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Poésie

Posts Tagged ‘courbure’

Petites leçons d’érotisme (Giaconda Belli)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2018



 

Illustration: François Joxe
    
Petites leçons d’érotisme

1
Parcourir un corps dans son extension de voile
C’est s’ouvrir sur le monde
Traverser sans boussole la rose des vents
Îles golfes péninsules digues battues par des vagues furieuses
Pour être plaisante, ce n’est point tâche facile
Ne pense pas y parvenir en un jour ou une nuit de draps en bataille
Il est des secrets dans les pores pour combler tant de lunes

2
Le corps est une carte astrale en langage chiffré
Découvres-tu un astre, peut-être te faudra-t-il alors
Changer de cap lorsque nuée ouragan ou hurlement profond
Te feront tressaillir
Conque de la main que tu ne soupçonnais pas

3
Parcours plusieurs fois telle étendue
Découvre le lac aux nénuphars
Caresse de ton ancre le centre du lys
Plonge suffoque distends-toi
Ne te refuse point l’odeur le sel le sucre
Les vents profonds cumulus rhumbs des poumons
Brume dans le cerveau
Tremblement des jambes
Raz-de-marée assoupi des baisers

4
Attends pied dans l’humus sans peur de la fatigue sans hâte
Ne prétends pas atteindre le terme
Retarde l’entrée au paradis
Place ton ange retombé ébouriffe sa dense chevelure
De l’épée de feu usurpée
Croque la pomme

5
Sens
Ressens
Échange des regards salive imprègne-toi
Tourne et retourne imprime des sanglots peau qui s’éclipse
Pied découverte à l’extrémité de la jambe
Suis cherche secret du pas forme du talon
Courbure de la démarche baies croquant une allure cambrée
Savoure…

6
Écoute conque de l’oreille
Comme gémit l’humidité
Lobe qui s’approche de la lèvre rumeur de la respiration
Pores qui se dressent formant de minuscules montagnes
Sensation frémissante de peau insurgée au toucher
Pont suave nuque descends à la houle poitrine
Marée du coeur susurre à ton oreille
Découvre la grotte de l’eau

7
Franchis la terre de feu la bonne espérance
Navigue fou là où se rejoignent les océans
Traverse les algues arme-toi de coraux hulule gémis
Émerge avec le rameau d’olivier pleure fouissant des tendresses
occultes
Dé‚nude des regards stupéfaits
Éveille le sextant depuis le haut des cils
Hausse les sourcils dilate les narines

8
Aspire soupire
Meurs un peu
Doucement lentement meurs
Agonise contre la pupille accrois la jouissance
Plie le mât gonfle les voiles
Navigue cingle vers Vénus
Étoile du matin
— la mer comme un vaste cristal étamé —
endors-toi naufragé‚.

(Giaconda Belli)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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L’épaule (Patrick Le Divenah)

Posted by arbrealettres sur 15 juillet 2018



Illustration: Jean Goujon
    
L’épaule

rien n’est jamais plus nu que quand tu la dénudes
sa rondeur innocente est propice au toucher
d’une main qui s’installe en cette rondité
après qu’on eut posé un baiser en prélude

sa chaleur est intime et pleine de quiétude
propice au songe à la caresse digitale
qui paresse tandis que le miroir ovale
souligne encor les formes de sa plénitude

c’est une étape avant les prochaines courbures
une pause après la pente de l’encolure
un double faîte entre la poitrine et le dos

et quel plus grand plaisir après la journée dure
que lorsque vient l’instant où poser sa figure
sur le dôme apaisant de l’épaule au repos

(Patrick Le Divenah)

 

Recueil: Blasons du corps féminin
Traduction:
Editions: L’Échappée Belle

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Éteins la parole éteins la pensée (Lorand Gaspar)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2018




    
Éteins la parole
éteins la pensée
et va! vole! tombe!
sans haut ni bas
aspiré, foulé
dans les failles de l’air
entre courbures d’une mélodie
que personne ne joue –

(Lorand Gaspar)

 

Recueil: PATMOS et autres poèmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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L’avenir suspendu (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2018




Illustration: Carrie Vielle
    
L’avenir suspendu

Enclos
Dans le fruit délectable
De nos corps
Dans la pulpe savoureuse
De notre chair
Nous oublions le temps
Son harpon impitoyable
Qui peu à peu nous dégrade
Et nous entraîne
Dans les filets de la mort

Comment se soumettre
Au détissage de nos peaux
Aux flux de nos rides
Aux piétinements de l’âme
Au pourrissement des os.

Comment ignorer
La morosité de l’aube
Les pâleurs de la nuit
Les brisures de la flamme
Ou le chant appauvri

Comment redresser
La fourbe courbure
Comment se détourner
De l’avenir suspendu ?

