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Poésie

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L’hiver du monde (Kenneth White)

Posted by arbrealettres sur 20 juin 2024




    
L’hiver du monde

Les arbres d’hiver pleurent dans le froid
les oiseaux sont braves mais chantent sans joie
le soleil lui-même : un fil de clarté
ruse ne vaut pas sagesse et bonté

du feu, un ami, manger tout son soûl par le monde blanc
détresse et dégoût les étoiles vous toisent,
les rues sont de pierre faire des chansons a pour fin misère

une ferme a nom joie et réconfort la table est servie
et l’on rit très fort le vin chauffe le coeur et fond la blancheur
la fille qui veut donne plus qu’un dieu

les rires périssent les corps dépérissent
la ferme décline les poutres pourrissent
bon vouloir demeure, chaste et grelottant
misère endurée finit par un chant.

(Kenneth White)

Recueil: Un monde ouvert Anthologie personnelle
Editions: Gallimard

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Aucun amant n’a osé… (Maria-Mercè Marçal)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2024




    
Aucun amant n’a osé…

Aucun amant n’a osé approcher
cet endroit extrême d’où tu me touches.
Dedans dehors, amour, je sens la houle
et je deviens dune et grève et rocher.

Sable et souvenir de demain, mains braves du risque,
miroir de l’ombre de l’hier qui t’a ourdie
hôte de moi, lierre.
Je vis en toi, tes gestes et abordages.

Tu vis en moi, vas dans le clos commun
— eau aux aguets des échos de la terre
qui lave au sel les traces de la guerre —.

Sens-tu le vent qui sonde, coeur à jeun,
les quais lointains où mon orgueil se perd?
Montant en toi, la mer et moi font un.

(Maria-Mercè Marçal)

Recueil: L’insurrection poétique Manifeste pour vivre ici
Editions: Bruno Doucey

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PAS UN CADEAU (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
PAS UN CADEAU

Quel délice que la vie à cause d’elle
et de quelle abnégation font preuve
les rêves la religion et autres inventions
tombant dans leur non-vie écumante
pour sauver le pénible.

Routes miséreuses et routes royales
se bousculent dans une même fuite
poursuivies par le même souvenir
de notre mortalité.
L’oubli, cachette plus fragile qu’une ombre.
L’homme se fait aisément connaître par son destin
dans des circonstances, comme les promettent les psaumes,
exceptionnelles; là, point de douleur.

Ô soulagement inhabité.
Ainsi donc elle nous quitte, la tristesse,
il se tait, cet hymne
national de notre existence?
Et le soupir, ce faux brave, s’évade?
Il s’en va donc, ce petit nuage des poumons
ce ventilateur du silence?
Le soupir

prénom du soulagement nom de l’asphyxie
funiculaire de notre poids abrupt
masque respiratoire de nos tourments et
océan dans une goutte comme nous-même.

Vraiment, tout cela se perd?
Alors, quels couverts, quel goût
pour nous empiffrer de toutes
ces circonstances exceptionnelles?

Quelle cosmédie quelle cosmédie.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR (Kiki Dimoula)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2024




    
J’AI ACCEPTÉ DE NE PAS SAVOIR

Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Jamais de ma vie je n’ai fait de mal à une énigme :
je n’en ai résolu aucune.
Même pas celles qui voulaient mourir
aux côtés de mon enfance :
j’ai dans mon petit tonneau deux petits vins différents.
Je l’ai gardée jusqu’à présent
intacte inexpliquée,
car jusqu’à présent
deux petits vins différents, c’est ce que contient
tout ce qui m’arrive, soluble ou insoluble.
J’ai cohabité rudement
avec un grand moine qui n’a pas d’os
sans jamais lui demander
de quel feu il est le fils,
vers quel dieu il monte et me quitte.

Je n’ai pas réduit le nombre
des êtres masqués du monde,
j’ai nourri le mystère du monde
par sacrifices et privations.
Avec le sang qui m’a été donné
pour l’expliquer.

Ce qui est venu les yeux bandés
avec des intentions cachées
je m’en suis séparée
tel que je l’avais reçu :
Énigme empruntée,
énigme rendue.
J’ai accepté de ne pas savoir
comment se résout un hier,
un ça dépend,
l’énigme des asymptotes.
J’ai accepté de ne pas savoir ce que je touche,
un visage ou un je suis pressé.

