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Posts Tagged ‘oeuf’

La paupière philosophale (Ghérasim Luca)

Posted by arbrealettres sur 1 Mai 2024




    
La paupière philosophale

Bien au-delà du peu
la peau et l’épée
lapent
l’eau ailée
du petit pire

Toupie d’une peur idéale
épi à pas de pou
appât
ou pâle pet de pétale

La vie dupe la fille du vite

Tapis doux
où les fées filent
les feux muets
d’un rien de doute

L’effet est fête
faute hâte
écho et cause

Muer le vil métal
en pot-au-feu d’or mental
étale
un métapeu de métatout :

œufs de tatou…

mythes dormants…

haute île en air…

Mi-métamoi mi-métatoi
lemétanous nous étoile

Le mot « pied » ose
le mot « pierre » s’use
tout colle

Tou est foutu
touffu
fétu

faux
défi
défaut
fou

Peau fine
paupière finale
foetale
fatale
philosophale

(Ghérasim Luca)

Recueil: Héros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes
Editions: Gallimard

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L’oeuf dur (Sumitaku Kenshin)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2024



L’oeuf dur
Décortiqué par mes
Doigts de malade.

(Sumitaku Kenshin)

 

 

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ODE À LA NAPHTALINE (Laurent Albarracin)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2024



    

ODE À LA NAPHTALINE

Malaimée naphtaline, on vous juge vieillotte,
Vous l’emblème à jamais des choses trop gardées,
Le symbole confit des linges confinés,
N’empêche du passé vous êtes la loupiote.

Vous brillez dans le noir, témoignez d’une époque
Où les draps dans l’armoire âprement entassés
Vivaient continûment leur vie sans équivoque.
Vos boules sont les oeufs fécondés d’un passé

Qui casse sa coquille, un bon temps où le temps
À ce qui doit durer doucement se pliait.
L’espace amidonné envoyait ses relents.

Le monde en bégayant renaît tel qu’il était.
Vous seule avez voulu donner à l’antimite
La noblesse et le rang, la dimension d’un mythe

(Laurent Albarracin)

Recueil: Contrebande
Editions: Le corridor bleu

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UN SAFRAN DE MARS (Jean-Pierre Duprey)

Posted by arbrealettres sur 27 janvier 2024



Illustration: Vladimir Kush
    
UN SAFRAN DE MARS

Le maître de l’Amour se maintient au carreau de lune.
Ses yeux, tirés du blanc,
découvrent l’ombre de Ce-qui-n’est-pas.

« Donnez-nous, disait-on,
ce qui manque à l’étincelle pour faire du bois,
ce qui manque à la rivière pour mouler une forêt en feu ! »

La machine de l’Amour battait la campagne, hâtait les saisons.
L’échelle de son ombre dépassait l’horizon.

Il y eut un soleil
et quelques allumettes perdus dans la boîte du vide…
Une étoile avec la chair de l’oeuf.
Un grand rideau d’objets.

Rien devant et tout APRES.

(Jean-Pierre Duprey)

Recueil: LA FIN et LA MANIÈRE
Editions: SOLEIL NOIR

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SOIF (Aksinia Mihaylova)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



    

SOIF

I
Le jour où un semeur invisible arracha
les racines des fourmilières
avec tout le blé caché dedans
et les jeta dans le ciel,
le disque du soleil ternit
et je compris soudain
que je n’étais plus la fille de personne.

L’absence a la capacité
de dilater les espaces orphelins,
de soulever les plafonds,
d’élargir les escaliers.
La maison où je suis née grandit,
et je ne sais que faire
avec ce vide.

Et pendant que je reste sur le seuil
un cadenas dans la main
pareille à une étrangère
qui ne se souvient pas
des mots d’adieu,
un rayon de soleil se faufile tel un voleur
parmi les orties au fond du jardin
et dépose une clé brûlante
sur la carcasse de la tortue :
la nouvelle hôtesse de la maison.

II
Une autre saison est venue,
le disque du soleil a émergé
vert par les blés drus.
Il a mûri longtemps
et quand il est devenu pain rituel
au-dessus de la colline
les invités se sont assis
autour de la table sous la treille.

Soudain un tourbillon est descendu,
a soulevé la nappe
et renversé les verres
jusqu’à la dernière goutte.
La fiancée de Dieu est revenue,
a dit quelqu’un tout bas,
et elle a très soif.
Ou bien elle cherche son trousseau,
a ajouté un autre
qui fait vite le signe de la croix
en montrant la table nue.

Et puis le calme.

Seule la poule, ayant pondu un œuf d’or,
a caqueté longtemps dans l’après-midi figé.
Un souffle chaud a remué
les fleurs du fenouil,
une charrette vide
a résonné dans la rue.
Et tout était comme jadis,
avant que maman soit devenue
une hirondelle.

Si ce n’était les fourmilières
dans mes yeux
qui continuent à prendre racine
dans une direction inverse
de celle des larmes.

(Aksinia Mihaylova)

 

Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard

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Le téléphone sonne (Joyce Mansour)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023




    
Le téléphone sonne
Et ton sexe répond.
Sa voix rauque de chanteur
Fait frémir mes ennuis
Et l’œuf dur qu’est mon cœur
Frit.

