas content !

Ainsi que des monstres énormes
Dans l’océan illimité,
Que de créations difformes
Roulent dans cette obscurité !

L’univers, où sa sève coule,
Mérite-t-il de le fixer ?
Ne va-t-il pas briser ce moule,
Tout jeter, et recommencer ?

III.

Nul asile que la prière !
Cette heure sombre nous fait voir
La création tout entière
Comme un grand édifice noir !

Quand flottent les ombres glacées,
Quand l’azur s’éclipse à nos yeux,
Ce sont d’effrayantes pensées
Que celles qui viennent des cieux !

Oh ! la nuit muette et livide
Fait vibrer quelque chose en nous !
Pourquoi cherche-t-on dans le vide ?
Pourquoi tombe-t-on à genoux ?

Quelle est cette secrète fibre ?
D’où vient que, sous ce morne effroi,
Le moineau ne se sent plus libre,
Le lion ne se sent plus roi ?

Questions dans l’ombre enfouies !
Au fond du ciel de deuil couvert,
Dans ces profondeurs inouïes
Où l’âme plonge, où l’oeil se perd,

Que se passe-t-il de terrible
Qui fait que l’homme, esprit banni,
A peur de votre calme horrible,
Ô ténèbres de l’infini ?

(Victor Hugo)

 

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La Bastille prise ? (Max Olivier Bizeau)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2019




    
La Bastille prise ?
Succèdent airs d’Opéra
À des «ça ira» !

(Max Olivier Bizeau)

 

Recueil: Paris … en haïku et en brèves
Traduction:
Editions: La Simarre

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Les Horloges (Jules Lefèvre-Deumier)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2019



 

Les Horloges

Les sabliers nous avertissent que nous devenons tous ce qui compte nos instants.
Les clepsydres nous disent qu’il n’y a pas dans ce monde une minute qui ne puisse être marquée par une larme,
et que les générations qui se succèdent ne sont rien de plus que des gouttes d’eau qui tombent.
Orateurs silencieux, les cadrans solaires nous mesurent avec l’ombre la durée de la lumière
et nous répètent sans cesse que peine et plaisir,
rien ne marche qui ne fasse partie de la mort.

Les sabliers, les clepsydres, les cadrans solaires ne parlaient à la pensée qu’en s’adressant aux yeux.
L’homme a trouvé que ce n’était point assez.
Il a forcé l’oreille d’entendre et d’écouter la fuite du temps.
Sans vouloir s’informer de ce qu’elles deviennent, il a mis des grelots au troupeau de ses heures,
et, grâce à cette heureuse invention, il peut de moment en moment entendre sonner le glas d’une portion de sa vie.

(Jules Lefèvre-Deumier)

 

 

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PRECEDE D’OMBRES (Pierre Béarn)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2018



PRECEDE D’OMBRES

La main de l’enfant se tend
vers une ombre qui la prend.
La main de l’homme se tend
vers une ombre qui la prend.
Nous marchons, nous marchons

Plaignez le long troupeau des hommes
toujours précédés de leurs ombres.

Des mains de l’enfant au berceau
l’enfant mûri prend le témoin
qu’il donne à l’homme de demain
et l’homme trouve devant lui
un moi vieilli qui lui succède
d’autres effigies de lui-même
jusqu’au vieillard en son défi.

Nous marchons, nous marchons,
Plaignez le long troupeau des hommes
toujours précédés de leurs ombres
le long troupeau qui loin se fond
et toujours prêt se renouvelle
le Temps l’efface à l’horizon
mais l’enfant germe, l’enfant germe,

Nous marchons, nous marchons,
Plaignez le long troupeau des hommes
toujours précédés de leurs ombres
l’enfant crie qu’il ne veut pas vivre
et l’homme aussi crie dans l’enfant
et tous les cris s’oublient en cris
dans la marche du mouvement.

Nous marchons, nous marchons.
Plaignez le long troupeau des hommes
toujours précédés de leurs ombres.

La main se tend un homme tombe
et l’absent devient un enfant
qui vient bientôt combler le vide.
Le jour s’en va coiffé de nuit
la nuit s’en va coiffée de jour.

Nous marchons, nous marchons.
Plaignez le long troupeau des hommes
toujours précédés de leurs ombres.
Des mains de l’enfant au berceau
l’enfant mûri prend le témoin
qu’il donne à l’homme de demain
et l’homme trouve devant lui
l’ombre vieillie qui lui succède
d’autres effigies de lui-même
jusqu’au vieillard du dernier cri.

Nous marchons, nous marchons.
Plaignez le long troupeau des hommes
toujours précédés de leurs ombres
car vient le temps des mains tendues
vers une ombre qu’on ne voit plus.
On a porté se transformant
de relayeur en relayeur
le don malingre de la vie
mais vient le temps où l’ombre meurt.

(Pierre Béarn)

 

 

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Parfois (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 25 juillet 2018



Illustration: Gilbert Garcin
    
parfois

quand on est las
de marcher

que les champs de pierres
succèdent
aux champs de pierres

qu’il n’est plus de bornes
ni de critères
et que la ténèbre s’accentue

parfois

quand tout vacille
et se brouille
que l’on devient cet autre
que l’on ne peut rejoindre

qu’il faut poursuivre
encore
alors que s’est éteint
l’espoir de s’agenouiller
un jour près de la source

parfois

au fond de la douleur
et de la nuit

on aimerait tant
que s’achève le voyage

(Charles Juliet)

 

Recueil: une joie secrète
Traduction:
Editions: Voix d’encre

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