Toi je ne t’ai pas non plus tiré dans la lumière
pour mieux te voir.
Je suis restée Pénélope
dans ton incurie obscure.
Et si une fois j’ai demandé comment te résoudre,
et si tu es source ou fontaine,
ce devait être un jour d’été
où, Pénélopes ou non,
s’empare de nous ce démon de l’eau
pour que grâces soient rendues à l’énigme
de ce que nous gardons notre soif.
Je quitte le monde des mystères
tranquillement.
Sans péché :
avec ma soif.

Vers l’énigme de la mort
je m’en vais bravement.

(Kiki Dimoula)

Recueil: Le Peu du monde suivi de Je te salue Jamais
Traduction: du grec par Michel Volkovitch
Editions: Gallimard

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Le chat et les rats (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2024



Illustration: Grandville
    
Le chat et les rats

Un angora que sa maîtresse
Nourrissait de mets délicats
Ne faisait plus la guerre aux rats ;
Et les rats, connaissant sa bonté, sa paresse,
Allaient, trottaient partout, et ne se gênaient pas.

Un jour, dans un grenier retiré, solitaire,
Où notre chat dormait après un bon festin,
Plusieurs rats viennent dans le grain
Prendre leur repas ordinaire.

L’angora ne bougeait. Alors mes étourdis
Pensent qu’ils lui font peur ; l’orateur de la troupe
Parle des chats avec mépris.
On applaudit fort, on s’attroupe,

On le proclame général.
Grimpé sur un boisseau qui sert de tribunal :
Braves amis, dit-il, courons à la vengeance.
De ce grain désormais nous devons être las,
Jurons de ne manger désormais que des chats :
On les dit excellents, nous en ferons bombance.

À ces mots, partageant son belliqueux transport,
Chaque nouveau guerrier sur l’angora s’élance,
Et réveille le chat qui dort.
Celui-ci, comme on croit, dans sa juste colère,
Couche bientôt sur la poussière
Général, tribuns et soldats.
Il ne s’échappa que deux rats

Qui disaient, en fuyant bien vite à leur tanière :
Il ne faut point pousser à bout
L’ennemi le plus débonnaire ;
On perd ce que l’on tient quand on veut gagner tout.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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LE SOLDAT QUI TROUVE SA MIE MORTE (Chansons du XVIIIè)

Posted by arbrealettres sur 18 novembre 2023




    
LE SOLDAT QUI TROUVE SA MIE MORTE

1

Ils étions trois soldats
S’en allaient à la guerre,
S’en allaient à la guerre
Sans pouvoir l’éviter.
Et leurs chères maîtresses
Ne faisaient que pleurer.

2

Le plus jeune des trois
Regrettait bien la sienne,
Regrettait bien la sienne.
Puisqu’il faut la quitter,
Puisqu’il faut la quitter
Dans le bois de merveilles
Fut la reconsoler.

3

Quand ils furent au Piémont
Prêts à monter la garde :
« Bonjour mon capitaine,
Donnez-moi un congé
Pour aller voir ma maîtresse,
Celle que j’ai tant aimé ».

4

Le capitaine répond,
Comme un brave gendarme :
« Voilà la carte blanche
Et un joli passeport.
Va t’en voir ta maîtresse
Et reviens tout d’abord ».

5

Quand il fut au pays
Demande à voir la belle.
« Va ta maîtresse est morte
Et enterrée aussi.
Son corps est sous la terre
Son âme au paradis ».

6

Battez, battez tambours,
Sonnez, sonnez trompettes,
Sonnez, sonnez trompettes,
Puisque ma maîtresse est morte
Je retourne au régiment.

7

Que maudit soit l’amour
Que bénie soit la guerre,
Que bénie soit la guerre
Et celui qui la fait.
Tout le temps de ma vie
Je la regretterai.

(Chansons du XVIIIè)

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Complainte à sa dame (Théodore Agrippa d’Aubigné)

Posted by arbrealettres sur 13 août 2023




    
Complainte à sa dame
Stances

Ne lisez pas ces vers, si mieux vous n’aimez lire
Les écrits de mon coeur, les feux de mon martyre :
Non, ne les lisez pas, mais regardez aux Cieux,
Voyez comme ils ont joint leurs larmes à mes larmes,
Oyez comme les vents pour moi lèvent les armes,
À ce sacré papier ne refusez vos yeux.

Boute feux dont l’ardeur incessamment me tue,
Plus n’est ma triste voix digne y être entendue :
Amours, venez crier de vos piteuses voix
Ô amours éperdus, causes de ma folie,
Ô enfants insensés, prodigues de ma vie,
Tordez vos petits bras, mordez vos petits doigts.

