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Poésie

Posts Tagged ‘assemblée’

Il pleut dedans (Issa)

Posted by arbrealettres sur 9 mars 2024



Illustration
    
Il pleut dedans :
Qu’en pensez-vous,
L’assemblée de poupées ?

(Issa)

 

Recueil: Haïku
Traduction: Philippe Jaccottet
Editions: Fata Morga

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L’ÉPOUVANTE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 22 janvier 2024



Illustration: Edouard Vuillard    
    
L’ÉPOUVANTE

Bon appétit, cher vieux et chère vieille !
Nous voici tous les trois rompant le même pain,
À table, assis en paix. Chers vieux, avez-vous faim ?
Qu’est-ce que notre vie hier, ce soir, demain ?
Une chose longue et toujours pareille.

Nos jours sur nos jours dorment sans bouger.
Nos yeux n’attendent rien en regardant la porte.
La servante va, vient, apporte un plat, l’emporte,
C’est tout… Quel froid aigu me perce de la sorte ?
Emportez tout ! Je ne peux plus manger.

Un soir, ainsi, la table sera mise
À la même lueur des mêmes chandeliers,
L’horloge hachera l’heure à coups réguliers,
Et moi, seule, entre tous nos objets familiers,
J’aurai le coeur plein de brusque surprise.

Je chercherai longtemps autour de moi,
À ma gauche, toi, père, et toi, mère, à ma droite ;
J’écouterai respirer la maison étroite,
Stupéfaite, perdue et l’âme maladroite
Se heurtant partout sans savoir pourquoi.

J’essayerai d’y voir, de tout reconnaître,
Les carreaux effrités et la tenture à fleurs,
Cherchant dans les dessins du marbre, ses couleurs,
Noue passé comme une trace de voleurs,
Tel un chien qui suit l’odeur de son maître.

Et chaque profil du temps ancien,
Je le retrouverai, les yeux béants, stupide,
Considérant, le coeur trahi par chaque guide,
Tous les objets présents et la demeure vide…
— Mère, laissez-moi, je ne veux plus rien.

Mère, toi, mère à ma droite attablée,
Tu sortiras dehors par cette porte un jour.
Les gens endimanchés t’attendront dans la cour.
Passant au milieu d’eux, tout droit et sans retour,
Tu conduiras ta dernière assemblée.

Ô père, un soir, comme ces étrangers
Qu’on chasse dans la nuit, un soir de sombre alerte,
T’arrachant de ton lit, chose d’un drap couverte,
On te jettera hors de ta maison ouverte…
C’est vrai… c’est sûr… Et pourtant vous mangez.

Vous irez errants parmi des ténèbres,
— Je ne sais pas quelles ténèbres, — dans un trou,
— Je ne sais pas lequel… — Je ne saurai pas où
Vous rejoindre et vaguant çà et là comme un fou,
Je me perdrai sur des routes funèbres.

Et vous mangez ! Tranquilles, vous portez
La gaîté des fruits mûrs à votre lèvre blême !
Laissez-moi vous toucher, je vous ai, je vous aime…
(Pardon, je suis parfois maladroite à l’extrême
Et sans le vouloir je vous ai heurtés).

Êtes-vous là ? Je vous vois et j’en doute.
Je vous touche, chers vieux, êtes-vous encor là ?
Cette table, ce pain, ces vases, tout cela,
N’est-ce qu’un songe, une forme qui s’envola ?
Une vapeur déjà dissoute ?

Ah ! sauvons-nous vite, n’emportons rien.
D’un seul pas devançant l’heure qui nous menace,
Sans regarder derrière nous, tant qu’en l’espace
Nos pieds épouvantés trouveront de la place,
Cachons-nous bien, vite, cachons-nous bien !

Que n’est-il un lieu sûr, secret des hommes,
De quoi tenir tous trois dans un pli de la nuit,
Fût-ce un cachot, où conserver le temps qui fuit !
Hélas ! le ciel nous voit, la terre nous poursuit
Partout, la mort est partout où nous sommes.