(Joyce Mansour)

Recueil: L’AMOUR en Poésie
Editions: Folio Junior

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De cet automne à Paris (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 12 novembre 2023




    
De cet automne à Paris, je ne retiens que la place Saint-Sulpice,
et de la place Saint-Sulpice je ne garde que quelques carrés adorables
avec un mandala de pavés à l’intérieur,
et des herbes noires à force d’être vertes, entre les pierres.

Le dieu, c’est le simple.
Je l’ai connu par la joie que la vue de ce labyrinthe m’a donnée.
Découvrir la sainteté de la vie,
c’est aussi gai que mettre la main sur un oeuf crotté dans la paille chaude.

Ces herbes qui n’entreraient pas dans l’église étaient une lettre.
J’ai défroissé les pavés, repassé chaque brin d’herbe et j’ai lu en silence.

Ce n’est pas moi qui vois les choses.
Ce sont les choses qui me donnent leurs yeux.

Les images pures, personne ne les invente.
L’âme de l’arbre se sépare un instant de l’arbre,
vient sur la page, écrit le poème sur l’arbre
et signe Ronsard.

(Christian Bobin)

Recueil: La nuit du coeur
Editions: Gallimard

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L’HISTOIRE (Ursula K. Le Guin)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2023




    
L’HISTOIRE

Ce n’est qu’une bribe d’histoire, de nombreuses histoires à vrai dire,
le moment où le troisième fils ou bien la belle-fille
envoyée accomplir une tâche impossible à travers la forêt menaçante
rencontre un renard à la patte prise au piège,
de petits moineaux tombés du nid
des fourmis en perdition dans une flaque d’eau.

Il libère le renard, elle remet les oisillons dans leur nid,
ils montrent aux fourmis le chemin de la fourmilière.
Le renardeau reviendra et lui montrera
le chemin du château de la princesse captive
le moineau la guidera jusqu’à la cachette de l’oeuf d’or,
la fourmi triera pour eux les graines de pavot,
dans le tas de sable avant le matin fatidique,
et je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose à cette histoire.

Toute ma vie, elle m’a répété
qu’il n’est que d’écouter pour savoir qui est le héros
et comment vivre heureuse jusqu’à la fin de mes jours.

***

THE STORY

It’s just part of a story, actually quite a lot of stories,
the part where the third son or the stepdaughter
sent on the impossible errand through the uncanny forest
comes across a fox with its paw caught in a trap
or little sparrows fallen from the nest
or some ants in trouble in a puddle of water.

He frees the fox, she puts the fledglings in the nest,
they get the ants safe to their ant-hill.
The little fox will come back later
and lead him to the castle where the princess is imprisoned,
the sparrow will fly before her to where the golden egg is hidden,
the ants will sort out every poppyseed
for them from the heap of sand before the fatal morning,
and I don’t think I can add much to this story.

All my life it’s been telling me
if I’ll only listen who the hero is
and how to live happily ever after.

(Ursula K. Le Guin)

Recueil: Derniers poèmes
Editions: Aux Forges de Vulcain

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Sur cet air joyeux et rond (Arnaut Daniel)

Posted by arbrealettres sur 20 septembre 2023



    

Sur cet air joyeux et rond
J’assemble et fourbis mes rimes.
Fortes et sûres elles seront
Quand j’aurai passé la lime.
Que l’Amour polisse et dore
Ce chant qu’inspire le corps
De la Valeureuse que j’aime.

Je me sens, à parler clair,
Plus pur, meilleur quand je sers
La plus aimable des dames.
Je suis sien de pied en cap.
Bien que souffle vent du nord
L’amour qui me pleut au coeur
Me tient chaud en plein hiver.

J’entends et dis mille offices,
Cire, huile brûlent haut
Pour que Dieu me favorise,
Mais me défendre, pourquoi ?
Quand je vois ses tresses d’or
Pour son corps si svelte et neuf
Je donnerais bien Lucerne !

Tant la désire et la cherche
Qu’à trop l’aimer je la perds,
Si, par amour on peut perdre.
Son coeur submerge le mien
D’un flot que rien ne disperse.
La fine usurière tient
L’artisan et la boutique !

Si je ne dois revoir celle
Qui me brûle et fend le coeur,
Que m’importent les honneurs,
Le pape, Rome, l’empire ?
Si elle n’apaise ma peine
D’un baiser avant l’an neuf,
Elle me damne et m’assassine !

Malgré le mal que j’endure,
Quoiqu’il me tienne en désert,
J’aime et veux encore aimer,
Car d’amour je fais mes rimes,
Besogneux comme au labour.
Moins que moi (fût-ce d’un oeuf)
Moncli aima dame Audierne !

Je suis Arnaut, vent me pousse,
Sur boeuf lent je cours lapin
Et nage à contre-courant.

(Arnaut Daniel)

Recueil: Poésie des troubadours
Traduction: Texte français de René Nelli, René Lavaud et Henri Gougaud
Editions: Points

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De haut mal (Jacques Roubaud)

Posted by arbrealettres sur 4 septembre 2023



Illustration: Vladimir Kush
    
de haut mal

      le soleil, le germe
Ⓧ dans le jaune
       d’oeuf que pond la nuit

(Jacques Roubaud)

Recueil: Tridents
Editions: NOUS

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