Vous accusez mon feu, vous en êtes l’amorce,
Vous m’accusez d’effort, et je n’ai point de force,
Vous vous plaignez de moi, et de vous je me plains,
Vous accusez la main, et le coeur lui commande,
L’amour plus grand au coeur; et vous encor plus grande,
Commandez à l’amour; et au coeur et aux mains.

Mon péché fia la cause, et non pas l’entreprendre ;
Vaincu, j’ai voulu vaincre, et pris j’ai voulu prendre.
Telle fut la fureur de Scevole Romain :
Il mit la main au feu qui faillit à l’ouvrage,
Brave en son désespoir; et plus brave en sa rage,
Brûlait bien plus son coeur qu’il ne brûlait sa main.

(Théodore Agrippa d’Aubigné)

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En travaillant la terre (Grégory Rateau)

Posted by arbrealettres sur 18 février 2023



Illustration: Erich Heckel
    
En travaillant la terre

Le vieux est là
Muet comme une souche
Il attend que le nuage passe
Ses outils sont comme des promesses
Un supplément de force
Malgré les années
Chaque muscle est à sa place
Pour faucher
Bêcher
Ratisser

Je regarde ma main
Pas un pli
La finesse des doigts qui ne trompe pas
Elle n’a donc servi à rien
Le vieux ne me le dit pas
Trop brave
Sa poigne montre l’exemple
Mes pas deviennent les siens

Je suis vite à la traîne
Sans un mot
Le voilà qui porte deux fois plus que moi
J’ai vu la ville de près ses fulgurances
Ses éclats mystiques
Ses passions au rabais
Rastignac du pauvre
J’ai croisé le fer avec elle
Ne blessant que moi-même

Le vieux n’a rien vu lui
Aucune lutte
Une simple ligne d’horizon
Des remparts de forêts sous un ciel vide
Il ne goûtera jamais à l’ennui qui élève
Aux délices de la foule
Son champ sera sa seule ivresse
Et pourtant lui en a palpé de la terre
Sué pour la rendre fertile
Son nom restera une empreinte

Que laisserai-je dans le bitume ?
Des projets froissés
Des rêves léthargiques…
Au loin je vois des tours
Les murs se rapprochent
Que restera-t-il du vieux
Quand même les arbres alentour seront maigres comme mes dix doigts ?

(Grégory Rateau)

 

Recueil: Conspiration du réel
Traduction:
Editions: Unicité

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La Paimpolaise (Théodore Botrel)

Posted by arbrealettres sur 6 février 2023




    
La Paimpolaise

Quittant ses genêts et sa lande
Quand le Breton se fait marin
En allant aux pêches d’Islande
Voici quel est le doux refrain
Que le pauvre gars
Fredonne tout bas
J’aime Paimpol et sa falaise
Son église et son Grand Pardon
J’aime surtout la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !

Le brave Islandais, sans murmure
Jette la ligne et le harpon
Puis, dans un relent de saumure
Il se glisse dans l’entrepont
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas
Je serais bien mieux à mon aise
Devant mon joli feu d’ajonc
À côté de la Paimpolaise
Qui m’attend au pays breton !

Mais souvent l’océan qu’il dompte
Se réveillant lâche et cruel
Et lorsque que le soir on se compte
Bien des noms manquent à l’appel
Et le pauvre gars
Soupire tout bas
Pour trotter la flotte irlandaise
Puisqu’il faut plus d’un moussaillon
J’épouserons ma petite Paimpolaise
En rentrant au pays breton !

Puis, quand la vague le désigne
L’appelant de sa grosse voix
Le brave Islandais se résigne
En faisant un signe de croix
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas
Serrant la médaille qu’il baise
Glisse dans l’océan sans fond
En songeant à sa Paimpolaise
Qui l’attend au pays breton!

(Théodore Botrel)

 

Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette

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SUR L’AIR DE LE PRINTEMPS AUX TOMBEAUX-DES-BRAVES (Li Qing Zhào)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    

SUR L’AIR DE LE PRINTEMPS AUX TOMBEAUX-DES-BRAVES

Le vent est tombé, la poussière embaume, les fleurs sont déjà passées,
Il se fait tard et je suis lassée de me peigner.
Le monde est là, il n’y est pas, tout est fini.
Je voudrais parler, mais les larmes coulent en premier.

J’entends dire que sur les Deux-Rivières, le printemps reste beau,
Alors me vient le projet d’aller y canoter.
Je crains pourtant que sur les Deux-Rivières une sauterelle, ce frêle esquif,
Ne puisse emporter autant de chagrin.

***

(Li Qing Zhào) (1084 — après 1149)

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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