Petite minute obscure du jour,
Ni bonne, ni mauvaise, incolore, sans gloire,
Minute, vague odeur de manger et de boire,
Tintement de vaisselle et bruit vil de mâchoire,
Minute sans ciel, sans fleur, sans amour ;

Instant mort-né dont le néant accouche ;
Place informe du temps où tous trois nous voici
Arrivés, les yeux pleins d’horizon rétréci,
Mâchant un peu de viande et de pain, sans souci
Que de parfois nous essuyer la bouche ;

Petite minute, ah ! si tu pouvais,
Toujours la même en ton ennui paralysée.
Durer encor, durer toujours, jamais usée,
Et prolonger sans fin, sans fin éternisée,
Notre geste étroit de manger en paix !

(Marie Noël)

 

Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard

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La fin du jeûne (Hâfez Shirâzi)(Hafiz)

Posted by arbrealettres sur 20 décembre 2020




    
La fin du jeûne

Quand la rose et le vin et l’ami sont à toi, le
roi du monde est ton esclave, ce jour-là.

N’éclairez pas notre assemblée à la chandelle : le
clair de lune de l’ami se passe d’elle !

Le vin, certes, est licite, selon notre Loi,
mais il est illicite si tu n’es pas là !

J’écoute la voix du roseau, celle du luth, et je
cherche des yeux le rubis de tes lèvres et la
coupe de vin qui circule entre nous.

Pourquoi répandre du parfum ici, chez nous,
quand nous embaume l’odeur de ta chevelure ?

Ne parle pas du goût du candi, ni du sucre, car ma
bouche est sucrée au goût de tes deux lèvres !

Tant que gît, dans mon coeur en ruine, mon chagrin, je
prends toujours ma place au coin du temple ancien.

Que parles-tu de ma réputation infâme, car
c’est cette infamie-là qui fait mon renom ?

Et que demandes-tu, à propos de mon nom,
puisque j’ai honte d’avoir un renom infâme ?

Nous sommes vagabonds, ivrognes, libertins et
voyeurs. Mais qui ne l’est pas, dans cette ville ?

Hâfez, ne sois jamais sans amour et sans vin :
voici rose et jasmin – le jeûne va finir.

***

(Hâfez Shirâzi)(Hafiz)

Recueil: L’amour, l’amant, l’aimé
Traduction: Vincent-Masour Monteil
Editions: Actes Sud

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MUTILATION VOLONTAIRE (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 2 juillet 2020




MUTILATION VOLONTAIRE

Pour s’éviter de servir
aux armées de l’empereur,
un beau soir avec la hache,
le maître se mutila
de deux grands doigts de sa main ;
sa jeune et blonde épouse
pansa la plaie tendrement
et les pensées à coeur jaune
tremblèrent dans le parterre,
les deux chiens du maitre hurlèrent
quand on le porta au lit,
alors charbonnaient les lampes
entourées de papillons;
mais les femmes assemblées
sur la place du village
devant la rougeur des nuages
disaient que ce qu’elles voyaient
était le sang des soldats.

(Jean Follain)

Illustration

 

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Une aigrette rose (Philippe Jaccottet)

Posted by arbrealettres sur 13 Mai 2020



 

aigrette rose   [1280x768]

Une aigrette rose à l’horizon
un parcours de feu

et dans l’assemblée des chênes
la huppe étouffant son nom

Feux avides, voix cachées
courses et soupirs

L’oeil :
une source qui abonde

Mais d’où venue?
De plus loin que le plus loin
de plus bas que le plus bas

Je crois que j’ai bu l’autre monde

(Philippe Jaccottet)

Illustration

 

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On vit, on parle… (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 25 avril 2020



Illustration
    
On vit, on parle…

On vit, on parle, on a le ciel et les nuages
Sur la tête ; on se plaît aux livres des vieux sages ;
On lit Virgile et Dante ; on va joyeusement
En voiture publique à quelque endroit charmant,
En riant aux éclats de l’auberge et du gîte ;
Le regard d’une femme en passant vous agite ;
On aime, on est aimé, bonheur qui manque aux rois !
On écoute le chant des oiseaux dans les bois
Le matin, on s’éveille, et toute une famille
Vous embrasse, une mère, une soeur, une fille !
On déjeune en lisant son journal. Tout le jour
On mêle à sa pensée espoir, travail, amour ;
La vie arrive avec ses passions troublées ;
On jette sa parole aux sombres assemblées ;
Devant le but qu’on veut et le sort qui vous prend,
On se sent faible et fort, on est petit et grand ;
On est flot dans la foule, âme dans la tempête ;
Tout vient et passe ; on est en deuil, on est en fête ;
On arrive, on recule, on lutte avec effort… —
Puis, le vaste et profond silence de la mort !