(Andrée Chedid)

 

Recueil: Rythmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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S’il ne s’agit d’extase (Werner Lambersy)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2017



Pas la peine dit-il
s’il ne s’agit
d’extase

et il continue de
rassembler le bruit
comme les morceaux
d’un vase
dont les courbes auraient
les formes simples
de l’espace

(Werner Lambersy)

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Retouche au reniement (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 22 novembre 2017




    
retouche au reniement

tout quitter
pour retrouver sur la courbure d’une larme

les oliviers
les soldats
la lune en croissant
le théâtre du coq
l’ami comme un mot que l’on cherche en vain

(Daniel Boulanger)

 

Recueil: Retouches
Editions: Gallimard

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Printemps (Marie Dauguet)

Posted by arbrealettres sur 31 octobre 2017




    
Printemps

De lointaines tiédeurs, errantes mains, caressent,
Moiteur de peau sortant des troncs velus que pressent
Le lierre et les lichens. La volupté confond

Les bras humains avec la courbure assouplie
Des bouleaux étirant leur geste qui supplie;
Et mon désir comprend, frémit et leur répond.

C’est l’amour qui m’enlace et c’est lui qui m’enfièvre
A travers le vent chaud dont m’étouffe la lèvre;
Je lui ouvre ma chair qui veut et qui consent.

La force que j’adore, en la brise aromale
Flotte indiciblement; la sève triomphale
Dans un suprême élan vient se mêler au sang.

Unité de la vie: Elle est moi, je suis elle;
Je coule éperdument en sa mer qui ruisselle,
Atome extasié, sans pensée et qui jouit

De n’être plus disjoint du pollen des narcisses,
Ni du cri des oiseaux, ni des sourdes délices
Où ce qui doit durer s’aime et s’épanouit.

(Marie Dauguet)

 

 

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Le Rien (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 28 Mai 2017



 

Gao Xingjian an

Le Rien

J’ai traversé le Rien
Aux jours de mon enfance
Déchiffrant la mort
En nos corps d’argile
Et de brièveté
J’ai récusé l’orgueil
Disloqué les triomphes
Dévoilé notre escale
Et sa précarité
Cependant j’y ai cru
A nos petites existences
A ses saveurs d’orage
Aux foudres du bonheur
A ses éveils ses percées
Ses troubles ou ses silences
A ses fougues du présent
A ses forces d’espérance
Au contenu des heures
J’y ai cru tellement cru
Aux couleurs éphémères
Aux bienfaits de l’aube
Aux largesses des nuits
Oubliant que plus loin
Vers les courbures du temps
L’explosion fugace
Ne laissera aucune trace
De nos vies consumées
Et qu’un jour notre Planète
A bout de souffle
Se détruirait

(Andrée Chedid)

Illustration: Gao Xingjian

 

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Retire-toi étroitement (Marie-Claire Bancquart)

Posted by arbrealettres sur 22 Mai 2017




    

Retire-toi étroitement
dans ton méandre de la ville.

Crée l’irréel de fleuves sans fin, sans courbure,
trace une cartographie du songe,
sens-toi un peu là dans l’imaginaire.

Tu pourras ensuite
doucement identifier l’arbre et le pigeon,
doucement caresser une pomme à l’étalage,
et sourire en confiance aux passants.

(Marie-Claire Bancquart)

 

Recueil: Terre Energumène
Editions: Le Castor Astral

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PORTRAIT D’UNE PRINCESSE INCONNUE (Sophia de Mello Breyner Andresen)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2017



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PORTRAIT D’UNE PRINCESSE INCONNUE

Pour qu’elle ait un cou si fin et délicat
Pour que ses poignets aient la courbure de la tige
Pour que ses yeux soient si clairs et directs
Pour que sa colonne vertébrale soit si droite
Et qu’elle puisse tenir la tête si haute
Avec un front si pur et dégagé
Il fallut des générations successives d’esclaves
Aux corps ployés et aux grosses mains patientes
Ayant servi des générations successives de princes
Encore un peu rudimentaires et grossiers
Avides cruels et frauduleux

Ce fut un immense gâchis de gens
Pour qu’elle atteignît cette perfection-là
Solitaire exilée sans destin

***

RETRATO DE UMA PRINCESA DESCONHECIDA

Para que ela tivesse um pescoçoo tão fino
Para que os seus pulsos tivessem um quebrar de caule
Para que os seus olhos fossem tão frontais e limpos
Para que a sua espinha fosse tão direita
E ela usasse a cabeça tão erguida
Com uma tão simples claridade sobre a testa
Foram necessárias sucessivas geraçóes de escravos
De coreo dobrado e grossas mãos pacientes
Servindo sucessivas gerações de príncipes
Ainda urn pouco toscos e grosseiros
Ávidos cruéis e fraudulentos

Foi um imenso desperdiçar de gente
Para que ela fosse aquela perfeição
Solitária exilada sem destino

(Sophia de Mello Breyner Andresen)

 Illustration: Théo Azambre

 

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