(Victor Hugo)

 

Recueil: Les rayons et les ombres
Traduction:
Editions: Bayard Jeunesse

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Imagination d’enfant (Sri Aurobindo)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2020




    
Imagination d’enfant

Ô toi image d’or,
miniature du bonheur,
au parler tendre et doux !
chaque mot mérite un baiser.

Étrange, distante, splendide
la pure fantaisie de l’enfance
tressaille à des pensées insondables pour nous,
vives et obscures félicités.

Quand les yeux deviennent graves
et que le rire s’éteint,
la Nature se souvient des jeux de titan
de son enfance toute-puissante :

forêts où filtre le soleil,
et habitent les elfes,
assemblées de géants, rencontres de titans,
fantaisies d’un jeune dieu.

Ces images te reviennent
dans le mystère de tes pensées ;
en ton coeur Dieu se souvient
de toutes les merveilles qu’Il a faites.

(Sri Aurobindo)

 

Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust

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PROVINCES (Maurice Fombeure)

Posted by arbrealettres sur 17 août 2018



PROVINCES
A Fernand Derôme.

Les dieux de bois sur les cités
Ouvrent des ailes vermoulues.
Je porte en moi de longs soirs gris
Brouillés de province et d’ennui.
Loin de la ville des luthiers
Bragards et valétudinaires,
J’erre à travers mon vieux Poitiers
Bossué comme une taupinière.
Maisons étales de sommeil
Et cathédrales englouties
Sous les vagues longues du temps.
Toute cette mélancolie
S’enfle comme un beau soir de fête,
Eclaire une rose parfaite
A l’ombre lasse d’un clocher.
Je porte aussi le lion des Flandres
Martelé de coups de soleil
Et le haut beffroi non pareil
Où tournent sans fin les corneilles.
Je porte en moi des cris d’oiseaux,
Je porte en moi des vols de cloches,
Et les perles des carillons,
Et des frairies et des ducasses,.
Et des assemblées d’accueillage.
Je porte en moi de clairs villages,
D’autres aux murs poreux de lave,
Des cortèges de mariages
De longs enterrements sans fin.
Je porte en moi ma propre fin
Et mon silence, et mon courage…

(Maurice Fombeure)


Illustration: William Lamboley

 

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LES FLEURS PRIENT POUR LES ENFANTS (Nikiforos Vrettakos)

Posted by arbrealettres sur 4 Mai 2018



Illustration
    
LES FLEURS PRIENT POUR LES ENFANTS

Une forêt obscure a émergé
de notre esprit et a recouvert
l’horizon. Seules les sentes
traversent et se perdent dans
la crainte. Pas de futur en vue.

Les enfants courent, dansent sans soupçonner
ce qui se déroule au-dessus d’eux,
tandis que penchées autour
et sous leurs pieds (jusqu’à
entendre la clameur et voir
le nuage) comme une immense
assemblée de fidèles en plein air,
les fleurs prient.

(Nikiforos Vrettakos)

 

Recueil: LA MYTHOLOGIE DES FLEURS
Traduction: N. Lygeros
Editions:

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J’étais mort (Mawlana Rûmî)

Posted by arbrealettres sur 4 octobre 2017



 


    
J’étais mort, je devins vivant;
j’étais en pleurs, je devins rires

Le règne de l’amour est venu,
et mon règne devint durable
(…)

Il me dit: tu n’es pas fou,
tu n’es pas digne de cette maison!

Je partis, je devins fou,
je me chargeai de chaînes

Il me dit: tu n’es pas ivre, va-t-en,
tu ne fais pas partie de la bande!

Je partis, je devins ivre
et rempli d’allégresse

Il me dit: tu n’es pas mort,
cela ne cadre pas avec l’allégresse!

Devant sa face de résurrection,
je devins mort, renversé

Il me dit: tu es un petit malin,
plein d’illusions et de doutes

Je devins bête, hébété,
de tout je me suis détaché

Il me dit : tu es bougie,
devenu pôle de cette assemblée

Je ne suis ni assemblée, ni bougie,
je devins fumée dispersée

Il me dit: tu es maître et seigneur,
tu es chef de file et guide

Je ne suis ni maître ni chef,
je ne suis que ton serviteur

(Mawlana Rûmî)

 

 

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